Le courant islamiste est-il encore si puissant et organisé, vingt ans après le test des élections législatives de 1991 ? Est-ce la peur d’une victoire islamiste aux prochaines élections législatives ou une simple petite précaution pour éviter la mainmise d’un seul courant politique sur la future Constitution qui a incité le président Bouteflika à changer complètement de date.
Car la probabilité du raz-de-marée de ce courant est aujourd’hui sur toutes les lèvres, spécialistes, partis politiques proches du pouvoir et même ministère de l’Intérieur, ce dernier aurait même, selon un quotidien arabophone, diligenté en catimini une enquête sur les intentions de vote du courant islamiste.
La question est prise très au sérieux. Pour autant, la classe politique, toutes tendances confondues, est divisée à ce sujet. Certains y voient une victoire possible, d’autres, en revanche, refusent d’abdiquer. C’est le cas de Louisa Hanoune qui croit, elle, en la victoire du courant démocrate. Pourtant, ce courant est largement divisé.
Cette thèse est battue en brèche. Ni le FFS, s’il décide de participer, ni le RCD ne sont à eux seuls capables de battre ce courant homogène et pratiquement sur la brèche depuis l’ouverture démocratique en Algérie au début des années 1990. S’il paraît aujourd’hui éparpillé, le contenu du discours idéologique reste le même pour ce courant qui revendique toujours le retour aux valeurs islamiques.
En 1992, deux partis, l’ex-FIS et le MSP, se réclamant du courant islamiste étaient autorisés à participer à la première élection législative. Aujourd’hui, ils sont six sur la scène politique : le MSP d’Aboudjerra Soltani, le FJD d’Abdallah Djaballah qui fait son come-back, le Front national du changement (FCN) de Menasria, El-Islah, Ennahda, le PLJ de Mohamed Saïd et le dernier-né des partis, celui de Djamel Benabdeslem, le transfuge d’El-Islah, à convoiter cet électorat.
Des trois millions de votants qui ont consacré la victoire de l’ex-FIS en 1992, que reste-t-il finalement de cet électorat demeuré constant et que les six partis vont devoir se partager ? Les dernières élections législatives (1997 et 2007) ne peuvent en aucun cas constituer un baromètre crédible, car elles se sont déroulées dans un contexte de repli de ce courant.
Aujourd’hui, avec la montée en flèche de la mouvance islamiste dans les pays de la région du Maghreb (la Tunisie, le Maroc, l’Egypte et probablement la Libye), la donne a totalement changé en faveur de ce courant qui a le vent en poupe. D’où cette crainte de voir encore une fois ce courant rafler la mise dans une élection qu’on souhaite libre, transparente et honnête. Mais cette peur est relativisée par d’autres partis, dont le RND, qui estime que la réédition de l’expérience de 1991 n’a aucune chance de se reproduire.
Lors de sa dernière conférence de presse, Ahmed Ouyahia avait lancé cet avertissement en direction des démocrates : «A ceux qui redoutent [les démocrates] une réédition de l’expérience de 1991, je leur dis : qu’attendez-vous pour créer une alliance ? Nous sommes prêts à nous unir contre le courant islamiste. Souvenez-vous du vote pour Zeroual en 1996.
Car le véritable enjeu, ce n’est pas le taux de participation. Les islamistes ne perdront pas un seul électeur», a-t-il averti. Le taux de 35% à 40% avancé dernièrement par le SG du FLN, Abdelaziz Belkhadem, n’est pas une vue de l’esprit ou une énième lubie du patron du plus vieux parti.
Ce taux aurait fait réfléchir au plus haut niveau et aurait poussé le chef de l’Etat à revoir sa copie concernant la future révision de la Constitution.
Mahmoud Tadjer