L’Egypte de Moubarak vacille,La cyber-révolution veut la tête du raïs

L’Egypte de Moubarak vacille,La cyber-révolution veut la tête du raïs

L’Egypte de Moubarak est-elle sur la voie de la Tunisie du désormais ex-président Ben Ali ? Les manifestations de ces dernières 48 heures, avec leur lot de victimes (4 morts), n’augurent rien de bon pour le président égyptien.

Le remake du scénario tunisien se met en place avec tous les ingrédients explosifs : misère, mécontentement populaire, répression politique et velléités dynastiques du clan Moubarak, en prime, des pressions internationales de plus en plus insistantes.

De violents affrontements ont opposé hier des manifestants anti-Moubarak aux forces de sécurité égyptiennes dans la capitale Le Caire et dans la ville de Suez. D’autres manifestations ont eu lieu dans plusieurs provinces du pays.

Les manifestants appellent au départ du président Moubarak et de son gouvernement. Mobilisés à la faveur de l’appel lancé par le «Mouvement du 6 avril», animé par de jeunes opposants qui militent pour l’ouverture démocratique.

Leur arme principale, les réseaux sociaux sur le net : facebook et twitter qui permettent de mettre en contact des dizaines de milliers de personnes.

D’ailleurs, les tenants du «Mouvement du 6 avril» ont pris pour modèle la révolte du Jasmin en Tunisie, première cyber-révolution du 21e siècle. Quelques jours avant ces manifestations, le mouvement a lancé une forme de sondage sur facebook avec cette question : «Allez-vous manifester le 25 janvier ?» Près de 90 000 personnes ont répondu «oui» sur la toile.

Et quelques jours plus tard, dans la rue, les plus grandes manifestations anti-régime en trente ans de pouvoir du président Hosni Moubarak avaient effectivement lieu.

Pour circonscrire le mouvement, le gouvernement égyptien a initié des mesures qui visent à bloquer certains sites. Ainsi, le site de micro-blogs twitter a confirmé depuis les Etats-Unis avoir été bloqué mardi en Egypte.

Blocage également pour le site internet suédois Bambuser, qui permet de visionner directement «en flux» («streaming») sur l’internet des vidéos filmées par téléphone mobile ou webcam. Mardi également les téléphones portables ne recevaient plus de signal dans le secteur de la place Tahrir, au centre du Caire, point de ralliement de milliers de manifestants.

Cela a fait dire au politologue et blogueur Iskander Al-Amrani que «ce qui s’est passé en Egypte à été quasiment entièrement organisé sur facebook». Pour preuve, les partis de l’opposition traditionnelle, laïque ou islamiste, n’avait pas cru à l’impact de l’invitation à manifester pour le 25 janvier. La forte mobilisation citoyenne les a conduits à changer de stratégie et à surfer sur la vague de la contestation pour tirer les dividendes.

Pris de panique, le gouvernement égyptien joue la carte du bâton. «Aucun mouvement provocateur ou rassemblement de protestation, ou quelque marche ou manifestation ne sera autorisée, et des procédures judiciaires immédiates seront engagées, et les participants seront remis aux autorités judiciaires», a déclaré hier le ministère de l’Intérieur, cité par l’agence de presse officielle Mena.

La veille, au Caire, environ 15 000 personnes ont manifesté. En face, entre 20 et 30 000 policiers étaient mobilisés. Des rassemblements ont également eu lieu en province, d’Alexandrie, au nord, à Assouan, au sud, dans le delta du Nil ou dans la péninsule du Sinaï.

Selon des responsables des services de sécurité, deux manifestants et un policier ont été tués, tandis que 250 autres personnes ont été blessées, dont 85 policiers. Un troisième manifestant est décédé hier des suites de ses blessures, selon des médecins.

Si le silence de Hosni Moubarak reste éloquent et révélateur d’un grand déficit de légitimité et d’une crainte de dérapage, les chancelleries étrangères ont commencé à se démarquer du raïs octogénaire.

A Washington, où le président Obama privilégie le smart power, la force intelligente, il semblerait que la nouvelle stratégie penche plutôt pour une démocratisation des régimes arabes à partir de «révolutions» populaires à défaut de «réformes» imposées par le haut ou de l’étranger !

Ainsi, la Maison Blanche s’est fendue d’un communiqué d’un ton nouveau.

«Le gouvernement égyptien a une occasion importante d’être sensible aux aspirations du peuple égyptien et de mener des réformes politiques, économiques et sociales qui peuvent améliorer sa vie et aider à la prospérité de l’Egypte», peut-on lire.

«Les Etats-Unis sont engagés à travailler avec l’Egypte et le peuple égyptien pour faire avancer ces objectifs», ajoute la présidence. «Nous soutenons les droits universels du peuple égyptien, y compris le droit à la liberté d’expression, d’association et de rassemblement», poursuit le texte.

A Bruxelles, même ligne de conduite.

Pas question de répéter la bévue commise à l’égard de la Tunisie. «L’Union européenne suit de près les manifestations qui se déroulent actuellement au Caire et les considèrent comme un signal des aspirations de beaucoup d’Egyptiens dans le sillage des événements survenus en Tunisie», a déclaré la porte-parole de la chef de la diplomatie européenne

L’UE appelle en outre les autorités égyptiennes à «respecter et à protéger le droit des citoyens égyptiens à manifester» de manière pacifique, et «à prendre note de leur souhait légitime» que des décisions politiques soient prises pour «répondre à leurs problèmes quotidiens».

La sentence est venue de Berlin. «La situation en Egypte actuelle montre la nécessité d’un dialogue au sein de la société et la nécessité d’une démocratisation», a déclaré le ministre allemand des Affaires étrangères.

Pour Guido Westerwelle, «les droits de l’homme, les droits des citoyens, la liberté d’opinion et la liberté de la presse doivent être respectés en Egypte». «La stabilité d’un régime n’est pas menacée lorsqu’on garantit ces droits, mais quand on refuse de les accorder», a ajouté le ministre allemand.

Un nouvel arc de crise se dessine-t-il dans la région arabe ? La faillite sociale et politique des régimes souvent protégés par les Américains pousse-t-elle ces derniers à changer de stratégie dans le sens d’une compréhension, plus visible, aux aspirations des peuples arabes ? Les effets de WikiLeaks commencent à être palpables. Après la Tunisie, l’Egypte, la Jordanie ? A qui le tour ?