Confronté depuis près d’un mois à une situation, pour le moins qu’on puisse dire, inextricable, provoquée par la protestation citoyenne contre le gaz de schiste, le wali de Tamanrasset est, depuis dimanche dernier, à In-Salah où il tente de convaincre les manifestants à mettre fin à leur mouvement. Et, du coup, permettre la reprise des activités administratives et commerciales affectées par cette crise depuis le 1er janvier.
Liberté : Monsieur le wali, pouvez-vous nous expliquer exactement l’objet de votre mission ?
Mahmoud Djamaâ : Ce n’est pas une mission, c’est un devoir ; une obligation de venir écouter la population et de lui expliquer ce que confirmait le Premier ministre dans son émission télévisée de mercredi dernier, et qui avait indiqué que le chantier qui a été ouvert à Ahnet pour l’exploitation du gaz de schiste va s’arrêter.
C’est une certitude ?
C’est un engagement du Premier ministre, donc de l’État. Et l’État ne peut pas s’engager juste comme ça. Alors je suis venu pour demander aux protestataires de réagir positivement à cet engagement et cette dynamique créée par le Premier ministre, et donc, pour qu’ils mettent fin à leur sit-in devant le siège de la daïra.
Un des représentants des citoyens présents à notre dernière rencontre (le 25 janvier, ndlr) avait préconisé la mise en place d’une commission qui se chargera de suivre l’évolution du dossier, et c’est une proposition qui a été déjà faite lorsque le ministre de l’Énergie, M. Yousfi, est passé ici ; il leur a même proposé de visiter le chantier pour voir tout ce qui s’y fait et constater que les produits chimiques utilisés ne représentent pas de danger. Maintenant, les représentants de cette manifestation doivent prendre une décision sage pour mettre fin à leur mouvement qui pénalise la ville d’In-Salah depuis plus de 20 jours. Il y a des services qui sont partiellement à l’arrêt, et comme vous devez l’avoir constaté, la ville n’est pas prise en charge. Des projets qui devaient être lancés sont à l’arrêt.
Bientôt un mois depuis que presque toutes les activités (administratives et commerciales) sont pratiquement à l’arrêt. Avez-vous fait le bilan des pertes ?
Dire que toutes les activités sont mises à l’arrêt, c’est faux, parce qu’il y a des services qui fonctionnent malgré le mouvement de protestation. Tous les services et les prestations publics sont là, tels que l’alimentation en électricité et en eau, la circulation, l’approvisionnement de la population en matière commerciale, etc. J’allais dire que la vie est pratiquement normale. Sauf qu’au niveau des services de l’État, il y a beaucoup de fonctionnaires qui ont peur parfois de rejoindre leur lieu de travail.
Certes, nous avons demandé aux services de sécurité de sécuriser les lieux de travail, mais cette situation crée quand même un climat qui ne facilite pas le fonctionnement de tous les services. Dieu merci, la scolarisation des enfants fonctionne, c’est déjà quelque chose de bien, mais il faudrait que l’ensemble des activités retrouvent leur cours normal.
Avez-vous l’information concernant la dissolution (ou l’autodissolution) du collectif citoyen, ce qui peut rompre le dialogue entre les autorités et les citoyens ?
Non ! On n’a pas été saisi sur cela. Je suis venu le dimanche, et le même jour, j’avais tenu une réunion avec les mêmes représentants. Certes, certains n’étaient pas venus, mais la plus grande partie était là.
Cela fait déjà trois jours depuis que vous êtes ici à In-Salah. Comptez-vous rester jusqu’à ce que la crise soit réglée ?
Bien sûr ! Le devoir m’impose d’être aux côtés de la population pour lui expliquer et lui signifier un peu les directives du gouvernement, mais aussi pour dire aux citoyens qu’il est dans leur l’intérêt de s’inscrire dans une démarche de bon sens, même s’il y a des insuffisances et de l’incompréhension. S’il y a une proposition, il faudra l’exprimer de manière à ne pas perturber le fonctionnement des différents services publics et la vie en général dans la ville. Aussi, il est de mon devoir de les écouter parce que, certainement, il y a beaucoup d’insuffisances au niveau de la ville qu’il faut prendre en charge. Nous sommes déjà en train de réfléchir à un programme de développement que nous avons tracé et que nous comptons donc engager dans le cadre du budget de développement de 2015, que ce soit en matière de routes, de santé, d’agriculture, d’assainissement, de reprise de la voirie urbaine qui est très dégradée, ou encore en matière d’habitat où il y a 3 000 lots de terrain avec 3 000 aides d’un million de dinars pour chaque bénéficiaire qui est déjà sur la table. Donc, il y a tellement de travail à faire qu’il faut absolument commencer. Et cela ne peut se faire sans la participation citoyenne.
Les manifestants antigaz de schiste campent tout de même sur leurs positions et menacent de durcir leur mouvement…
Je pense que le bon sens va l’emporter. À travers les rencontres que j’ai eues avec des notables, des élus et des représentants de la société civile, on sent que cette ville a de l’énergie pour adopter une position qui va dans le sens de l’intérêt de la population et de l’État algérien.