Analyse. En crise, l’économie a besoin d’un meilleur pilotage

Analyse. En crise, l’économie a besoin d’un meilleur pilotage

La majeure partie des économistes s’accordent sur les objectifs de la politique économique, à savoir un taux de croissance économique élevé dans un contexte de  stabilité macroéconomique, ce qui implique un équilibre interne (taux d’inflation bas qui ne s’accélère pas) et un équilibre externe (une position du compte des transactions courantes maintenue par des flux de capitaux sans compromettre la viabilité de la dette et sans un recours à des restrictions sur les échanges commerciaux et les paiements). C’est donc la question du pilotage de l’économie qui se pose, avec encore plus d’acuité quand celle-ci fait face à une crise profonde causée par des chocs intérieurs ou extérieurs, comme cela est présentement le cas en Algérie.

En effet, le climat économique et financier est à l’incertitude, notamment quant à l’évolution de la pandémie, l’efficacité des mesures prises par les autorités pour assurer un retour à la normale grâce à la vaccination, l’évolution des conditions financières et économiques internes et les développements économiques externes qui influent sur l’économie du pays. Cet article va, dans une première partie, discuter de la question du pilotage d’une économie en général.

Dans la seconde partie, et face aux défis colossaux (récession, pandémie, marché pétrolier volatile et climat social difficile) du pays, le mode de pilotage pratiqué actuellement en Algérie sera analysé et des propositions concrètes -propres aux conditions du pays- seront avancées pour l’améliorer avec pour objectif de sortir de la récession. 

De façon générale, le pilotage d’une économie est un processus complexe mais balisé

L’expérience internationale montre qu’un pilotage de qualité implique : (1) le développement d’un savoir-faire en matière économique ; (2) des points d’ancrage à long terme (consacrés par une vision du futur et une stratégie de développement à long terme) qui servent de référents de gestion ; (3) des politiques publiques régulièrement adaptées aux défis de l’heure, ce qui implique une flexibilité décisionnelle pour intégrer les changements qui surviennent ; (4) une panoplie d’outils de projection et de gestion macroéconomique ; (5) un mode opératoire et un cadre institutionnel flexible et efficient ; et (6) des mécanismes et politiques en place pour communiquer, rendre compte et maintenir l’adhésion des populations et des partenaires. Examinons ces éléments. 

Les points d’ancrage à long terme sont incontournables car le futur se prépare bien à l’avance

De nature politique et géostratégique, ces points d’ancrage sont repris dans :

1- une vision à très long terme (le rêve): qui permet d’articuler un projet de société dans le futur et de se donner le temps et les moyens pour le mettre en œuvre (exemple de l’économie du savoir dont la construction exige des décennies). Une vision claire a le pouvoir de galvaniser le soutien de toutes les composantes de la société.

Toutefois, si la vision peut se concevoir sans grande difficulté, il en est tout autre de sa mise en œuvre qui nécessite un soutien de la population, des moyens financiers importants et une forte capacité administrative et technique; et

2- une stratégie à long terme (la feuille de route): qui définit des étapes intermédiaires, des objectifs chiffrés et des actions pour les atteindre. 

Les politiques publiques appropriées (la façon de conduire en fonction de l’état de la route et de la circulation)

Sont cruciales pour gérer le temps présent (pilotage de régulation conjoncturelle) et/ou anticiper et maîtriser l’avenir du pays (pilotage prospectif ou programmatique dans le contexte d’un programme de redressement à moyen et long terme). Ces politiques couvrent cinq domaines :

1- La gestion de la demande globale (qui met en interaction les politiques budgétaire, monétaire, de change -si le pays dispose d’un système de change flexible- et la gestion de la dette publique intérieure et extérieure) dans le sens d’une réduction ou d’une expansion en fonction des circonstances prévalentes.

2- Les transformations macro structurelles: qui visent à renforcer toutes les facettes du cadre des politiques publiques, accroître ainsi l’efficacité de la gestion macroéconomique et permettre, in fine, d’utiliser avec aisance les leviers budgétaire, monétaire, de change et de la dette publique.

