Al Qaîda s’invite
Deux «Egyptes» vont se livrer une guerre sanglante… Al Qaîda se fait un plaisir à s’inviter… Tunis a peur… Erdogan s’agite… La communauté internationale observe…
C’est l’embrasement! L’état d’urgence a été décrété, hier en Egypte. Les militaires ont fini par passer à l’action pour déloger les militants des Frères musulmans qui occupaient les places du Caire. L’assaut a été meurtrier. Les morts ne se comptent plus. Pouvait-il en être autrement? Oui! Y avait-il une autre solution? Non! Attendre un mois et demi pour déloger des places publiques, les partisans du président Morsi déposé par l’Armée le 3 juillet dernier, est l’erreur que l’armée aurait pu ne pas commettre. Si dès le 4 juillet, les militaires avaient procédé à cette évacuation, les dégâts auraient été nettement plus limités. Le temps a été mis à contribution par les Frères musulmans pour s’organiser et «vendre» chèrement leurs places. Du Caire, les émeutes ont gagné plusieurs villes du pays.
L’intention de mettre le pays à feu et à sang est évidente du côté des manifestants. Sinon comment expliquer que les églises coptes soient également prises pour cibles en même temps que les édifices publics. L’armée viendra à bout des manifestants, il n’y a aucun doute là-dessus. Au prix fort, il est vrai. Elle pourra établir le couvre-feu. Elle pourra, à terme, contrôler quelque peu la situation. Le général El Sissi semble déterminé à réprimer en masse. Ce qui est sûr, par contre, c’est le retour des Frères musulmans à la clandestinité. Leur lutte ne sera plus seulement politique comme par le passé. Les plus extrémistes d’entre eux prendront les armes. C’est pourquoi les observateurs les plus optimistes prévoient une longue et tragique guerre civile. Le processus diffère à peine avec ce que l’Algérie a vécu en 1991. La place du 1er-Mai, dans la capitale, avait été occupée par les militants du Front islamique du salut. Ils y avaient installé leurs tentes et s’organisaient dans la durée. L’armée algérienne ne leur a pas laissé le temps. L’assaut a été donné quelques jours après seulement. Ce qui a évité au bilan de s’alourdir. Ce qui n’a pas empêché la phase suivante qui a été celle du terrorisme qui a sévi durant toute une décennie. Le scénario est en train de se reproduire en Egypte. Deux «Egyptes» vont se livrer une guerre sanglante. On a pu estimer «leurs forces» lors des rassemblements. Elles sont équivalentes en nombre. Elles diffèrent cependant dans leur mobilisation et peut-être dans leur degré de détermination. Le plus grave danger reste cependant l’entrée en lice de l’internationale terroriste Al Qaîda. Il y a à peine une semaine, Ayman Al Zaouhiri, le chef de cette multinationale, lui-même égyptien, avait appelé les partisans de Morsi à «rejeter la démocratie».
Il n’est pas exclu qu’il infiltrera ses groupes profitant des conditions favorables qu’offrent les troubles pour faire de l’Egypte un autre sanctuaire du terrorisme. Devant la tournure prise par les événements, la communauté internationale n’a donné aucun signe d’immixtion. Les capitales européennes se sont contentées d’appeler au calme, tandis que les Etats-Unis persistaient, hier encore, dans leur neutralité. C’est dire que les Egyptiens vont vivre leur tragédie à «guichets fermés». D’ailleurs, les dernières tentatives de médiations, comme celles du sénateur américain Mc Cain ou de l’Européenne Catherine Asthon, ont été qualifiées par la présidence égyptienne comme des «pressions étrangères» ayant «dépassé les usages internationaux». L’autre pays, inquiet par la tournure prise par les événements en Egypte, c’est la Tunisie. Hier, le président Marzouki a mis en garde ses concitoyens. «Ce qui se passe en Egypte montre la nécessité pour tous les partis politiques en Tunisie de s’asseoir à la table des négociations en s’attachant à la légitimité et à la démocratie pour refouler la contre-révolution et s’abstenir de la rhétorique, incitant les Tunisiens à la confrontation» a-t-il déclaré dans un communiqué.
Le gouvernement islamiste turc d’Erdogan, lui aussi, s’inquiète de la situation en Egypte. Son armée vient de subir un cruel affront avec la condamnation à la prison à vie de l’ancien chef d’état-major, Iker Basbung. Erdogan en a appelé, hier, «la communauté internationale, notamment le Conseil de sécurité de l’ONU et la Ligue arabe» pour «agir immédiatement et faire cesser le massacre» en Egypte. La violence qui frappe l’Egypte depuis hier bouleverse l’échiquier politique international. Elle ne fait que commencer!