Un groupe de dix-neuf personnalités ont sollicité une entrevue avec le président de la République. Le but déclaré de cette visite au chef de l’État est de “savoir s’il sait ou s’il ne sait pas”.
Louisa Hanoune, qui s’est exprimée au nom des signataires de la demande d’audience, ne dévoile pas le procédé par lequel ils comptent sonder le niveau d’information de Bouteflika sur ce qui, de leur point de vue, constitue l’état de dégradation du pays : “Le renoncement à la souveraineté nationale… par notamment l’abandon du droit de préemption de l’État (…) la déliquescence des institutions de l’État, la grave dégradation de la situation économique et sociale, l’abandon des cadres algériens livrés à l’arbitraire, aux sanctions partiales”…
L’improbable association, réunie on ne sait par quel étrange processus, se présente comme n’étant “ni un tribunal”, ni un “substitut au pouvoir législatif”. Mais elle ne dit pas ce qu’elle ferait de son constat, une fois établi, sur le niveau de connaissance du Président quant aux “décisions étranges (qui) ont été prises (et qui) constituent un danger pour l’indépendance et la souveraineté du pays”. En revanche, le groupe a bien un plan B qu’il garde secret, au cas où le Président refuserait de le recevoir. Au demeurant comment les initiateurs de la requête sauront que Bouteflika en est informé ? L’on croit savoir, en effet, que le Président n’aime pas consulter la presse nationale qui, à ses yeux, manque de “professionnalisme”.
Cela dit, il subsiste un mystère sur les motivations politiques de ce rassemblement bigarré qui n’arrive pas à nous dire leur vrai doute : sur quoi soupçonne-t-on le Président de ne pas être informé ? Pourrait-il ne pas être au courant de la loi sur les hydrocarbures, du fait qu’un Mirage français s’est écrasé à Oum El-Bouaghi, que le budget de l’autoroute a été pillé, qu’un mystérieux courtier s’est amusé à drainer le contenu de caisses de l’État vers les caisses de Khalifa, que Chakib Khelil s’est peut-être volatilisé avec des centaines de millions de dollars de Sonatrach… avant d’être invité d’honneur aux cérémonies du 1er Novembre de l’ambassade d’Algérie à Washington ?
Louisa Hanoune et ses compagnons du moment — dont certains ont partagé avec le Président la responsabilité de gouverner ou de légiférer — “savent-ils ou ne savent-ils pas”, que les décisions “dangereuses pour la souveraineté et l’avenir” du pays ne date pas de ces derniers jours ? N’est-ce pas plutôt trop tard, maintenant que la faillite est là, de demander des comptes à un Président quatre fois élu et réélu et mille fois soutenu ?
À moins qu’il ne s’agisse là d’une démarche suggérée pour le dédouaner des dommages de sa politique sur le mode bon calife et du mauvais vizir ?