3- La gestion de l’offre globale: comprend deux volets qui s’inscrivent sur le moyen terme, notamment:

  • (i) les politiques structurelles : destinées à influencer les sources de croissance, la croissance potentielle, la compétitivité de l’économie, le tissu industriel, le cadre des investissements, le développement bancaire etc. ; et
  • (ii) les politiques sectorielles : qui ont pour rôle de peser sur la production globale ;

4- La protection sociale et la redistribution : dont le rôle est de protéger les populations vulnérables qui sont affectées négativement par les réformes. Ces dernières sont intégrées au cadre macroéconomique à moyen terme ; et

5- La communication : outil complémentaire indispensable de nos jours pour susciter et maintenir un processus d’appropriation par la population de la stratégie des réformes et assurer ainsi son succès. Elle facilite également la visibilité de la politique économique du pays.

Les outils de projection, de pilotage, d’évaluation et de contrôle (le GPS)

Comprennent (1) le cadre macroéconomique à moyen terme (qui fixe des objectifs chiffrés macroéconomiques et structurels) sur le moyen terme : (2) le  cadre budgétaire à moyen terme (CBMT) qui définit, sur la base d’hypothèses économiques réalistes et sur une période minimum de trois ans, l’évolution de l’ensemble des dépenses et recettes des administrations publiques, le besoin ou la capacité de financement de ces dernières, des éléments de financement et un niveau global d’endettement financier de l’état (des agrégats de pilotage très importants) ; et (3) les cadres de dépenses à moyen terme : établis sur la base du CBMT et décomposant sur une période minimum de trois ans les grandes catégories de dépenses publiques, par nature, par fonction et par ministère. Un complément indispensable d’une très grande efficacité qui injecte une dose puissante de discipline dans les finances publiques.

Les instruments de mesure des performance passées et de projection (indicateurs économiques, financiers et sociaux ou tableau de bord)

Ils sont essentiels pour calculer et prévoir les performances économiques actuelles et futures. Trois principaux types d’indicateurs économiques, définis selon leur timing :

1- les indicateurs avancés (signalent les changements futurs comme le marché boursier, l’immobilier et les ventes au détail) ;

2- les indicateurs retardés (changent généralement après que l’économie dans son ensemble ait évolué. S’ils ne peuvent pas préfigurer les changements économiques, ils permettent une lecture des cycles économiques et une projection de certains agrégats de base tels que le chômage, le PIB, l’indice des prix à la consommation (IPC) et les stocks des entreprises ;

3- les indicateurs coïncidents : se produisent à peu près en même temps que les changements qu’ils signalent. Par conséquent, ils peuvent fournir des informations précieuses sur l’état actuel de l’économie. Un exemple d’indicateur coïncident est le revenu personnel. Si l’économie est forte et que le climat des affaires est prospère, les taux de revenu personnel augmenteront à peu près au même moment. D’autres exemples d’indicateurs coïncidents incluent les taux d’intérêt et les dépenses personnelles, des données indispensables pour tracer et mettre en œuvre une feuille de route. 

Le mode opératoire et l’édifice institutionnel de conception, décision et suivi. Premier point :  le mode opératoire:

il implique : (1) un suivi rigoureux de la réalisation des objectifs macroéconomique pour les adapter à tout moment aux changements; (2) une réactualisation régulière, en conséquence, des projections macroéconomiques du pays; (3) une réadaptation, si besoin est, de la feuille de route sur le moyen terme pour s’ajuster aux changements éventuels sur le plans domestiques et extérieur ; (4) une réactualisation du CBMT et du CDMT ; et (5) une gestion transparente des messages économiques et la diffusion des données relatives à la gestion de la crise.

Second point : les institutions : le suivi des réformes est aussi important que leur conception. Il demande un cadre institutionnel adapté, qui comprendrait notamment un comité technique de mise en œuvre des réformes (CTR), regroupant des représentants des diverses administrations économiques et opérant sous l’autorité d’un comité politique stratégique (CPS) dont le rôle est de définir la stratégie et amender, le cas échéant, les politiques at programmes d’action.

