Le romancier Tahar Ouettar n’est plus. Il est mort ce jeudi 12 août 2010 suite à une longue maladie. Il était l’une des figures de proue de l’écriture en Algérie. Tahar Ouettar est né à Sedrata en 1936, près de M’daourouch, entre Annaba et Tebessa.
Il est inscrit par son père à l’école arabe et dans les moments libres, il surveille les moutons tout en jouant à la flûte sous l’œil vigilant de sa mère. Les moutons, la flûte les montagnes et les beaux paysages ne pouvaient faire du petit Tahar qu’un grand artiste. Il le deviendra bien plus tard et choisira comme instrument, la plume dont il ne cessera de faire couler l’encre jusqu’ aux derniers soupirs de son existence. Après l’école de M’daourouch,
Tahar Ouettar aura la chance de s’inscrire à l’institut Abdelhamid Benbadis à Constantine avant de s’en aller parfaire ses connaissances, en 1954, au niveau de la prestigieuse école tunisienne «Djamaâ Ezzeytouna» qui a formé le grand historien et ancien ministre des affaires religieuses Mouloud Kassim Naït Belkacem qui est connu pour sa mémoire phénoménale. Tahar Ouettar avait également une bonne mémoire puisque tout jeune, il apprenait par cœur, non seulement le Coran mais aussi, les poèmes de Ilya Abou Madhi, et les œuvres de Michail Nouêyma et Djibran Khalil Djibran.
Prédestiné à la culture
«J’ai vécu dans la pureté de l’existence, nourri du spectacle des collines sur lesquelles tombait le crépuscule, jouant de la flûte derrière les brebis et les oies. J’ai été témoin de l’herbisme. Ma mère accouchant toute seule, ma mère encore montant la garde la nuit sur le toit. J’ai saisi le sérieux de la nature et des hommes qui m’entouraient. Dans le coran que j’apprenais par cœur, j’ai reconnu l’éloquence et la beauté.
Ceci se passait avant la Révolution ; depuis, d’autres facteurs sont venus enrichir ma personnalité» racontait-il. L’apprentissage du Coran lui servira comme la meilleure base pour maîtriser la langue arabe et après avoir lu Le Capital de Marx, il va côtoyer les idées socialistes. Infatigable et provocateur dans ses écrits et ses déclarations, Tahar Ouettar se fera des amis et des ennemis mais les deux reconnaîtront qu’il est l’un des écrivains arabes les plus talentueux.
Lors d’une visite chez lui à la cité des PTT en 1987, on se souvient de son accueil chaleureux et de son sens de l’humour. Il nous avait invité à déguster la Ghribya en nous précisant que «c’est le gâteau du pauvre». Son ami Tahar Benaicha, l’autre grand écrivain, lui avait rendu visite ce jour. Ces deux romanciers ont plusieurs points
communs notamment le talent, le savoir et l’humour. Connu aussi comme journaliste puisqu’ il écrivait dans plusieurs journaux et revues, Tahar Ouettar qui a sillonné le pays de village en village a fini par fonder en 1989 l’ association El Djahidhya dont il sera le président jusqu’ à sa disparition. Il faut dire que El Djahidhya est parmi les associations les plus actives d’Algérie.
Il n’a jamais cessé d’écrire
C’est en 1955, qu’il publiera ses premières nouvelles alors qu’il était toujours à Tunis. Après l’indépendance de l’Algérie, il sera derrière la création de deux revues El Djamahir et El Ahrar et sera, entre 1972 et 1974, chef de la rubrique culturelle de l’hebdomadaire Echaâb. Tahar Ouettar n’a jamais cessé d’écrire et de publier et ses romans les plus célèbres restent L’as, Ezzilzel et Noces de mulet. Sa nouvelle Les martyrs reviennent cette semaine avait été adaptée au théâtre et présentée avec succès auprès du public et a même obtenu le premier prix au festival de Carthage. Quant à Noua, elle a été adaptée à l’écran
au début des années 1970. Plusieurs de ses romans ont été traduits en plusieurs langues dont le russe. Certains de ses ouvrages ont été également réédités en Algérie.
Tahar Ouettar qui a reçu plusieurs prix durant sa carrière dont le prix Sharjah de la culture arabe décerné par le comité exécutif de l’Unesco était régulièrement appelé comme juré dans des concours nationaux et internationaux. Il a été écrivain journaliste et directeur général de la radio nationale.
Par Bari Stambouli