François Hollande, président français, jouit chez les Algériens d’un capital de sympathie en rupture avec la méfiance qu’inspirait son prédécesseur, Nicolas Sarkozy. Pour autant, quand il s’agit de politique entre deux Etats souverains, les élans du coeur viennent bien après les intérêts comme on peut le constater depuis l’indépendance où le renforcement naturel des liens entre les deux peuples n’a jamais pu décrisper les relations entre les gouvernants.
A moins de deux semaines, la visite du président français François Hollande, attendu à Alger le 19 décembre pour deux jours d’un périple qu’on annonce d’une intense activité, c’est l’optimisme qui domine les commentaires dans la presse nationale et française.
Premier motif de satisfaction anticipée : c’est que le nouveau locataire de l’Elysée ne peut que mieux faire par rapport à son prédécesseur, Nicolas Sarkozy, qui a voulu occulter les relations complexes entre les deux pays pour de grossières ambitions d’affaires. Le président socialiste semble concevoir, lui, qu’il n’est pas possible de zapper les questions politiques auxquelles Alger accorde une importance soit symbolique soit géostratégique.
UNE PRÉPARATION BIEN INTENTIONNÉE
On aura pu le confirmer lors de son message bref mais significatif à l’occasion de la commémoration du 17 octobre 1961, au sujet de la crise dans le Nord du Mali où sa conception différente de la solution à apporter demeure toutefois enrobée de nuances autorisant la convergence avec la position algérienne qui table davantage sur la dialogue.
Quant aux dossiers techniques sur la coopération, le traitement des contentieux ou le partenariat militaire, Hollande en «président normal» a pris la précaution d’envoyer des ministres et autres émissaires pour défricher le terrain, de faire voter un texte et de préparer sa visite en prévenant toutes mauvaises surprises.
Une préparation «minutieuse » selon le prestigieux quotidien français Le Monde qui aborde le sujet de la mémoire avec pragmatisme : «M. Hollande sait qu’il est avant tout attendu sur les mots qu’il prononcera pour panser les plaies du passé, même si la diplomatie algérienne assure que «repentance « n’a jamais été une demande officielle de l’Algérie.
Il devrait ainsi s’arrêter sur la place Maurice- Audin, pour rendre hommage au militant anticolonialiste français mort sous la torture. «On n’en fera jamais assez«, dit-on dans l’entourage du président français.
Le but de François Hollande est de proposer un vrai partenariat politique. Une perspective que la situation au nord du Mali, dominé par des groupes djihadistes et visé par une possible intervention militaire internationale, renforce. »
DES DIVERGENCES INDÉLÉBILES
Cependant, dans l’euphorie générale, des observateurs avisés tempèrent leur jugement en avançant que nombre de dossiers butent contre des résistances internes aux deux pays, que les deux chefs d’Etat ne pourront pas surmonter lors des retrouvailles algéro-françaises : bien plus épineux que la restitution d’objets du patrimoine national par l’ex-colonisateur, subsistent encore beaucoup de tabous freinant l’avènement de relations diplomatiques standards qui seraient fondées sur des rapports d’intérêts partagés.
Ainsi, il n’est pas évident qu’on puisse implanter une usine Renault sans que le projet ne s’accompagne de pressions politiques pour la réouverture de nos frontières avec le Maroc voisin, comme nous l’expliquions dans l’une de nos précédentes éditions. Par ailleurs, tout transfert technologique reste incertain dans ce contexte de concurrence qui caractérise une économie mondialisée aux nations de plus en plus protectionnistes.
Gageons que le projet Renault Algérie va aussi soulever des vagues en France, aggravées par le lobbying anti-Algérie toujours influent dans la classe politique française à droite comme à gauche. Pas simple non plus d’avancer sur la réappropriation des archives que des Algériens et des Français ne sont probablement pas pressés d’ouvrir aux opinions nationales.
Plus ardu encore, le traitement politique d’affaires judiciaires relatives à la décennie noire, officiellement la tragédie nationale, quand l’indépendance de la justice française manoeuvre comme pour déstabiliser la gouvernance en Algérie dans un contexte d’interventionnisme chez nos voisins. Une politique étrangère que Paris ne pourra manifestement jamais justifier auprès d’Alger viscéralement opposée à toute ingérence dans les affaires des Etats tiers.
Le feuilleton malien n’ayant pas encore livré non plus toutes les divergences de point de vue, minimisées ou non de part et d’autre. Sans oublier une partie de la classe politique algérienne dont le fonds de commerce se base sur un sentiment anti-français exacerbé, de façon feinte ou tristement sincère, et que les gestes négatifs de la France au Sahara occidental ou en Libye accentuent.
Il y a incontestablement autant d’éléments objectifs qui promettent une visite hautement positive du président français, François Hollande, en Algérie que de vecteurs subjectifs en France ou en Algérie pour ajourner encore une fois le rapprochement fraternel entre les deux rives. Aux gouvernants de réussir ce pari pour le cinquantième anniversaire de l’indépendance.
Nordine Mzalla