Le CTR produit mensuellement un tableau d’indicateurs économiques et financiers de base et des rapports trimestriels sur l’exécution des réformes. Ces documents sont transmis au comité politique afin de briefer les autorités politiques, la nation et les partenaires. Un décret présidentiel définira la composition, les modalités de fonctionnement et les sources primaires de statistiques qui alimenteront le CTR. Un autre décret présidentiel définira les missions, les modalités de fonctionnement ainsi que la composition du CPS.   

Qu’en est-il en Algérie : le mode de pilotage de l’économie n’est pas encore au point, notamment pour affronter une crise économique profonde.

Huit points à discuter : (1) le constat ; (2) l’ampleur des défis; (3) Les outils devant renforcer le dispositif de pilotage ; (4) les contours d’une vision et d’une stratégie à long terme ; (5) les priorités stratégiques pour 2022-2025; (6) les politiques publiques à acter ; (7) les objectifs macroéconomiques à moyen terme ; et (8) les besoins de financement.  

Point 1 : Le constat : Le pilotage se fait à vue en raison de :  

1- l’absence d’une vision à long terme et d’une stratégie de développement depuis la fin des années 1980s, avec l’abandon de celles qui ont servi de socles doctrinaux à la construction d’une économie d’état (entre 1970-1989). L’abandon s’explique par une obsolescence du modèle public autocentré en place en raison de la lourdeur du processus de planification, de l’absence d’une capacité technique et administrative à même de maîtriser la mise en œuvre de nombreux projets surdimensionnés aux technologies complexes, générant retards et surcoûts financiers considérables, de la dépendance alimentaire générée par les dysfonctionnements du modèle, de la faible intégration intersectorielle, d’une production industrielle en deçà de ses capacités et d’un endettement extrêmement élevé.

Cette rupture avec le passé avait été opérée sous la contrainte et ne résultait pas d’un choix stratégique délibéré. Elle a d’ailleurs très vite coïncidé avec la remontée spectaculaire du prix du pétrole, qui a non seulement conduit à une pause dans les réformes pendant les dernières 20 années mais surtout à un vide stratégique. Ce dernier favorise le volontarisme économique et empêche la construction d’un nouveau modèle économique au bénéfice des nouvelles générations alors que le pays et le monde ont considérablement changé ;

2- de l’absence de nombreux outils de base : vitaux pour mesurer les performances et ajuster les objectifs au gré des développements internes et externes, dont un cadre macroéconomique à moyen terme (CMMT) solide et cohérent, un cadre budgétaire à moyen terme (CBMT), un cadre de dépense à moyen terme (CDMT) et des données disponibles dans des marges de temps raisonnables (tableaux trimestriels portant indicateurs économiques et financiers de base, rapports périodiques, indicateurs sociaux, etc..).

3- la faiblesse de la gestion macroéconomique en général:  affecte : (i) le budget  (processus et statistiques budgétaires, recouvrement des recettes, efficacité des dépenses publiques courantes et en capital) ; (ii) la politique monétaire du fait du blocage du canal de transmission qui complique la gestion du niveau de liquidité ; du faible développement du secteur financier (deux éléments qui rendent le signal de la politique monétaire indéchiffrable) ; et de l’absence de communication sur le rôle de la politique monétaire et de ses objectifs ; (iii) la supervision bancaire ; (iv) la politique de change (dualité des marchés de change) ; et (v) la faible coordination entre la politique budgétaire et la politique monétaire.

4- l’absence de cadres institutionnels technique et politique : dont le rôle est de collecter les données de base, les traiter, produire des tableaux et rapports trimestriels pour aider les autorités politiques à piloter l’économie et également informer la population et tous les partenaires intérieurs et extérieurs qui souhaitent investir. Ajoutons à cela.

5- une politique économique fragmentée entre divers départements et institutions gouvernementales sans coordination étroite.

6- la non dissémination régulière des données économiques et financières de base (qui prive la population et les partenaires d’éléments-clés relatifs à la conduite de la politique économique).

