Trois économistes ont présenté, dans une longue étude, un plaidoyer en faveur de l’emprunt obligataire que s’apprête à lancer le gouvernement. Tout en insistant sur les conditions qui doivent entourer le lancement de cet emprunt, et sur les conséquences négatives qu’il pourrait avoir sur l’économie algérienne, Raouf Boucekkine, Nour Meddahi, professeurs d’économie, et Elias Chitour, consultant, insistent à la fois sur l’attractivité de l’emprunt et sur son utilité pour l’économie algérienne.
L’étude, rendue publique il y a une dizaine de jours, note que l’emprunt envisagé sera rémunéré à 5%, ce qui est « est au-dessus de l’inflation, qui était de 4,8% », et « également au-dessus de la moyenne de l’inflation annuelle sur la période 2001-2015, qui est de 4% ».
Sur les années à venir, le FMI prévoit une baisse de l’inflation, « en raison des effets de l’assainissement budgétaire sur l’activité hors hydrocarbures », ce qui devrait rendre l’emprunt encore plus attractif, malgré la baisse du dinar et les augmentations de prix qui se profilent.
L’étude n’exclut toutefois pas le risque inflationniste, au regard de certains facteurs. D’ores et déjà, notent les auteurs de l’étude, « l’augmentation de l’inflation entre décembre 2015 et janvier2016 a été de 0,8%, ce qui élevé ». De là, « un impact inflationniste significatif en cas de nouvelles augmentations de prix » reste possible.
La meilleure rémunération du marché
Les auteurs de l’étude notent également que le taux de 5% proposé est supérieur à celui de la rémunération des autres placements financements financiers disponibles, limités entre deux et trois pour cent. « L’emprunt sera donc attractif, au moins pour attirer l’argent déposé dans les banques », ce qui signifie implicitement que pour ce qui est de l’argent activant dans l’informel, la situation se présente différemment.
Le rendement de l’emprunt obligataire est également supérieur aux rendements des entreprises cotées sur la Bourse d’Alger. « Aucune entreprise cotée ne donne un dividende égal ou supérieur à 5% du prix de cotation », rappelle l’étude. Ce seuil est même supérieur à celui de l’immobilier, qui serait de quatre pour cent.
Effet collatéral attendu, l’emprunt peut « créer de la compétition et dynamiser le système bancaire ». Selon l’étude, « les banques seront forcées d’aller collecter les liquidités qui circulent en dehors des banques, ce qui est très bon pour l’économie du pays ». Les auteurs de l’étude suggèrent que les banques « innovent » pour proposer « des produits compatibles avec des convictions religieuses strictes » : autrement dit, il s’agit d’attirer une clientèle islamiste rigoriste, qui refuse les taux d’intérêt, et recherche des placements « halal ».
Et les devises?
Enfin, le taux de 5% rend aussi l’emprunt national attractif par rapport à l’immobilier. En effet, tous les chiffres dont nous disposons de manière informelle, en particulier pour la ville d’Alger, suggèrent que le rendement de l’immobilier est bien inférieur à 5%. Une façon simple de calculer le rendement d’un bien immobilier est de calculer le ratio de son prix de marché sur le loyer annuel que générerait le bien. Les chiffres dont nous disposons donnent un minimum de 25, ce qui correspond à un rendement maximal de 4%.
Reste la baisse du dinar, qui favorise les placements en devises. Une forte ruée vers le marché noir des devises a été enregistrée depuis trois mois, avant un repli depuis début mars. L’euro avait frôlé les 190 dinars, contre 160 dinars il y a six mois, avant de retomber autour de 170 dinars.
L’étude note que « le seul actif en devises accessible en Algérie est le change parallèle », ce qui réduit considérablement les placements en monnaies étrangères. De plus, « tout l’argent de l’économie formelle ne peut pas être investi dans le marché parallèle des devises », ce qui en laisse une grande partie disponible pour l’emprunt obligataire.
Les auteurs de l’étude incitent par ailleurs le gouvernement à proposer plusieurs variantes pour la maturité de l’emprunt : du court terme, un à deux ans, pour les particuliers, du moyen terme, trois à cinq ans, pour une autre clientèle, et du long terme, sept à dix ans, pour d’autres, comme les sociétés d’assurances et les caisses de retraite.