Le tribunal doit se prononcer dans la matinée sur la culpabilité de Hosni Moubarak. À 83 ans, le dictateur déchu encourt la peine de mort.
Les Égyptiens attendent samedi avec impatience. Car ce 2 juin 2012 est la date du jugement de Hosni Moubarak accusé de corruption, mais surtout d’être impliqué dans l’ordre de tirer à balles réelles sur les manifestants lors des journées de la révolution. Huit cents personnes étaient mortes. Il y a dans cette attente une part de haine, mais surtout l’immense déception d’avoir fait confiance à un chef qui a trahi son peuple.
Voilà pourquoi Moubarak, dès l’instant où il a été arrêté et placé en détention à l’hôpital de Charm el-Cheikh, a été l’objet d’une curiosité insatiable. Est-il traité en prisonnier, a-t-il sombré dans une amère dépression, comment passe-t-il ses journées ?… Sa femme, Suzanne Sabet, dont le portrait ornait les murs des grandes avenues au nom d’une noble cause « la lecture pour tous » et qui pillait les revenus des institutions culturelles placées sous son patronage, soulève le même intérêt.
Les premiers mois, ses avocats se sont chargés de la publicité sur l’état de santé du raïs déchu : crises cardiaques, cancer au stade terminal… Mais les médecins de l’hôpital affirment qu’il est relativement en bonne santé. Seule sa femme est autorisée à lui rendre visite. Mise en détention dans le cadre d’une enquête pour corruption, elle a été relâchée contre l’abandon de ses biens à l’État, environ 2,8 millions d’euros.
Moubarak victime de sa femme !
Le 3 août 2011, tous les Égyptiens ont vu leur ancien « Pharaon », allongé sur une civière, être introduit dans la cage des accusés. Présents aussi ses deux fils, Alaâ et Gamal, l’ancien ministre de l’Intérieur Habib el-Adly et six généraux de haut rang. Depuis, quarante-cinq audiences ont eu lieu, sans que la curiosité faiblisse. Depuis que son mari a été transporté à l’hôpital militaire d’Ismailia, « Suzie », comme l’appellent ses intimes, habite une élégante villa dans la banlieue du Caire, elle sort peu, ne reçoit que les membres de sa famille, se rend auprès de son mari, ou va voir ses deux fils incarcérés à la prison de Tora, comme tous les criminels de droit commun. Le 2 février, coup de théâtre. Suzanne Sabet a été accusée par plusieurs députés d’avoir servi d’intermédiaire entre ses deux fils et les généraux du ministère de l’Intérieur toujours fidèles à son mari. Sous la dictée de Gamal en particulier, et des généraux de haut rang détenus à Tora, elle aurait transmis des instructions ayant mené au massacre de Port-Saïd, qui a coûté la vie à 74 supporteurs pro-révolution.
Suzanne Sabet craint alors des représailles qui ne viendront pas. Et elle contre-attaque avec ses Mémoires. Cinq cents pages, dont les droits ont été vendus à une maison d’édition britannique pour la coquette somme de 15,5 millions de dollars, soit environ 12 millions d’euros, et qui seront bientôt disponibles. Hosni Moubarak, lui aussi, a dicté ses Mémoires. Cédés à un éditeur écossais pour dix millions de dollars, ils sont publiés sous forme de feuilleton dans l’hebdomadaire Rose el-Yousse, très proche de l’ancienne famille au pouvoir. On y trouve pêle-mêle des réflexions sur ses relations avec les anciens présidents des États-Unis, des dirigeants arabes…, sa vie difficile aux côtés de Suzanne, décrite comme une femme autoritaire, possessive, qui cherche à conserver ses prérogatives à travers l’élection de son fils Gamal à la présidence de la République…
Incapables de gérer une boutique
À l’approche du verdict, la presse s’emballe de nouveau. Depuis trois jours, les reporters du quotidien indépendant El Watan affirment avoir réussi à violer l’intimité de l’ex-dictateur. Selon eux, Hosni Moubarak est dans une suite réservée aux VIP, 500 m2, un salon, cinq chambres à coucher, une télévision, un gymnase, une piscine… On comprend pourquoi le raïs menace de se suicider au cas où il serait placé dans l’hôpital de la prison de Tora, pourtant réaménagé pour l’accueillir. Toujours selon El Watan, l’ancien président reçoit des visites, notamment celles de l’émir du Koweït, du sultan d’Oman, du prince héritier d’Arabie saoudite… Il est permis d’en douter. Pour que cela soit vrai, il faut imaginer que ces personnalités puissent être en Égypte, ne serait-ce qu’une heure, à l’insu des autorités et… des journalistes !
En attendant la sentence, Moubarak a suivi la présidentielle. Au sujet des candidats à sa succession, il aurait déclaré : « Ces gens-là seraient incapables de gérer une petite boutique. »
La séance du 2 juin sera entièrement diffusée sur toutes les chaînes de télévision. Les avocats de Moubarak ont plaidé non coupable. Le procureur a réclamé la peine de mort.