7- une communication publique qui laisse à désirer. Un mode opératoire aussi défaillant n’est pas approprié pour gérer la crise profonde déclenchée par des chocs pétroliers a répétition et les effets dévastateurs d’une pandémie. 

Point 2 : Les défis sont significatifs et l’ajustement budgétaire est de grande ampleur en raison de l’absence de pilotage

1- Les perspectives pour 2021 et 2022-2006 sont défavorables : sur le trend actuel, il faudra s’attendre à un recul de 1% de la croissance en 2021 et une stagnation économique (entre 1,5-2%) entre 2022-2026 ; une accélération de l’inflation à 4,5% en 2021 et environ 6,5 % entre 2022-2026 ; une hausse significative du déficit budgétaire hors pétrole à environ 33,7 % du PIB hors pétrole en 2021 avant de chuter à près de 32,5 % pendant  2022-2025 (pour une norme de 10 % du PIB hors pétrole); un déficit du compte courant de la balance des paiements de l’ordre de 9% du PIB en 2021 qui devrait baisser légèrement à 7-8% du PIB entre 2022-2026 (pour une norme de 5% du PIB); une baisse continue des RIC avec $38,5 milliards à fin 2021 et $28,9 milliards en 2022, $18 milliards en 2023, $10 milliards en 2024 et des niveaux négatifs entre 2025-2026  et une montée du chômage à environ 2 millions de personnes ;

2- le niveau d’ajustement. Le rétablissement des grands équilibres macroéconomiques implique des ajustements budgétaire et extérieur de 23 et 5 points de pourcentage, respectivement. Un ajustement colossal qui devra être étalé dans le temps.  

Point 3 : Les outils à mettre en place pour piloter l’économie de façon proactive dans le cadre d’une stratégie à long terme

En conséquence, il faut donc profiter de cette situation de crise (qui n’est pas le moment le plus optimal) pour construire un processus de pilotage de l’économie. Pour ce faire, il serait donc souhaitable de: (1) se doter, y compris à titre intérimaire d’une vision globale et d’une stratégie de refondation de l’économie nationale ; (2) mettre en place une panoplie d’outils de pilotage macroéconomique, y compris un renforcement de la qualité et de la cohérence du CMMT, la réactivation du CBMT qui existe ( il a été mis en place entre janvier et juin 2017 avant d’être abandonné depuis), la création d’un CDMT, la ventilation des charges communes et l’accélération de la transition vers la nouvelle loi organique sur les lois de finances qui consacrera une logique de résultats ; (3) d’articuler des politiques publiques appropriées et cohérentes sur le moyen terme ; (4) créer un édifice institutionnel pour la conception d’une politique économique globale et cohérente et le suivi des développements macroéconomiques ; (5) renforcer la gouvernance économique; (5) développer une politique de communication avec des messages simples couvrant toutes les questions essentielles ; et  (6) renforcer la transparence économique et financière en publiant des données de base et des rapports d’étapes régulièrement. En période de crise plus particulièrement, plus la population est informée plus elle comprend les défis et mieux elle participe à leur solution. 

Point 4 : Les contours d’une vision et d’une stratégie de développement économique pour l’Algérie

1- la vision à long terme : La vision à fin 2050 (avec une population de 60 millions d’habitants) est de hisser le pays au rang de pays émergents de première catégorie et de puissant acteur économique régional (avec une croissance annuelle de l’ordre de 7%, par comparaison aux taux anémiques enregistrés à ce jour). Cette vision ciblera la construction d’une économie hors pétrole dont les moteurs de la croissance seront l’agriculture, y compris l’agriculture saharienne, l’industrie et les services articulés autour du numérique, des activités climatiques et de la mer. Sur la question du climat, la vision est de décarboniser l’économie, et ce faisant, il faudra évaluer les risques climatiques, fournir des incitations à des investissements résilients au changement climatique et intégrer les risques climatiques et les dépenses d’adaptation dans les plans économiques et budgétaires ;

2- la stratégie de développement : Elle sera, pour la décade 2020-2030 cohérente avec les ODD 2030. Les principes directeurs de la construction de la nouvelle économie sont les suivants :

