Nul ne peut encore dire ce qu’il en sera de l’économie et des activités économiques humaines dans quelques années. Une révolution s’est produite, elle n’est pas encore terminée. On sait simplement que cette révolution est due à ce qu’on appelle l’économie numérique.
Les consommateurs ont changé d’habitude et de statut. Les producteurs ont changé de stratégie et de paradigme. Le circuit économique n’est plus le même. Les agents économiques ont changé… Des modèles économiques sont invalidés les uns après les autres. Des pans entiers de l’approche économique dominante s’écroulent et, dans certains cas, ce sont les fondements mêmes du marché et de l’économie de marché qui se sont mis à vaciller. Un véritable chamboulement des repères et des certitudes est en train de s’opérer.
Tous les observateurs prédisent que l’économie numérique aura des conséquences des plus importantes pour l’humanité dans les décennies à venir. C’est une véritable transformation à tous les niveaux à laquelle nous assistons. Mais cette transformation ne sera pas sans influer notre manière de vivre et notre manière de pensée, elle aura des répercussions certaines sur les économistes et leurs approches, sur les politiciens et leurs décisions quant à certains aspects de la gouvernance. Elle aura aussi d’autres conséquences sur les individus qui auront tendance à revoir leurs attitudes et leurs comportements économiques et sociaux.
En ce qui suit, et dans une série d’articles de vulgarisation, nous expliquerons, pour les lecteurs de L’Expression ce qu’est l’économie numérique. Nous essaierons de voir comment elle a envahi un grand nombre de secteurs de l’activité humaine et nous discuterons de certains de ses impacts les plus importants et présenterons certaines des questions les plus pertinentes qu’elle soulève et celles qu’elle ne manquera pas de soulever.
Internet et les smartphones
De nos jours, pour réserver une chambre dans un hôtel, il n’est plus besoin d’attendre d’être sur place et se mettre à chercher d’un endroit à un autre. Il suffit de quelques clics désormais sur votre tablette pour avoir la chambre que vous souhaitez, à la période que vous voulez. Vous pouvez même, si vous le souhaitez, réserver une voiture avec ou sans chauffeur, des spectacles, des tables à des restaurants, bref, tout ce qui agrémentera votre séjour à Nuwara Eliye, à Pise, à Toronto, à Tokyo, à La Havane, à Pangkor et partout ailleurs.
Pour vous rendre quelque part, il est désormais inutile de sortir dehors, sous la pluie ou sous le soleil, et de héler les taxis qui passent. Il suffit juste de quelques clics sur votre smartphone, sans bouger de chez vous. Le téléphone vous avertira quand le taxi sera près de chez vous et quand il faut sortir. Vous ne négocierez pas le prix de la course car, auparavant, vous auriez déjà payé avec votre smartphone. Si vous avez besoin d’un livre, d’une pizza, un simple tour sur quelques sites, un clic et vous recevrez votre livre préféré par la prochaine poste ou votre pizza napolitana épicée, encore fumante.
Vous n’avez plus besoin de vous déplacer jusque dans les magasins pour circuler entre les rayons et choisir votre produit. A partir de chez vous, vous pouvez passer en revue tous les produits, faire votre choix, commander, payer et recevoir le produit sans même bouger de votre fauteuil. La digitalisation de l’économie a rendu la vie incontestablement plus facile. Elle le sera encore plus, car l’avenir sera désormais numérique ou ne sera pas! Mais qu’est-ce que l’économie numérique?
Il n’existe pas une définition consacrée de l’économie numérique. Disons simplement que c’est «au-delà des services et des équipements de télécommunications, l’ensemble des services en ligne, ainsi que les logiciels, les services et les matériels informatiques». (1)
C’est l’économie dans laquelle «de nombreuses tâches et activités répétitives ont été digitalisées». On a presqu’envie de dire que c’est l’économie qui tourne grâce au numérique et autour du numérique. Elle «englobe les activités économiques et sociales qui sont activées par des plateformes telles que les réseaux Internet, mobiles et de capteurs, y compris le commerce électronique». (2)
Cette économie n’a été possible que grâce au développement fulgurant d’Internet et la généralisation quasi-totale des smartphones. Aujourd’hui, le progrès accompli par les technologies de l’information et de la communication (TIC) ont rendu possible la dématérialisation de nombreuses activités en les mettant en ligne et en permettant aux individus de procéder à leurs achats, à leurs requêtes ou à toute autre action à partir de leur smartphone ou de leur tablette. C’est, en fait, une grande poussée dans le sens de la liberté car ces TIC favorisent et encouragent la mobilité des gens en mettant à leur disposition, durant leur mobilité, tous les moyens de garder contact avec leur travail et leur environnement.
