Les 6.000 terroristes descendus des maquis ont-ils simplement répondu à l’appel du président Bouteflika fraîchement élu via sa politique de concorde civile puis la loi sur la paix et la réconciliation nationale ? Pas tout à fait selon le général-major à la retraite Khaled Nezzar.
Dans ses derniers témoignages à la chaine Ennahar TV, il s’est fait l’avocat de son corps d’origine et de ses troupes, en déclarant que c’est l’ANP qui a été derrière la cascade de repentis enregistré à partir de la fin des années 90 et début des années 2000. C’est là une petite pierre jetée par le général dans le jardin fleuri de glorioles du président Bouteflika qui fait de ces descentes des maquis son trophée de guerre.
Khaled Nezzar connu pour ne pas mâcher ses mots, mais aussi pour ne pas partager la vision du président, prend ainsi la défense de l’ANP et lui attribue son « butin » de guerre que les années Bouteflika ont réduit presque à néant. Sans le citer nommément, Khaled Nezzar a distillé des messages politiques qui ne laissent point de doute sur leur destinataire.
L’idée force sur Ennahar TV, est que l’armée est l’initiatrice et le facteur déclenchant des vagues de repentir et qu’elle pouvait à ce titre s’enorgueillir des résultats puisque 6000 terroristes ont déposé les armes.
« L’initiative des contacts avec les islamistes qui avaient choisi la voie du terrorisme est venue de la force qui les combattait avec le plus de détermination : l’ANP », a déclaré le général, le ton haut et le geste sûr.
On a oublié la loi sur la Rahma !
Et à ceux qui oublient cet exploit, le général rappelle : On a rapidement oublié que la politique de la rahma qui incitait les terroristes – ils étaient qualifiés d’ »égarés » – à déposer les armes et à se rendre, en contrepartie de mesures de clémence à leur égard, a été lancée du temps de Liamine Zeroual. Elle a porté ses fruits : 6 000 terroristes ont décidé de cesser leurs actions contre l’Etat, ses institutions et la population.
Des précisions qui s’apparentent à un plaidoyer pour la vérité sur ces opérations réussies desquelles l’ANP semble quelque peu exclue ces dernières années au profit des politiques qui en font leur exploit exclusif.
Bien qu’il se soit gardé de ne citer personne, la cible de Nezzar semble toute désignée : le président Abdelaziz Bouteflika. Ce dernier a en effet capitalisé à lui seul, les multiples descentes des terroristes des maquis via une orchestration médiatique digne des grands exploits militaires.
Khaled Nezzar qui était aux avant-postes quand l’Algérie brûlait, a sans doute voulu dire certaines « vérités » pour sauver l’honneur de l’institution militaire à laquelle plusieurs procès ont été intentés et que certains milieux tiennent pour responsable de tous les maux de l’Algérie.
Ayant lui-même maille à partir avec la justice suisse sur cette période trouble, les précisions du général-major sonnent comme un coup de sang d’un homme dégoûté de se voir rabaissé au rang peu glorieux d’un « assassin ».
Au commencement était Redjam
Nezzar rappelle ainsi que les contacts entre l’institution militaire et les islamistes qui avaient pris le maquis « avaient déjà commencé en 1992. Autrement dit, ce n’est pas en 1999… Il déclare même que l’armée savait que la nature de la crise algérienne était « politique » et que la solution devait l’être aussi.
« Depuis le début, affirme le général Nezzar, nous savions que le terrorisme était un problème politique, pas du tout militaire. C’était un problème algéro-algérien et sa solution était politique, l’institution militaire en était convaincue », a-t-il dit.
Revenant sur ces premiers contacts avec les terroristes, Nezzar précise : « C’est l’armée qui a pris l’initiative des contacts avec les groupes terroristes. En 1992, il y avait des contacts, indirects, certes, avec Abderezzak Redjam, à Chréa. Les problèmes commençaient entre l’AIS et les GIA. Avec Liamine Zeroual, en 1994-1995, il y a eu la politique de la rahma comportant des dispositions incitant les terroristes à quitter les maquis et à déposer les armes », précise Nezzar.
On aurait pu revenir au processus électoral…
Le général-major qui voulait étayer la bonne foi de l’armée, a révélé qu’il a été décidé de « suspendre les exécutions de la peine de mort pour faits liés au terrorisme ». Mieux encore, Nezzar dit être convaincu que si les islamistes avaient condamné les actes de violence, « nous serions revenus aux élections plus rapidement ».
A-t-il été poussé vers la porte de sortie ? « J’ai cessé mes fonctions à la fin de 1993, je pouvais rester encore, personne ne me demandait de partir à ce moment-là. Au HCE (Haut Comité d’Etat), nous nous étions entendus pour que personne d’entre nous ne se présente à l’élection présidentielle à la fin du mandat du HCE qui correspondait à la fin du quinquennat de Chadli. J’avais moi-même décidé de ne pas revenir au poste de ministre de la Défense, estimant qu’il valait mieux prendre ma retraite », explique-t-il.
Le grand bavard de la grande muette a fait ainsi sa retentissante plaidoirie en faveur de l’ANP que les Algériens suivent avec beaucoup de curiosité sur Ennahar TV. Et ceux qui connaissent l’homme savent qu’il ne parle pas pour rien.