L’école algérienne et les grèves, Echangeons richesse contre bon sens!

L’école algérienne et les grèves, Echangeons richesse contre bon sens!

Après mille et une réformes, notre école est malade de ses insuffisances

Sommes-nous pauvres au point où nos enfants doivent accepter de se tasser à 60 par classe?

La grève des enseignants de l’Education nationale a, semble-t-il, pris fin. Pour combien de temps? C’est triste à dire mais si on pose cette question c’est parce que c’est la grève qui est devenue, de nos jours, la norme dans ce secteur alors qu’elle devait n’être que l’exception.

Si telle est la situation, c’est à cause de la politique menée par le secteur depuis plus d’une décennie. Une politique qui cause l’instabilité de l’école à un moment où elle a plutôt besoin d’être sereine pour réfléchir convenablement sur son devenir dans une Algérie qui peine à retrouver ses marques dans tous les domaines, à tous les niveaux et pour toutes les raisons du monde.

Une vision à la mesure de l’incompétence

Cette école dont nous étions si fiers, a malheureusement, été détruite à coups de décisions déplacées, de commissions inadaptées et, surtout, de réformes vaines et inutiles. La mort programmée de notre si belle école est due, d’abord et avant tout, à l’incapacité des responsables du secteur à cultiver une vision claire et qui soit à la hauteur de cette école qu’ils ont, disons-le ainsi, tirée vers le bas, juste à leur niveau d’incompétence.

Il fallait forger, pour l’Ecole algérienne, une vision digne des plus grandes écoles de ce monde et non se terrer, à cause de l’insuffisante ambition de ceux qui ont présidé au secteur depuis la fin des années 1990, dans les sombres grottes de la sous-éducation comme cela a été décidé malheureusement. Ceux qui avaient construit notre école l’avaient fait pour qu’elle dure non pour qu’elle soit invalidée de la sorte.

Sans vision, sans idée de ce qu’elle veut être demain ni comment, elle veut y parvenir, l’Ecole algérienne a fait naufrage. L’eau amère de la désillusion y pénètre de partout. Par le trou creusé au niveau du budget trop insuffisant pour le secteur. Par ceux creusés par l’insuffisance du personnel d’encadrement, par les grands trous qu’ont laissés les fameuses réformes, par les fissures visibles du programme mille fois révisé sans résultat, par les vides laissés suite au départ des compétences jamais reconstruites, par le fossé immense entre les grandes ambitions d’un peuple et la petitesse de son école… et on en passe! Et on en passe!

Résultat: après mille et une réformes, une école malade de ses insuffisances. Une école en convalescence.

Toujours en attente de lendemains qui ne veulent pas venir. Mais peut-être que la société est aussi pour beaucoup dans cette détérioration de l’école. Peut-être que les valeurs nouvellement plantées dans notre société, érigée sur l’argent et le «dez-bark» (cette manière atroce de foncer sur tout sans trop rien vouloir comprendre), ont-elles contribué à façonner l’école du présent? Une école où enseignants et élèves ne peuvent qu’assister impuissants à la destruction.

Ce qui manque à notre école c’est d’abord l’honnêteté de dire ce qui ne va pas exactement au lieu d’applaudir sans trop savoir pourquoi. Notre école a beaucoup souffert de l’hypocrisie de ceux qui l’ont gérée. Ceux qui ont préféré se taire quand il fallait parler, quand il fallait hurler pour porter à la connaissance publique les erreurs et les aberrations. Quand il fallait dire non au populisme et aux décisions inappropriées.

Au diable cette richesse

Au lieu de replâtrer murs, programmes et livres, il fallait prendre les choses en main sérieusement. Nous ne sommes pas pauvres, tout de même. Nous ne l’avons jamais été d’ailleurs. Alors comment expliquer cette insuffisance d’infrastructures dans le secteur de l’Education nationale dans un pays où tout le monde, de gré ou de force, a si bien appris à s’occuper des murs pour pouvoir en afficher les chiffres avec grande fierté?

Comment justifier ce manque de places dans les écoles? Comment comprendre l’exiguïté des salles de classes? Comment nous convaincre que notre école figure parmi les dernières de ce monde? Comment devons-nous comprendre que les enseignants, chez nous, continuent à avaler encore de la poudre de craie alors que les autres en sont aux moyens les plus avancés d’enseignement?

Comment pourrait-on nous faire admettre que, la veille de 2014, notre école fonctionne toujours avec des vacataires? Est-ce une autre fatalité que l’on doit accepter comme celle qui stipule que nous devons rester éternellement dépendants des autres pour notre pain et nos médicaments?

Comment doit-on comprendre cette perte totale du goût de la lecture chez nos écoliers? Le bilan est là, dans toute sa nudité, et il n’y a pas d’autres bilans de l’école que celui de sinistrée laissé après une décennie d’acharnement sur les fondements de cette école.

Sommes-nous pauvres au point où nos enfants doivent accepter de se tasser à 60 par classe? Au diable donc cette richesse dont nous aimons tant nous prévaloir si elle ne sert même pas à offrir le nombre suffisant de classes pour nos propres enfants! Au diable donc cette richesse si elle ne nous permet pas de construire des écoles convenables à nos propres rejetons! Et mille fois au diable si elle ne nous permet pas de dépasser le stade si archaïque de la craie. Nous sommes de pauvres riches! Rien que des pauvres riches. Et il serait meilleur pour nous d’échanger cette richesse dont le peuple ne profite pas contre un peu plus de bon sens.

On nous a menti des années durant en nous chantant le refrain des places pédagogiques en oubliant, à dessein bien sûr, de nous mentionner que c’est dans l’étroitesse des salles que cela se passe.

A cela, désormais, il faut ajouter ces arrêts interminables des enseignants à un moment où l’école doit doubler d’efforts pour tenter de récupérer le retard qu’on lui a fait faire. Chaque année, c’est le même refrain. Les enfants sont otages, l’avenir du pays est pris en otage à chaque grève, et le peuple est aussi pris en otage à chacune de ces grèves qui n’en finissent pas.

On aurait aimé que ces grèves servent à réclamer des comptes aux fossoyeurs de l’école. On aurait aimé qu’elles servent à demander des moyens modernes d’enseignement, des écoles nouvelles, des classes nouvelles et des conditions normales d’enseignement. Mais même dans ce cas, ce n’est pas une excuse pour faire une grève le matin, une à midi et une le soir. Cela fait trop. Oui, un peu trop pour les élèves et pour le pays!