Les accords secrets de la France au Mali

Les accords secrets de la France au Mali

Que se cache derrière la volonté du François Hollande de quitter le Mali dès le mois de mars, lui qui entendait «rester au Mali longtemps, au moins le temps qu’il faut» ? Derrière cette question se profile beaucoup de motifs qui ont poussé à cette décision.

Premièrement, les islamistes vont commencer à élaborer leurs actions, après avoir absorbé le gros de l’énergie de guerre des troupes franco-africaines. Deuxièmement, des actions-suicides ont été lancées : un jeune s’est fait déjà explosé alors que deux autres ont été arrêtés avec des ceintures-explosifs sur eux. Troisièmement, l’armée malienne et ses 5 000 soldats est plus divisée que jamais, avec des luttes fratricides entre les loyalistes de Amadou Toumani Touré, hostiles à une intervention française directe, et les partisans du capitaine putschiste Amadou Sanogo qui avancent sous la couverture aérienne des Rafale français.
L’Azawad sous la menace française
Mais avant de partir, Paris cherche à mettre tous les atouts de son côté, quitte à contribuer pour longtemps à déséquilibrer gravement l’Azawad. Paris veut impliquer le Mouvement national de libération de l’Azawad dans le jeu de négociations au Mali alors que ce mouvement ne pèse absolument rien devant des groupes aussi puissants qu’Ansar Eddine ou d’autres factions de la rébellion malienne. Il est vrai que les chefs du Mnla sont partis prêter allégeance à Hollande à l’Elysée, mais il est certain que, même avec un appui militaire,  ce groupe ne constituera qu’une bouchée pour les autres groupes armés, dès lors que les troupes françaises auront quitté le sol malien. La volonté de Hollande de composer avec les touaregs et d’éloigner les Arabes Barabiches des négociations constituent un grave précédent. Les Arabes, dont des centaines de descendants d’Algériens, établis depuis des siècles au Nord-Mali, sont devenus une des composantes essentielles du pays, au même titre que les Songhaïs, les Touaregs, les Barabiches, les Bambaras, les Dogons, les Khassonkés, les Malinkés, les Miniankas et les Peuls.
Il y a surtout un motif qui peut être placé à la tête de tous : le manque de financement de la guerre. Les caisses de la France se sont taries, suite à la crise financière aigue, et il n’est pas dit que les donateurs vont vouloir financer une guerre asymétrique, invisible, aux contours flous et sans objectifs, ni agenda. Aussi, le soutien des Etats-Unis n’aura servi à rien ou peut-être à caresser l’égo de Paris, Obama restant très en retrait, malgré sa volonté de pousser la France le plus loin  possible sur la voie de la guerre.
Expansion de la guerre en vue
On peut, enfin, ajouter aussi un autre motif : le sanctuaire du Niger. On pense que des centaines d’islamistes se soient retranchés chez leurs relais au Niger, et que, de ce fait, la guerre peut bien se déplacer au Niger, tout en continuant au Mali. L’expansion de l’aire de la guerre peut, pour ainsi dire, devenir un nouvel enjeu, avec, en prime, des risques de s’étendre en Mauritanie et au Nigeria, deux pays qui ont sur place des cellules opérationnelles d’Al Qaida, ainsi qu’au Sénégal et au Burkina Faso, qui ont marchandé, au moyen de pactes secrets avec des chefs islamistes, des trêves objectives, peut-être aussi au Tchad, coupable aux yeux des djihadistes de s’être impliqué militairement aux côtés de la France, et, enfin, au Maroc, pays ayant servi de rampe de lancement aux Rafale français au tout début de la guerre.
L’Algérie en ligne de mire
De toute évidence, l’Algérie n’est pas à l’abri de ces menaces, bien au contraire, tous les indices sont là pour confirmer qu’elle constitue l’une des cibles privilégiées des tenants de la guerre, et pas uniquement des djihadistes. Car si, pour les premiers, il s’agit de perpétuer une déjà assez longue guerre qui n’a pas encore dit son dernier mot, entre Alger et les avatars successifs du GIA, qui s’étendent jusqu’à Aqmi, pour les stratèges de la guerre et les stratégies de puissance, l’Algérie est un trop gros pays pour le rester indéfiniment. Depuis la partition du Soudan et l’amarrage du Sud-Soudan à Israël, l’Algérie est devenue le plus grand pays africain, arabe et musulman.
Ses ressources pétrolières sont très importantes et ses dogmes militaires assez hostiles pour le couple franco-américain et ses satellites tels le Maroc et Israël. Puisque le Printemps arabe n’a pas eu raison de l’Algérie pour des raisons qui seraient assez longues à expliquer, le moment est venu de la faire plier. Et la guerre au Mali serait une belle occasion pour entamer le travail de sape.
L’attentat de Tiguentourine était une  1ère mise en application de ces plans de nuisance. Il est entendu que les commanditaires étaient Mokhtar Mohamed Belmokhtar et ses adjoints, mais il est quasi-certain que les marionnettistes se tiennent loin de MBM, dans le temps comme dans l’espace.
La présence islamiste a été une horreur au Nord-Mali. De ce fait, accepter un nouveau mal, même de moindre visibilité, serait de fermer les yeux sur de nouvelles formes d’exactions et de dérives. Ce serait surtout faire une codification restrictive des conflits et une exégèse suspecte de la guerre. La sous-visibilité de la guerre au Mali est telle qu’elle peut justifier tous les commentaires imaginables…
Fayçal Oukaci