L’Egypte dans la tourmente

L’Egypte dans la tourmente

D’un côté, le mouvement des frères musulmans considérant que le pouvoir pris étant un butin de bonne guerre démocratique, crie au coup d’état contre la légitimité. De l’autre cote, les militaires, nostalgiques à plus de 50 ans de pouvoir absolu, soutiennent avoir été mandatés par des millions d’Egyptiens. Mais, il demeure qu’une majorité silencieuse des peuples d’Egypte, semble être prise dans un ballottage stérile et à la fois très dangereux par d’atroces manipulations médiatiques. Cela ne sert ni le peuple dans toutes ses composantes, ni la démocratie tolérante.

Que ce soit du côté des frères musulmans ou que ce soit du côté des militaires, la démocratie ne peut se confiner uniquement dans le chiffre. En effet, le Président déposé Mohamed Morsi, a été élu avec au plus 6 millions de voix sur les 90 millions d’égyptiens. Une large minorité qui ne représente même pas 10% des peuples d’Egypte. Idem pour les militaires qui prétendent avoir agi pour les 30 millions de voix mobilisées le 30 juillet dernier. Le trente des militaires semble être aligné sur le trente de la date. Quoique ce chiffre soit réel ou fictif, il demeure inférieur et réduit devant le deux fois trente restant. Les fameux deux tiers de la démocratie.

Toutefois, le chiffre à lui seul ne fait pas l’acte démocratique. Pis, il divise quand il est manipulé et tout un chacun l’utilise pour parler au nom des peuples. Les frères musulmans, croyant ainsi détenir la majorité, s’autoproclament autoriser à modeler la société égyptienne suivant leurs convenances et leur modèle. Alors ils prônent l’exclusion de l’autre, accusent leurs opposants de l’ennemi de l’islam et d’infidèles et ne reconnaissent aucun droit aux coptes. Ils développent un discours exclusivement religieux tout en utilisant les mosquées. Oui, pour quel droit ont-ils utilisé la mosquée de «rab3a » comme tribune pour leur sit-in ? Pour quoi aussi ont-ils occupé juste après la prière du vendredi la mosquée « elfath » pour continuer la contestation ? Comme l’église d’ailleurs qui appartient à tous les coptes dans leurs diverses couleurs politiques, la mosquée aussi est un lieu de culte qui appartient à tous les musulmans d’Egypte avec leurs différentes convictions politiques. Les frères musulmans ont donc outrepassé l’autorité religieuse de la mosquée pour entraîner de force à leur action de paisibles fidèles.

Les militaires en s’octroyant le droit d’être mandater par une large majorité, ont versé le sang de plusieurs centaines d’égyptiens dont, peut être une grande partie des victimes était entraînée de force dans cette confrontation. Les anciens démons, amateurs de sang et de destruction, se sont réveillés pour instaurer le chaos. Ils manipulent et tirent les ficelles pour envoyer au chardon de paisibles jeunes dont l’unique aspiration est une vie décente dans leur propre pays. C’est le malheur et la guerre qui font tomber comme des mouches des vies innocentes.

Et le dialogue dans tout cela ? La civilisation ? Ils ont été sabordés par des démons qui agissent, télécommandés bien évidemment, dans les deux clans. Ceux dont la vision est toujours satanique, persistent à accuser l’autre et à lui porter le chapeau de tous les égarements. Pourtant la responsabilité est partagée du moment que chaque clan possède ces propres diables. Le président déchu, bien qu’il fût devant une véritable opportunité pour réunir tous les Egyptiens autour de lui, aurait préféré écouter les voix diaboliques de la discorde qui lui soufflaient qu’il fût le président de la seule confrérie. De l’autre côté, des sons infernaux parvenaient au commandement militaire et qui disaient que ce président islamiste travaillait plus pour déstructurer l’Etat égyptien tout en visant à infester par les éléments de sa mouvance toutes les institutions. Le cercle infernal des accusations échangées est ainsi instauré. Et chaque clan attend l’autre au premier virage. La confiance est de fait rompue pour emporter toute possibilité de cohabitation entre les institutions de l’Etat.

Cela est dû à la faiblesse de la structure de l’Etat qui est basée sur le pouvoir personnel au lieu et place du pouvoir des institutions. Un Etat bananier hérité d’un ordre colonial hypocrite qui a tout faussement légué à des auxiliaires serviles. Il crée l’hégémonique monde arabe pour écraser des peuples entiers particulièrement les peuples amazigh et kurde… Il invente la prépondérante nation islamique pour pourchasser les minorités religieuses. Les auxiliaires serviles alors optaient pour de fausses identités qu’ils officialisaient via l’arabe langue nationale et officielle et l’islam religion de l’Etat dans de faibles constitutions.

L’ordre colonial devenu présentement l’occident, quant à lui, bien après la chute du mur de Berlin s’unit pour le confort matériel de ses citoyens, et bien qu’il ait séparé après avoir unifié les Allemands, les Tchèques des Slovaques, les Serbes des Bosniaques, les Ukrainiens, les Russes… continue à confiner des centaines entités ethniques, voire de peuples dans des appellations insensées et invraisemblables. Alors que cet Occident a admis avec certitude que les tchèques ne sont pas des Slovaques, il persiste à soutenir que les Kabyles ou les Kurdes sont des Arabes. Même les coptes ne sont pas reconnus tel qu’ils sont. Hypocrisie d’un autre âge.

La situation qui prévaut actuellement en Egypte est une conséquence directe de l’hypocrisie de l’occident additionnée à l’inculture des miliaires et à l’ignorance des frères musulmans. L’Occident a maintenu par la manipulation et la ruse un Etat bananier base sur le pouvoir personnel tandis que chez lui l’édifice institutionnel est puissamment solide devant tous les hommes de pouvoir. Les militaires en ayant cru les avances occidentales, ont instauré des dictatures autoritaristes qui les éloignent considérablement de l’Etat de droit qui une véritable culture. Les frères musulmans qui sont la création de l’Occident, croient qu’ils sont investis d’une mission divine pour envoyer tout le monde au paradis dans le cadre de l’international islamiste, ignorant que le paradis réel est avant tout cet essor matériel terrestre.

Et la majorité des populations égyptiennes dans tout cela ? Pour non seulement leur salut mais pour le salut des autres peuples confrontés aux mêmes difficultés, la remise en cause de l’héritage colonial, la rupture avec l’ordre préétabli, évolution dans les mentalités et les visions, la prise de leur destin entre les mains pour s’autodéterminer en dehors de cet Occident hypocrite, des militaires sanguinaires et des frères musulmans profanes, constitue, en définitive un nouvelle voie. Celle qui reconnaît le droit des peuples à l’autodétermination, leur permettant d’instaurer des Etats civils et séculiers favorisant la primauté du politique sur le militaire et séparant aussi le politique du religieux.

Zoubir Zerarga