L’emprunt obligataire a tué l’offre de « conformité fiscale »

L’emprunt obligataire a tué l’offre de « conformité fiscale »

L’offre d’amnistie fiscale, lancée en grand pompe par le gouvernement, est virtuellement abandonnée. L’emprunt obligataire prend désormais le relais, confirmant que l’exécutif se contente se réaliser des coups, quitte à saborder sa propre démarche.

La conformité fiscale volontaire, lancée en août 2015 après validation de la loi de finances complémentaire, offrait aux détenteurs d’argent informel la possibilité de l’introduire dans le circuit bancaire contre une amende forfaitaire de 7%.

Le ministre des Finances, Abderrahmane Benkalfa, visait plusieurs objectifs à la fois : attirer vers les banques une partie de l’argent informel, évalué à 40 milliards de dinars, trouver ainsi de nouvelles sources de financement de l’économie, donner aux banques un rôle accru dans le financement de l’économie pour prendre le relais des financements publics et, enfin, atténuer la baisse des liquidités qui se profilait avec la baisse des recettes extérieures du pays.

Désillusion

Malgré le scepticisme qui accueillait cette initiative, M. Benkhalfa restait optimiste. Il a déclaré à plusieurs reprises que la démarche donnait des résultats encourageants.

Six mois plus tard, c’était la désillusion. Le Directeur général des impôts, Abderrahmane Raouia, a révélé, en février 2016, que seules 250 personnes avaient souscrit à l’offre de conformité fiscale. Il n’a pas donné de montant récolté, confirmant implicitement que le résultat était très faible.

Entretemps, le gouvernement continuait à plancher sur des formules destinées à capter l’argent informel. Le Premier ministre Abdelmalek Sellal a révélé, début mars, qu’il s’agirait cette fois-ci d’un emprunt obligataire, toujours en vue d’attirer l’argent « dormant » vers les réseaux bancaires.

Avant que les détails ne soient définitivement arrêtés, le gouvernement a indiqué que l’emprunt serait rémunéré à 5% ; il devrait être lancé à la mi-avril, sans aucune condition de justification des fonds, comme pour la « conformité fiscale ». Echaudé par l’expérience antérieure, le ministre des Finances n’a toutefois voulu fixer aucune barre à atteindre. Mais avant l’été, il sera possible d’en estimer l’impact.

Blanchiment

« Avec l’amnistie fiscale, tu paies 7% et tu blanchis ton argent. Avec l’emprunt obligataire, tu gagnes 5% et tu blanchis ton argent. Le choix est clair », commente, acerbe, un économiste, pour qui le ministère des Finances « a décidé d’enterrer l’offre de conformité fiscale sans le reconnaître publiquement ». Il ajoute que « le gouvernement perd sur tous les plans. Il donne même raison à ceux qui ne lui font pas confiance et qui attendent un maximum de concessions. Ceux qui ont eu recours à la conformité fiscale vont le regretter », dit-il. « Il suffisait d’attendre ».

Pour le gouvernement, une initiative chasse l’autre. Les mauvaises appréciations débouchent sur des résultats décevants, mais personne n’est comptable des échecs répétés. En attendant, le temps passe, et la crise s’aggrave.

Manque de souplesse

Un homme d’affaires d’Alger se montre très sceptique quant à l’emprunt obligataire. Selon lui, le gouvernement se trompe quand il pense que l’argent informel « est stocké dans des sachets noirs et enfoui dans la cave. C’est de l’argent vivant, qui circule à une vitesse que ne soupçonnent même pas nos ministres », dit-il.

Cet homme d’affaires relate lui-même une mésaventure qui lui est arrivée : il avait besoin de 4 millions de dinars cash pour une transaction, « une excellente opportunité qu’il fallait saisir tout de suite ». A la banque, on l’a informé qu’il devait patienter 48 heures : « 48 heures pour prendre possession de mon propre argent, alors que j’avais la possibilité de gagner 3% sur une opération de 7 millions de dinars en une semaine. Vous vous rendez compte ! »

Système bancaire et monétique

Un jeune homme analyse la situation sous un angle totalement différent, celui du bénéfice de l’emprunt obligataire. Il relate sa propre expérience : « J’ai acheté une Seat Ibiza en 2014 à 1.2 millions de dinars. J’ai roulé deux ans, et je l’ai revendue il y a deux semaines à 1.4 millions de dinars. Ça me donne un gain légèrement inférieur à 10%, mais nettement mieux que les 5% de l’emprunt obligataire. »

Pourtant, le gouvernement insiste : 5%, c’est beaucoup plus élevé que le taux d’inflation officiel. En fait, l’attrait principal de l’emprunt est la garantie qu’il offre. Pour les bénéfices envisagés, Biopharm propose des actions qui assurent plus de 10%.