Absorbée par l’économie numérique, la distance ne pose plus de problème. Elle n’empêche plus les gens de faire leur travail. Vous pouvez tenir des réunions de travail à partir de n’importe quel point du globe avec vos collaborateurs rien qu’avec votre smartphone, vous pouvez faire parvenir vos décisions et les suivre en temps réel, uniquement avec votre smartphone. Le monde a changé. Le télétravail est une réalité, les visioconférences aussi sont une réalité. Les services en ligne sont la marque de notre ère. Internet et les smartphones ont bouleversé les habitudes, ils ont totalement changé les manières d’opérer.
La génération Y: Zuckerberg, Chesky, Gebbia, Camp et les autres
A côté d’Internet et des smartphones, un troisième élément a été déterminant dans l’émergence de l’économie numérique, c’est ce qu’on appelle la génération Y (3), une génération qui ne ressemble en rien à celles qui l’ont précédée.
D’abord c’est une génération assez nombreuse. En France, par exemple, la génération Y compterait un peu plus de 13 millions de personnes soit près de 21% de la population française selon les chiffres de l’Insee. En Algérie, elle se situerait entre 13,5 et 14 millions soit plus de 32% de la population totale alors qu’aux Etats-Unis, selon les données de 2015, elle constitue plus que 25% de la population totale avec 83,1 millions d’individus. (4)
Ensuite, si on avait à caricaturer cette génération on la dessinerait avec un smartphone dans une main et une télécommande dans l’autre. Non seulement elle est une grande consommatrice de smartphones, mais elle est aussi la plus connectée. Une caractéristique tout à fait normale car, née à l’ère d’Internet, de la télécommande, de la console de jeux, cette génération a grandi avec la connectivité et est passée maîtresse dans la manipulation des outils de connexion. Impatiente, elle est tout le temps à l’affût de l’information rapide. Elle zappe dans tout. Ce penchant pour la rapidité, on le retrouve chez cette génération dans tout ce qu’elle entreprend, y compris dans sa manière d’écrire où elle préfère les texto en piétinant pour cela les règles de l’orthographe et celle de la grammaire.
Parmi ses caractéristiques aussi, sa préférence du travail en réseau ou en tribu comme on l’appelle aussi. Ce n’est pas pour rien si le fondateur de Facebook, la plateforme des réseaux sociaux par excellence, Mark Zukerberg, (né en 1984) fasse partie de cette génération. Créative, la généralisation d’Internet et de l’utilisation des smartphones a réconforté la plongée dans la virtualité qu’offre Internet.
Connue pour être peu encline à la possession, la «digital generation» («génération numérique» en français) comme l’appellent certains, aime le partage. Là aussi, ce n’est pas une coïncidence si Brian Chesky et Joe Gebbia, les fondateurs d’Airbnb sont tous deux nés en 1981, alors que Garrett Camp, un des fondateurs d’Uber, est né en 1978 et font tous partie de la génération Y. Ce sont ces caractéristiques de la génération Y qui, combinées à la généralisation d’Internet et des smartphones, ont permis l’émergence de l’économie numérique. Elles ont aussi révolutionné le système économique en place et changé notre vie en fondant l’économie collaborative, l’aspect le plus marquant de l’économie numérique, sur laquelle nous aurons l’occasion de revenir un peu plus loin.
(A suivre)
1-//www.arcep.fr/uploads /tx_gspublication/Cahiers_ARCEP_08_L.pdf
2- bsi-economics.org
3-En anglais on utilise plusieurs notations: «Y generation», «Whygeneration», «Millenials», etc. Il s’agit, selon certains auteurs, des individus nés entre 1982 et 2000 et qui ont donc actuellement entre 16 et 34 ans, pour d’autres, il s’agit de la génération née entre 1978 et 2000 et qui aurait donc entre 16 et 38 ans aujourd’hui.
4-//www.lefigaro.fr/flash-actu/2015/06/25/97001-20150625FILWWW00378-usa-la-generation-y-plus-nombreuse-que-les-baby-boomers.php