Au lendemain du «vendredi du départ», qui a vu des centaines de milliers d’Egyptiens occuper la rue, pour faire chasser le «Raïs Moubarak est toujours là ! Mieux, il s’est même adonné, samedi matin, à une activité “classique”», en présidant une réunion avec son premier ministre et quelques membres du gouvernement.
Kamel Amarni – Alger (Le Soir) – Une réunion à laquelle a assisté le gouverneur de la Banque centrale égyptienne mais, surtout, que Moubarak a tenu à médiatiser. Au Caire, à la désormais célèbre place Attahrir, les manifestants, toujours aussi nombreux, ne désarment pas non plus. Inflexibles, ils maintiennent la même revendication maximaliste, le départ de Moubarak et la même détermination à ne quitter les lieux qu’une fois le successeur de Anouar Sadate tombe.
Hier, on était donc dans un parfait statu quo sur ce plan-là. Statu quo, tension, mais aussi d’autres inquiétants développements. Dès la matinée d’hier, un attentat a ciblé le gazoduc reliant l’Égypte à Israël, via Ghaza au niveau de la ville d’El Arrich, à l’est du pays. Non loin de là, dans le Sinaï, c’est une église copte qui a été ciblée par des pyromanes. Ce genre d’incidents peut facilement faire glisser l’Égypte vers l’irréparable même si, jusqu’à hier soir, les auteurs n’avaient pas encore été identifiés. La minorité copte ayant été, pour cause, déjà victime d’un ignoble attentat fin décembre dernier. Pendant ce temps aussi, c’est le parti-Etat de Moubarak, le tout-puissant Parti national démocratique, qui prend de sérieux coups.
Hier, les «dinosaures » du parti, qui faisaient et défaisaient la politique nationale jusque-là, en l’occurrence le bureau exécutif dans son ensemble, annonçait sa démission. Entre autres, le secrétaire général Safouat El Sharif et son adjoint et néanmoins le patron réel du parti, Gamal Moubarak. Ce dernier devait succéder à son père de président dès septembre prochain. Tout était fait dans ce sens avant le soulèvement du 25 janvier. A l’ombre de son père, il détenait quasiment tous les leviers du pouvoir, et son «intronisation» ne devait être qu’une simple formalité.
Or, comme son père, sa carrière politique prend, là, un brutal coup d’arrêt. Ce qui, en soi, peut consoler la rue égyptienne et la galvaniser davantage avec la «concrétisation» de cette première victoire symbolique. Entre-temps, un autre personnage prend de plus en plus d’importance dans le paysage politique égyptien : Amr Moussa, le secrétaire général de la Ligue arabe qui est quasiment officiellement candidat lui aussi à la prochaine élection présidentielle. Comme Omar Souleimane avant lui et le Premier ministre Ahmed Shafik, Amr Moussa plaide pour «une sortie honorable » au président Moubarak.
Ce discours dominant depuis quelques jours et consistant en une nécessaire «transition ordonnée en Égypte», défendu par Washington et l’ensemble des pays occidentaux, puis repris par les responsables égyptiens les plus en vue, n’a été «explicité» qu’hier soir par l’envoyé spécial américain au Caire. Frank Wisner, l’émissaire d’Obama, a fini par déclarer, hier soir, à Reuters que «le président égyptien Moubarak doit rester en place pour assurer la transition politique vers la démocratie ». Les toutes prochaines heures connaîtront certainement bien des développements.
K. A.