Des échanges tendus entre différents candidats, violences pré-électorales qui ont émaillé récemment des meetings électoraux et insultes entre protagonistes sur les réseaux sociaux en passant aux plaintes à la justice. Les tensions ne cessent de croître à la veille de chaque scrutin électoral dans notre pays, déjà mal en point économiquement, faisant craindre des débordements à tout moment.
Passé l’épisode des élections sénatoriales du 29 décembre dernier, qui ont donné une victoire écrasante au Front de libération nationale (FLN), la classe politique se prépare aux présidentielles d’avril prochain, dans un contexte illisible politiquement et très tendu économiquement. La semaine dernière, des élus et militants du FLN et de son «frère-ennemi» et principal adversaire à l’occasion de chaque scrutin électoral, le RND, ont échangé des accusations de fraude et de «recours massif à l’utilisation de l’argent pour l’achat des voix» pour leurs candidats respectifs. Sur les chaînes des télés, dans les colonnes de la presse ou les réseaux sociaux, des vidéos et accusations ont circulé, portant sur des faits flagrants de corruption et d’utilisation de l’argent sale pour influer sur les élus durant le processus de vote.
La perte du siège de la Capitale, remporté par le RND en faveur de l’homme d’affaires et membre de la FAF Bachir Ould-Zemirli, a fait grincer des dents au FLN, de l’aveu même de son premier responsable, Mouad Bouchareb, qui a reconnu que la perte est lourde, en promettant que «les militants FLN qui ont voté contre les consignes du parti vont être débusqués et sanctionnés ». Plusieurs cas de violence entre militants des deux formations, alliées au gouvernement, ont été rapportés lors du déroulement de ces sénatoriales. L’agression sur le secrétaire de la wilaya de Tlemcen, Amine Senoussi, également député à l’Assemblée populaire nationale (APN), a suscité une émotion intense au sein des militants de la formation du premier ministre dans cette wilaya.
Après la décision du Conseil constitutionnel d’invalider cette élection, dont les résultats initiaux donnaient le candidat RND comme vainqueur, les élus de cette formation ont fini par sortir dans la rue. Tout au long de la journée, des batailles rangées avaient marqué ce scrutin. Plusieurs élus du RND se sont réunis samedi dernier pour donner leurs consignes de vote pour le second tour des sénatoriales de ce jeudi, décidées exceptionnellement par le Conseil constitutionnel dans cette wilaya.
Dans un communiqué, le RND, arrivé deuxième avec 9 sièges (auparavant accrédité par 11 sièges), a affirmé qu’il «ne s’engagera pas dans les élections de ce jeudi avant la garantie d’un certain nombre de conditions», dont notamment «la supervision directe du CC», «des magistrats chargés de surveiller le scrutin désignés en dehors de la Cour de Tlemcen», et «le changement de lieu de vote de l’APW de Tlemcen vers un autre lieu». Mouad Bouchareb, coordinateur général du FLN, parti qui a remporté 31 sièges, a répliqué lui aussi à travers un communiqué que sa victoire est bien «méritée» voire plus : «halal», niant les accusations de «l’argent sale» qui sont, selon le FLN, «sans fondement» et émanant d’«un mauvais perdant», allusions aux allégations du RND.
Même constat du côté du parti du Front El-Moustakbal, lorsque des faits similaires se sont produits à Illizi, après que les élus du parti de Belaïd Abdelaziz sont sortis dans la rue pour crier au complot suite à l’annonce du Conseil constitutionnel d’invalider le sénateur de leur parti en proclamant la victoire de celui du FLN. Lors des élections des APC/APW de novembre 2017, des incidents de violence ont émaillé aussi ce processus de vote. À Béjaïa, dans la commune de Boudjellil, des escarmouches ont éclaté à l’intérieur d’un bureau de vote entre surveillants de différentes formations politiques après des suspicions de fraude avant que ça dégénèrent en détruisant les urnes de votes.
L’incident, survenu d’abord dans un bureau de vote du village de Bouâziz, s’est étendu au centre de vote de Boudjellil mitoyen, provoquant l’arrêt momentané et inévitable de l’opération de vote, et la cause invoquée est «l’insuffisance de bulletins de vote réservés à leur formation » et « la présence concomitante sur les mêmes lieux de bulletins en position double, réservés à un parti concurrent, soupçonné de bénéficier des faveurs de l’administration locale ». Ces violences dénoncées par tous les partis politiques du pays risquent aujourd’hui encore d’enflammer l’échéance électorale cruciale très attendue cette année, un moyen facile entre les mains des protagonistes perdants en l’absence d’une réelle culture de démocratie et de multipartisme.
Hamid Mecheri