Leilat cha’bi: Des mémoires constantinoises à l’histoire algérienne

Leilat cha’bi: Des mémoires constantinoises à l’histoire algérienne

Mériem Merdaci, organisatrice de l’ évènement sous la seule enseigne de sa maison d’édition, s’est révélée en parfaite maîtresse de cérémonie.

Ce qui pouvait paraître, à première vue, comme un pari risqué, aura bel et bien été tenu et «Leilat Cha’bi», la première du genre, initiée par la maison d’édition «Les Editions du Champ Libre» a confirmé répondre à de réelles attentes tant dans le monde des musiques de Constantine que plus largement au sein du public. Ainsi donc «Le café Riche», espace incontournable des rencontres constantinoises depuis le Ramadhan dernier, aura, une fois de plus affiché complet et aura accueilli une assistance de qualité avec une notable empreinte de la famille du cha’bi.

Mériem Merdaci, organisatrice de l’ évènement sous la seule enseigne de sa maison d’édition, s’est révélée en parfaite maîtresse de cérémonie et après les paroles de bienvenue et de remerciements – en particulier à notre journal – aux différents soutiens de la manifestation, en a exposé les motifs et les objectifs «L’objectif est double, rassembler d’une part la famille du cha’bi de Constantine et ouvrir droit par la suite à une réflexion collective sur le statut de la musique cha’bi et son histoire en Algérie.» Si, comme elle le rappelait, cette rencontre s’appuyait aussi sur la présentation de l’ouvrage «Les Compagnons de Sidi Guessouma.

Contribution à l’histoire du cha’bi» dont elle avait assuré la publication, elle ne manquera de relever tout le travail de promotion du cha’bi de Constantine à travers le pays à l’occasion de rencontres, débats, de conférences ou sur les plateaux de télévision qui avaient accueilli l’auteur. C’est en tout cas le sens qu’elle assigne au documentaire en cours de réalisation sur le sujet et dont la projection de la bande annonce signait l’entrée dans le vif de «Leilat Cha’bi».A son invitation l’auteur a exposé l’objectif de son travail de recherche et les enjeux liés à l’identification du cha’bi qu’il situera comme une «créativité algérienne adossée, en profondeur, à l’esprit de résistance qui allait s’affirmer avec de plus en plus de force à partir du début du XXème siècle» et sur cette thématique du cha’bi «musique algérienne, musique de toute l’Algérie» que se sont ouverts les précieux témoignages des artistes présents et de leurs familles.

La présence des enfants du regretté cheikh Mohamed Chérif Merkouche – dont Hamdani Hammadi, lauréat du Festival de musique classique algérienne, dira qu’il était «La voix du cha’bi à Constantine» – de Larbi Merouani, formé sous les auspices du Fondouq Sidi Guessouma, de Khoudir Benrachi, de Mohamed Bouhabib ou encore Driss Amine Khoudja fils de feu Aâmi Mouloud Leqzaderi comme l’appelaient les anciens, mais aussi de nombreux mélomanes – dont Abdelhamid Chibane, adjoint du maire de Constantine – rajoutait une indéniable note d’émotion qui allait se retrouver dans les différents témoignages. Les mémoires de quatre générations au moins de musiciens du cha’bi allaient être revisitées et on évoquera ainsi les figures des pionniers – Mohamed Larbi Zeroula, Boudjema Madoui, Mouloud Amine Khodja entre autres- des talentueux passeurs du cha’bi à l’image des frères Ammar et Omar Bouhabib, des frères Boudida, de Salah Filali mais aussi des fulgurantes contributions de Ahmed Ydjer et Cheikh El Ouanas.

Les territoires du chabi – le billard de Allouane Bentounsi de la rue Cherbonneau, le local de Tayeb Bouda, entre autres ont alimenté la note de nostalgie, mais confirmé l’enracinement du cha’bi dans le coeur de Constantine. Festive, chaleureuse et marquée par l’émotion cette première «nuit du cha’bi» doit en appeler d’autres a estimé Mériem Merdaci et elle aura été illuminée par les belles prestations de Mohamed Bouhabib, Fayçal Leghraba et Mohamed Hamdi, comme si l’évènement prenait sens d’un passage de flambeau entre les mains de la nouvelle génération.

L’assistance n’a pas manqué d’avoir une pensée pour Ammar Bouhabib, Salah Filai, Dahmane Boudida, absents pour des raisons de santé et de saluer la mémoire de Mouloud Kracha et Nadir Bouda disparus il y a peu.

Une nuit constantinoise qui appelle en tout état de cause plus de lumière sur ces noms d’artistes qui méritent mieux que la méconnaissance.