Les prestations télévisées ou radiophoniques des candidats à la députation sont devenues objets de risée du public. Beaucoup d’Algériens paradoxalement suivent ces émissions non pas pour prendre connaissance des programmes des uns et des autres mais pour s’offrir un peu de rigolade.
En ce domaine ce sont les nouveaux partis qui caracolent au hit parade reléguant les partis peu ou prou sérieux au second plan. Pour prendre l’exemple de la Radio, certains candidats ne jugent pas utile de se présenter, ne serait-ce que pour faire connaître leur nom, prénom, âge et profession. Ce qu’ils aiment mettre en avant, c’est généralement le nom du parti sous la bannière duquel ils se présentent ainsi que le numéro affecté au bulletin de vote. Les rares personnes qui divulguent leurs identités, réussissent mieux leur entreprise communicationnelle. Ce qui ressort de ces prestations, c’est ce trait de culture spécifique à l’Algérien, qui consiste en l’affabulation. C’est-à-dire l’art de raconter une histoire plaidant pour une vie meilleure sur le modèle des contes populaires dont on gratifiait jadis les gens venus au marché. On attendait du conteur qu’il soit à la fois maître de son art, et capable de procurer une évasion par le merveilleux et le fantastique. C’est donc inconsciemment ou consciemment que cette rhétorique se retrouve dans la bouche des représentants, plus particulièrement des nouveaux partis, qui à l’exception d’un ou de deux, n’ont aucun programme politique à faire valoir. La promesse du Paradis, car il ne faut pas l’oublier, c’est aussi un thème présent dans la culture traditionnelle, rejaillit sous la forme de la promesse d’un paradis terrestre. La nécessité qu’il y a d’axer le discours sur l’Algérie conduit à la fabrication d’un romantisme politique, du genre «si vous votez pour nous, nous transformerons l’Algérie en un pays où il fait bon vivre, où les jeunes trouveront de l’emploi et rompront avec la harga (émigration clandestine), où les jeunes filles se marieront, où les richesses seront bien réparties entre les citoyens. Nous rendrons la dignité aux Algériens et aux Algériennes qui vivront dans la paix et dans la justice retrouvée. La corruption sera bannie, la hogra et les passe-droits combattus, les voleurs poursuivis, nous allons réformer l’école et alléger les programmes scolaires pour que les frêles épaules de nos enfants puissent supporter les cartables. Le 3e âge et les handicapés auront leur place, bien que notre parti soit ouvert avant tout aux jeunes qui sont l’avenir de notre pays. Nous voulons sauver notre pays du complot et des menaces que font planer sur lui les pays étrangers, on vivra heureux et unis comme autrefois et vous savez notre action s’inspire de la déclaration du 1er Novembre et du congrès de la Soummam». Ces contes dont on vient de donner un échantillon est bien sûr décliné sous la rime et presque façonné en strophes. Rares sont les intervenants qui parlent d’impliquer les Algériens dans la pratique politique pour faire changer les choses, ne s’avisant pas qu’ils trahissent de ce fait une vision de pouvoir conforme à l’autoritarisme ambiant puisque cette vision exclut le peuple auquel ils demandent pourtant de leur accorder son suffrage. La revendication démocratique y est absente comme si la médication ne résidait pas dans sa mise en œuvre. Enfin aucun accent du reste n’est mis sur les causes ayant conduit à la situation déplorable que les «contes» décrivent.
Par : LARBI GRAÏNE