Ce qui devait être une fête pour des milliers de familles, qui côtoient des favellas, a viré malheureusement à l’émeute et à la violence. Les faits ne sont pas nouveaux.
Le lancement, lundi dernier, de l’opération de relogement de 3 245 familles algéroises ne s’est pas fait comme l’auraient souhaité les pouvoirs publics. C’est-à-dire dans le calme et dans un climat festif. Ce qui devait être une fête pour des milliers de familles, qui côtoient des favellas, a viré malheureusement à l’émeute et à la violence. Les faits ne sont pas nouveaux.
L’émeute est devenue un mode opératoire pour l’acquisition d’un logement. Ce qu’il faut relever, par ailleurs, c’est que «ce drame» est le résultat des échecs successifs des politiques de lutte contre la crise du logement, mis en place par le gouvernement depuis plus de vingt ans. La crise du logement s’est accumulée au fil des années. Les catastrophes naturelles qui ont ébranlé la capitale et ses régions détruisant des milliers d’habitations, le délabrement du parc immobilier existant et la forte croissance démographique, ont sans doute, compliqué la crise déjà chronique du logement. Des sinistrés des inondations de Bab El Oued en 2001, des victimes du séisme de Boumerdès en 2003 n’ont pas été relogés à ce jour. Le gouvernement est resté pendant plusieurs années sans construire, laissant du fait une crise terrible perdurer. Et maintenant que l’Etat affiche sa volonté d’en finir avec la crise du logement et décide de construire à tour de bras, il se trouve devant une demande difficile à satisfaire. Car le problème qui se pose à l’heure actuelle est qu’il est impossible de satisfaire le nombre croissant de demandes qui atterrissent sur les bureaux des P/APC de la capitale. Si les familles «émeutières» décident aujourd’hui de faire du «chantage» à l’Etat pour l’acquisition d’un logement, c’est parce qu’elles étaient pendant plusieurs années victimes d’une injustice de distribution de «ce luxe» par les autorités locales. Passe-droits, pots-de-vin, bureaucratie étaient, pendant des années, les critères d’attribution de logements. Des pratiques qui ont mis aujourd’hui la capitale sur un brasier. A Bab El Oued, Diar Echems, Baraki, ou Beni Messous, des familles entières occupent la voix publique et s’opposent aux forces de l’ordre. Faut-il recourir systématiquement à l’émeute pour prétendre à un logement social ? La question n’a plus besoin d’être posée chez ceux qui habitent les bidonvilles, les chalets et les vieilles bâtisses. La wilaya d’Alger a connu depuis le début de l’année 2010 la plus grande opération de relogement depuis l’indépendance qui a touché plus de 10 000 familles occupant des bidonvilles, des habitations précaires et des chalets, au titre du programme d’éradication de l’habitat précaire du président de la République. A première vue, le chiffre est énorme. Mais parce que le pays a accusé un retard terrible en matière de logements, et parce que le terrorisme est venu accentuer l’exode rural, la construction de 10 000 ou 100 000 logements ne résoudra pas le problème, tout comme le programme de deux millions (programme 2010-2014) de logements, paraît comme une goutte d’eau dans l’océan des demandes en attente. La wali d’Alger a utilisé, cette semaine, un ton menaçant pour affirmer aux citoyens que l’émeute ne donne aucunement accès au logement et ne donne plus le droit de choisir le site de leur relogement. Il a appelé les émeutiers à la patience et à la sagesse. Mais, en réalité, la culture de l’émeute s’est ancrée dans les esprits de ceux qui attendent leur logement depuis des lustres. Le gouvernement aurait pu éviter ces situations de tensions, si la transparence, au niveau local, était de mise.
Par Hocine Larabi