  • (i) l’inclusivité et la participation active de tous les citoyens dans tout l’espace géographique du pays ;
  • (ii) l’intégration à l’économie mondiale par un tissu d’échanges économiques et financiers, y compris le développement d’un hub régional en matière de services à haute valeur ajoutée ; par ailleurs, l’économie sera plus résiliente aux chocs de la mondialisation par la voie d’une politique industrielle autour de certains axes stratégiques prioritaires et d’une évaluation constante du contexte international pour opérer les ajustements nécessaires;
  • (iii) la propriété privée comme source de création de valeur ajoutée;
  • (iv) le recours à l’épargne étrangère (investissements directs étrangers et investissements en portefeuille) jouant un triple rôle de vecteur de modernisation, d’ajustement à la concurrence internationale et de financement de l’économie ;
  • (v) un Etat activant dans un rôle de développeur dans certains secteurs-clés en cohérence avec la politique industrielle du pays et également un rôle de régulateur par le biais d’une politique budgétaire, une politique monétaire, une politique de change et une politique de développement d’équipements publics ;
  • (vi) la bonne gouvernance économique à tous les niveaux et la lutte contre la corruption ; et
  • (vii) un système d’information statistique solide comme vecteur de renforcement de la gestion de l’économie et de diffusion des données à la population pour assurer son adhésion au processus de relance et développement du pays.

Point 5 : les priorités stratégiques à moyen terme (horizon 2025) et la nécessité de mettre en place des réformes.

Conformément à la vision 2050 et aux grandes lignes de la stratégie de développement ci-dessus, les objectifs stratégiques pour la période 2021-2025 seront de réduire le déficit budgétaire hors hydrocarbures, contenir le déficit du compte courant de la balance de paiements, stabiliser la dette publique à moyen terme, relancer la croissance économique, créer des emplois et moderniser l’économie du pays. Ces objectifs impliqueront de nombreuses réformes dont la mise en œuvre s’étalera dans le temps et exigera un sequencing approprié et un suivi constant et rigoureux. En appui de ces objectifs, les politiques publiques doivent s’articuler autour de 3 grands axes complémentaires et cohérents : macroéconomique, structurel et sectoriel.

Point 6 : Les politiques publiques à acter:

1- L’axe macroéconomique a pour objectif d’assainir les fondamentaux économiques

un budget sous contrôle, une inflation maitrisée et un déficit de la balance des paiements raisonnable) qui sont vitaux pour favoriser l’investissement, ouvrir la voie à la croissance, créer des emplois et réduire les inégalités. La réalisation de ces objectifs implique un bon dosage des politiques macroéconomiques : dans ce contexte, la politique budgétaire ciblera une réduction progressive du déficit budgétaire (par le biais d’une contraction progressive de l’absorption intérieure afin de préserver la croissance économique et contrôler l’inflation), tandis que la politique de change visera une dépréciation du taux de change (pour une meilleure gestion des ressources extérieures et de la demande globale).

La politique monétaire aura, quant à elle pour rôle de procéder à une gestion rigoureuse de la liquidité pour contenir les poussées inflationnistes liées à l’ajustement réel. L’intérêt de ce mix est d’assurer la viabilité des finances publiques, créer les conditions d’une relance de la croissance et contrôler l’inflation. Le volet macroéconomique servira de point d’appui aux réformes structurelles.

2- L’axe structurel :

est complémentaire et devra combiner des réformes macro structurelles (visant à renforcer la qualité de la politique macroéconomique) et les réformes ciblant les structures du système économique.

