La formation du nouveau gouvernement, à commencer par son jeune chef, était une nouvelle occasion pour souder davantage l’attroupement de contestataires
Le président égyptien aura besoin d’une volonté de fer et un courage sans limite pour pouvoir traverser dignement et brillamment les semaines à venir.
Jusqu’à la formation de son premier gouvernement, il avait su éviter plusieurs pièges, donnant l’impression qu’il est loin d’être le naïf que certains croyaient. Il a traversé difficilement le piège du 23 juillet, bien qu’y laissant beaucoup de plumes, suite au mécontentement dans les deux camps opposés, les islamistes et les nasséristes. Pour ses alliés, ils estiment qu’il n’a pas pris la position souhaitée par les «frérots», qui ont un compte très lourd à régler avec Abel Nacir et le régime issu de la révolution du Juillet 1952. Ils attendaient qu’il fasse des déclarations enflammées incriminant le premier président de la République égyptienne (Mohamed Naguib n’était qu’un chef d’Etat non élu, mais aussi allié des Frères musulmans), Morsi a fait une déclaration très équilibrée. Il n’a pas prononcé le nom du Raïs, disparu depuis plus de quarante ans, mais il n’a pas autorisé les ambassades égyptiennes à fêter, comme d’habitude, l’événement qui a marqué l’histoire de la région.
Les nasséristes, victimes de leur myopie politique, la gauche ankylosée par sa rhétorique dépassée, et beaucoup d’autres qui cherchaient «la petite bête» au nouveau pouvoir ont tous sauté sur l’occasion pour dénoncer le président. L’ensemble de la presse, menacée par les changements prévus dans le secteur de l’information, ont fait le haut-parleur multidirectionnel de tous les aigris. Les «fouloules» (bribes de l’ancien parti), les hommes de main de la mafia financière et les islamophobes tous azimuts n’ont pas raté l’occasion pour tirer sur Morsi à boulets rouges. La formation du nouveau gouvernement, à commencer par son jeune chef, était une nouvelle occasion pour souder davantage l’attroupement de contestataires, notamment les personnalités, ou simplement… les personnes qui n’ont pas trouvé leur nom dans le cabinet gouvernemental.
L’agression terroriste du Sinaï s’ajoute à la marmite bouillonnante pour poser la question pertinente. A qui profite le crime?
Trois hypothèses en vue.
La première, que je trouve la plus crédible, montre du doigt le voisin israélien, qui a perdu un allié de taille par la disparition de Moubarak, et qui craint l’ouverture d’une page nouvelle d’amitié entre le régime égyptien et le gouvernement de Ghaza.
Le Sinaï, abandonné depuis des décennies par le régime du Caire, est devenu le fief de contrebandiers, notamment les trafiquants de drogue, cultivée, dit-on, dans le territoire israélien et acheminée vers l’Egypte.
Depuis les suites du Camp David, l’armée égyptienne n’avait pas la possibilité de contrôler le vaste territoire saharien, et le peu de policiers égyptiens autorisés à patrouiller la péninsule se sont trouvés dans l’obligation de concentrer leur effort à «liquider» les immigrants africains qui tentent de pénétrer la frontière vers Israël.
Les intentions du nouveau régime du Caire a commencé à inquiéter le pouvoir de Tel-Aviv. Il fallait donc créer une situation qui oblige Le Caire à immobiliser ses efforts de réconciliation avec les Palestiniens, tout en alarmant les instances internationales contre le soi-disant terrorisme palestinien, sans oublier les cris d’alarme habituels contre l’Iran. Le fait que les trois terroristes aient été abattus en Israël, moins d’un kilomètre de la frontière avec l’Egypte, indique simplement que les autorités israéliennes n’ont pas été surprises par l’attaque criminelle qui a tué et blessé presque une quarantaine de gardes-frontières égyptiens, et qui a créé une vague de colère au niveau du peuple.
Des voix s’élèvent en Egypte pour dénoncer les Palestiniens et tous ceux qui veulent réviser les Accords de paix signés avec Israël par le président Anouer Essadate.
Trouver des agents qui travaillent à Ghaza pour le compte de l’ennemi n’était pas sorcier. D’ailleurs, tout le monde sait que des indicateurs ont signalé les mouvements des dirigeants palestiniens abattus par les Apatchi israéliens. Une autre hypothèse à ne pas écarter, bien qu’il soit peu probable, pour ne pas dire, à éliminer complètement, c’est que l’armée égyptienne tente de créer une situation qui favorise son retour en masse aux régions démilitarisées du Sinaï, et donc, modifier l’Accord de paix avec Tel-Aviv et annuler le système des trois zones, A, B et C.
Troisième hypothèse, l’agression pouvait être une acte isolé de groupuscules «illuminés» de la résistance palestinienne, notamment si ils sont infiltrés par le Mossad.
Ce qui nous ramène à la première hypothèse.