Blaoui Houari est décédé, hier mercredi, à Oran, à l’âge de 91 ans, des suites d’une longue maladie. Le grand artiste du genre wahrani (oranais) et l’une des figures marquantes de la chanson algérienne en général est décédé, aux premières heures de la matinée, après une longue maladie qui l’avait contraint à s’éloigner, des mois durant, de la scène artistique.
Sitôt la nouvelle de sa disparition relayée, la maison familiale du défunt fut assaillie par les proches et anonymes. Les rues menant à son domicile ont connu une circulation dense et certaines artères ont même été coupées.
Le défunt devait être enterré après la prière d’El Asr. Plusieurs officiels devaient y prendre part à l’exemple du ministre de la Culture qui était à Mostaganem durant la matinée et qui a tenu à exprimer ses sincères condoléances dès lors qu’il a appris la triste nouvelle. «Nous venons de perdre un monument de la culture algérienne, à lui seul il représentait une école artistique. Il a su moderniser la chanson oranaise en s’inspirant du terroir, et ce, grâce à son talent raffiné pour la musique. Il a légué un répertoire riche et su redonner un second souffle à des textes anciens.»
De son côté, l’ONCI a tenu à exprimer sa profonde tristesse suite à cette disparition et a annoncé que la soirée musicale prévue ce jour-là au Théâtre de verdure était annulée.
Blaoui Houari, né à Oran, plus précisément à Sidi-Blel dans le quartier de M’dina Jedida, le 23 janvier 1926, est aussi l’un des fondateurs, avec Ahmed Wahby, du genre musical nommé el asri (moderne), né à Oran dans les années 1940 et influencé par la musique arabe traditionnelle du Moyen-Orient avec un langage poétique typiquement oranais. Il est aussi le chanteur qui a révolutionné et modernisé la musique bédouie, un style typique dans la région du Nord-ouest algérien.
Blaoui Houari a commencé son apprentissage musical dès l’âge de 4 ans, grâce à son père Mohamed Tazi, mélomane et joueur de kouitra, ainsi que son frère Kouider Blaoui qui lui fera découvrir et aimer les sonorités du banjo et de la mandoline. Il quitta l’école vers l’âge de 13 ans pour aider son père qui tenait un café dans la ville d’Oran. Sous l’influence des musiciens oranais, il va s’imprégner de la musique moderne de l’époque. Aux Folies Bergères, devenu plus tard le Cinéma Pigalle puis aujourd’hui la salle el-Feth, il remporte un premier prix de Radio-Crochet. Ce succès l’encouragera à persévérer dans la voie de la «modernisation» du genre populaire oranais, le bédoui.
En 1942, lors du débarquement américain, il est engagé comme pointeur aux docks du port d’Oran. Il va alors apprendre à jouer du piano et de l’accordéon et reprendra, en compagnie de Maurice El Médioni, des succès américains et français. Durant les années 1940, il anime aussi des fêtes familiales, tout en interprétant, pour la première fois, la musique bédouine avec des instruments modernes notamment en reprenant le célèbre poème Biya Dek el-Môr, écrit par cheikh Bensmir.
En 1943, Blaoui Houari fonde avec son frère Maâzouzi et avec Kouider Benzelat son premier orchestre musico-théâtral où l’on retrouve Abdelkader Haouès, Boutlélis, Meftah Hmida et Blaoui Kouider. Quelques années plus tard, il prend la direction de l’orchestre chargé d’animer, tous les quinze jours et durant six mois, la saison de l’Opéra d’Oran. Devenu professionnel, il enregistre en 1955 chez Pathé son premier disque 45 tours où il reprend le fameux Rani M’hayer de Benyekhlef Boutaleb. Blaoui Houari a été détenu à l’époque de la Révolution au camp de concentration de Sig pour ses activités nationalistes.
Ami d’enfance d’Ahmed Zabana, il composera sur les paroles de cheikh Chérif Hamani, écrites le jour même de l’exécution du chahid, le 19 juin 1956, une œuvre à sa mémoire, reprise notamment par le groupe Raïna Raï dans les années 1980.
Après l’indépendance, il rejoint la station régionale d’Oran de la Radio et Télévision algériennes en tant que chef d’orchestre. En 1970, il participe durant sept mois à l’animation de l’ensemble musical algérien à l’exposition universelle d’Osaka au Japon. En 1986, il enregistre l’album Dikrayat Wahran. Il commence aussi à se retirer progressivement de la scène artistique, même si son duo avec cheb Khaled dans une nouvelle version de la chanson Lehmam a eu un énorme succès.
Le répertoire de Blaoui Houari est riche de 500 chansons qui influenceront nombre de chanteurs des années 1980, notamment de raï et du wahrani, dont cheb Mami, Baroudi Benkhedda ou Houari Benchenet. Il a enregistré une trentaine de disques 78, 33 et 45 tours, des cassettes audio, vidéo et des CD.
Il a également composé des chansons pour Abderrahmane Aziz, Mohamed Lamari, Djalti, Saliha Saghira, Derkaoui et Serrour Hasni, entre autres.
D’autres artistes ou groupes ont repris ses œuvres comme le groupe Raïna Raï, cheb Khaled ou cheb Sahraoui. Blaoui Houari est celui qui a le plus adapté les textes populaires de l’Oranie en composant et chantant les textes des cheikhs Miloud, Mostefa Ben Brahim, El-Hadj Khaled Benahmed, Kadour Ould M’hamed, M’barek Essouci…
Le défunt devait être inhumé dans l’après-midi d’hier au cimetière d’Aïn-el-Beïda d’Oran.