  • (i) Pour la partie macro structurelle : les réformes viseront : (i) le budget : notamment les  recettes (niveau de recouvrement des recettes, prolifération des avantages fiscaux et douaniers, faiblesse de l’administration fiscale et douanière, faiblesse et incohérence de certains impôts), les dépenses (structure et efficacité des dépenses publiques courantes et en capital), le processus budgétaire (cadre budgétaire pour réhabiliter le budget en tant qu’outil de la gestion macroéconomique) et les statistiques macroéconomiques ; et (ii) la politique monétaire et de change (levée du blocage du canal de transmission compliquant la gestion du niveau de liquidité et le développement du secteur financier et rend le signal de la politique monétaire indéchiffrable), renforcer la coordination entre la politique budgétaire et la politique monétaire, pallier à l’absence de communication sur le rôle de la politique monétaire et des objectifs et améliorer la supervision bancaire. Dans le domaine des changes, il s’agira de réduire l’écart entre les marchés officiel et parallèle des changes par des réformes au niveau du marché des changes lui-même mais également au niveau des politiques macroéconomiques.
  • (ii) Pour la partie des réformes de structures du système économique:  l’objectif est de relancer l’investissement privé productif (simplification des formalités administratives et la transparence) pour stimuler l’activité du secteur privé), inclure les femmes dans le marché de l’emploi, améliorer l’accès au financement, mettre en place un système financier moderne et lutter contre la corruption pour rétablir la confiance de la population vis-à-vis des pouvoirs publics et s’approprier les réformes.

3- L’axe sectoriel : 

Il visera à moderniser et diversifier l’économie algérienne en pariant sur le développant de stratégies sectorielles cohérentes ambitieuses prenant appui sur le numérique et le vert afin d’accroître la productivité et la valeur ajoutée. Il s’agira de profiter pleinement du boom technologique du vert et du numérique. Deux voies qui permettront au pays de bénéficier du génie créateur de sa jeunesse. Un autre facteur en faveur des réformes sectorielles est de renforcer la résilience de l’économie aux chocs extérieurs et intérieurs.

Point 7 : Les objectifs macroéconomiques 2022-2025. Prenant en considération les réformes ci-dessus, notre simulation nous donne les principaux indicateurs macroéconomiques pour la période 2021-2025 à moyen terme suivants : (1) Un taux de croissance qui passera d’un recul de -1% en 2021 à 3% en 2022 et environ 5,5 % entre 2023-2025 ; (2) Un taux d’inflation qui restera aux alentours de 4,5 -5% en moyenne au cours de la période 2022-2025 du fait de la faiblesse de la demande et aussi d’une offre en reprise lente ; (3) Un déficit budgétaire primaire hors hydrocarbures devant baisser à 22 % du PIB hors pétrole en 2025 par rapport à 33,7% du PIB hors pétrole en 2021. Cette réduction du déficit résultera de réformes en matière de recouvrement de recettes et de rationalisation des dépenses courantes et en capital. Il sera financé par un mix de ressources domestiques et extérieures ; (4) un déficit du compte courant de la balance des paiements qui sera ramené à environ 6 % du PIB en 2025. En effet, les efforts de diversification et de libéralisation de l’économie se traduiront par une amélioration des exportations hors hydrocarbures, un léger rebond des IDE et une rationalisation des importations. 

Point 8 : Les besoins financiers. En conséquence, les besoins de financement prévisionnels de ces déficits pour la période 2022-2025 sont projetés é environ $133 milliards (pour couvrir les déficits budgétaires et de la balance des paiements). La mise en œuvre de réformes globales entre 2022-2025 permettra de réaliser un gain cumulatif d’environ $30 milliards. Combiné aux disponibilités en réserves de change internationales d’environ $38 milliards à fin 2021, le gap de financement restant à couvrir sera donc de $65 milliards sur 4 ans. Comment financer ce gap de financement ? Les sources de financement domestiques incluent éventuellement l’endettement intérieur auprès des ménages, des banques et des compagnies d’assurance ainsi que la finance islamique locale. Ces sources ne seront pas bien entendu suffisantes et elles devront être complétées par des financements extérieurs, notamment au niveau ; (1) des créanciers officiels multilatéraux ; (2) des institutions régionales de développement et de bilatéraux pour appuyer le financement des projets et apporter de l’aide budgétaire ; (3) de grandes banques pour obtenir des crédits syndiqués ; et (4) du marché financier international pour ce qui est du placement éventuel d’obligations souveraines internationales. 

Par Dr. Abdelrahmi Bessaha – ‎senior economist · ‎International Monetary Fund