Prenant son courage à deux mains, le CNDH au Maroc a reconnu, dans un rapport rendu public mardi, le traitement dégradant réservé aux détenus dans les prisons du royaume.
Les détenus des prisons marocaines subissent des traitements inhumains. C’est la conclusion à laquelle a abouti le Conseil national des droits de l’homme (CNDH) du Maroc, un organisme officiel, dont les membres sont nommés par le roi Mohammed VI.
Cette instance a reconnu dans un rapport rendu public mardi la persistance d’exactions à l’encontre des détenus qui subissent dans les prisons du Maroc des “traitements cruels, inhumains ou dégradants”. “Ces traitements sont cruels, inhumains ou dégradants dans la plupart des prisons visitées”, a indiqué le rapport du CNDH, qui précise que “ces exactions ont été observées avec une prévalence et une intensité qui diffère d’une prison à l’autre”.
Détaillant, les traitements réservés aux prisonniers, le rapport du CNDH, qui a nécessité cinq mois d’enquête dans plusieurs prisons du Maroc, indique que “ces violations se manifestent par des coups portés aux moyens de bâtons et de tuyaux, la suspension sur des portes à l’aide de menottes, les coups administrés sur la plante des pieds (falaqa), les gifles, les pincements à l’aide d’aiguilles, les brûlures, le déshabillage forcé des détenus (…), les insultes et l’utilisation d’expressions malveillantes et dégradantes portant atteinte à la dignité humaine des détenus”.
Les détenus étrangers n’échappent pas à ces violations selon le rapport, qui note qu’ils “sont victimes d’autres violations fondées sur la discrimination en raison de la couleur, de la part des détenus et parfois de la part de l’administration”. Quant aux femmes détenues, elles sont classées dans les “groupes vulnérables”. Le CNDH a constaté que celles-ci subissaient des “traitements cruels et comportements dégradants”, tels que les “insultes et les humiliations”, aussi bien dans les postes de police que dans les prisons, ajoutant que celles incarcérées pour des affaires de mœurs étaient “particulièrement visées par certaines surveillantes”. Pour ce qui est des femmes qui accouchent dans les prisons, la même source relève qu’à l’expiration du délai qui leur est accordé pour garder leurs enfants, et en l’absence de proches ou devant leur refus de les prendre en charge, elles sont “contraintes de les abandonner à des tiers qui les exploitent, dans certains cas, dans la mendicité ou les placent dans des orphelinats”. Le document du CNDH constate aussi “la rareté des enquêtes au sujet des plaintes déposées à l’encontre des personnels, y compris sanitaire, ou au sujet des violations relatées par la presse et les associations” et “l’absence de procédures de contrôle et d’inspection efficaces, à même de mettre fin aux différentes manifestations de corruption qui caractérisent certains établissement”.
Le CNDH estime, par ailleurs, que “le recours excessif à la détention provisoire” constitue “la première cause du surpeuplement”, et que la “lenteur des procès” est une “atteinte aux garanties du procès équitable prévues par la loi”. Ce triste constat corrobore ce qui a été avancé par le rapporteur spécial des Nations unies sur la torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants, l’Argentin Juan Mendez, en visite au Maroc et au Sahara occidental (11-22 septembre).
Il avait déclaré dans la capitale marocaine, à l’issue de sa mission, qu’il avait reçu des “témoignages crédibles faisant état de pressions physiques et mentales excessives sur des détenus au cours d’interrogatoires”. “Bien que la pratique des traitements cruels persiste dans les affaires criminelles ordinaires, il ne devrait pas être surprenant que des actes équivalant à la torture soient commis à l’occasion d’événements particulièrement intenses, tels que des grandes manifestations, perçues comme une menace à la sécurité nationale, ou des actes de terrorisme”, avait souligné M. Mendez. Le rapporteur de spécial de l’ONU a ajouté que “dans ces moments-là, l’on peut remarquer une augmentation des actes de tortures et de mauvais traitements pendant la détention et l’arrestation”. Dans sa conclusion préliminaire, il avait mis en exergue le fait qu’il y avait “des informations crédibles faisant état de coups violents, infligés par coups de poing et de bâton, et de l’utilisation de décharges électriques et de brûlures de cigarette”.
Il avait noté qu’il y avait des “allégations crédibles d’agression sexuelle et de menace de viol commis sur des victimes ou des membres de la famille de celles-ci et d’autres formes de mauvais traitements”. “Un certain nombre de cas a été porté à mon attention où les lésions montrent le traitement qui constitue des actes de torture”, a-t-il affirmé.
M T