Le voyage alger-el achir a été un véritable cavaire, Un enfer nommé autoroute

Le voyage alger-el achir a été un véritable cavaire, Un enfer nommé autoroute

ce que d’autres ont surnommé à tort «projet du siècle» n’est finalement qu’un enfer pour ceux qui l’empruntent en été.

Prendre l’autoroute chez nous est devenu un véritable calvaire. On le savait. Cette fois, le calvaire avait duré cinq heures et demie, sous une forte chaleur. Lundi dernier, il fallait plus de deux heures pour faire le tronçon Bouira- Lakhdaria. Le lendemain, sur des dizaines de kilomètres et sous une chaleur torride, des milliers de voitures étaient collées les unes aux autres. Il avait fallu aux conducteurs et aux passagers, patienter, cette fois, de très longues heures. Plus de cinq heures et demie en tout de l’entrée du second tunnel – juste avant Lakhdaria en venant d’Alger – à El Achir (moins de 200 km). Les enfants, les personnes âgées, les personnes fragiles ou malades ont dû connaitre la souffrance de leur vie. D’ailleurs, de nombreuses familles avaient pris la bretelle de sortie d’El Achir pour se reposer et permettre à chacun de se laver, de reprendre son souffle et de manger. Jamais, sans doute, les restaurants de ce petit village n’avaient vu autant de voitures à la fois. Récit d’une journée pas comme les autres.

Lorsqu’à 15h20 je prenais l’autoroute à Ben Aknoun, juste à la sortie du ministère de l’Enseignement supérieur, je me dis qu’à 21h30 au plus tard je serai à Batna car, à ce moment de la journée, la durée moyenne du trajet, pause-dîner comprise, tourne autour de six heures. Mais, arrivé à hauteur de l’aéroport Houari Boumediène, je dus revoir à la baisse mes calculs puisque la route était carrément vide et que l’on pouvait aller sans risque aux 120 km à l’heure autorisés. L’arrivée aurait lieu une demi-heure plus tôt facilement.

Le ralentissement de la circulation commença juste à l’entrée du second tunnel, près de Lakhdaria, avant que les quelques voitures qui me précédaient ne s’immobilisent. Cela n’avait rien d’inquiétant a priori sauf que les secondes puis les minutes passaient sans que personne ne bougeât.

Une petite chaîne se forma aussitôt derrière nous, puis avec le temps elle se mit à s’étirer. Après une dizaine de minutes, quelques impatients allèrent aux nouvelles. Ils constatèrent alors que le tunnel était fermé à la circulation. On leur expliqua que des travaux étaient effectués près de Lakhdaria.

Après une vingtaine de minutes les klaxons commencèrent à se faire entendre, mais rien n’y fit. La chaîne de voitures s’étendait déjà à perte de vue, sur les quatre voies. Même la bande d’urgence était occupée. Les gens s’impatientaient. Ils descendaient de leurs voitures, marchaient, revenaient à leurs places. Certains se hissèrent sur la bande de béton qui longeait l’autoroute.

La montre indiquait 16h10. Une sirène se fit entendre au loin. Impossible de dire exactement où, ni de quelle sirène il s’agissait. Je mis la radio puis l’éteignis aussitôt. Certainement à cause du stress de ne pas bouger depuis près d’une demi-heure. Dehors, des jeunes allaient et venaient, les uns nerveusement, les autres plutôt calmes, mais tous semblaient souffrir de la chaleur suffocante.

Un chauffeur de camion descendit, il alla parler au gars de la sécurité qui se tenait debout devant la barrière. Il haussa les épaules et remonta dans son camion.

Quelqu’un passa en courant vers le tunnel et là on fit avancer les premières voitures sur la dernière voie. Au son de la sirène qui se faisait de plus en plus proche, je compris qu’on dégageait le passage pour une urgence. Lorsque l’ambulance passa, toutes les voitures qui étaient derrière la suivirent et les autres aussi. L’agent de sécurité fut obligé de lever la barrière devant cette déferlante de véhicules.

Dans le tunnel, il n’y avait rien qui pût justifier ce si long arrêt. L’énervement, la fatigue, la chaleur et, surtout, le nombre impressionnant de voitures, de bus et de camions faisaient craindre des fautes dans la conduite. Heureusement que les gens avaient fait preuve d’une grande lucidité et d’une grande sagesse.

A la sortie du tunnel, la circulation commença à ralentir et quelques centaines de mètres plus loin, l’immobilisation reprit. Du coup, il devint clair que la barrière que l’on avait baissée en amont du tunnel n’avait pour but que d’éviter aux gens d’attendre à lintérieur du tunnel. Cela aurait été une véritable catastrophe.

16h20. L’impatience se faisait sentir. Lorsqu’on n’était pas totalement immobile, on avançait par centimètres, collés les uns aux autres. Certains, plus impatients que d’autres, essayaient de changer de voie à la moindre occasion. Les klaxons et les gestes accompagnaient le refus de ceux qui ne voulaient pas les laisser passer. Un accident pouvait survenir à tout moment mais, jusque-là, rien de tel n’eut lieu, heureusement. La chaîne devant nous occupait la route à perte de vue. Celle derrière nous aussi.

16h30. Le niveau d’essence indiquait moins du quart. Dans un tel embouteillage, cela ne représente pas une sécurité suffisante. Je décidai alors de quitter l’autoroute pour Lakhdaria mais il fallait attendre la sortie. A un certain moment, la sortie pour Lakhdaria était signalée à 2km. Je patientai alors le temps qu’il fallait et dès que je le pus, je pris la sortie.

A Lakhdaria, j’avais fini de faire le plein autour de 18h10 et, suivant le conseil du pompiste, je ne retournai pas à l’autoroute mais traversai Lakhdaria. Cela me prit, et à ceux très nombreux qui optèrent pour la même solution afin de contourner l’encombrement, près d’une heure. Oui, presque une heure, rien que pour sortir de Lakhdaria! Il fallait reprendre l’autoroute ou continuer sur la RN5 jusqu’à Bouira.

La chaîne qui avançait péniblement était visible au loin, à ma droite. J’optais pour la seconde solution. Je n’étais pas seul, là non plus. Plusieurs voitures et camions me précédaient. Après un quart d’heure, un panneau indiquant l’autoroute apparut et tout le monde changea de direction. Je suivis le mouvement.

Dès l’entrée de l’autoroute, la circulation était plus fluide. Par endroits, on se permettait de faire du 80 km à l’heure. Un luxe! Les gens étaient visiblement très fatigués et pressés. Ils allaient comme ils pouvaient mais, El Hamdou lillah, aucun accident n’avait eu lieu. Nous changeâmes de côté sur l’autoroute pour partager le sens opposé avec ceux qui allaient vers Alger. Nous avancions à vitesse très réduite. Cela dura un long moment puis nous reprîmes notre côté et quand on eut l’impression que tout allait rentrer dans l’ordre, encore une fois, la circulation s’arrêta. Pour longtemps cette fois. Très longtemps. Il faisait noir. Les feux de voitures étaient allumés depuis un bon moment déjà. On avançait très peu. On avançait très mal. Au point où j’eus l’impression qu’on allait passer la nuit là, sur l’autoroute. Une autoroute qui a coûté au pays les yeux de la tête mais qui n’a jamais été autre chose qu’un échec pathologique, comme le reste d’ailleurs. Comme tout le reste!

Le calvaire durait trop longtemps et la fatigue était si grande qu’il fallait quitter l’autoroute à la première occasion. El Achir était l’endroit indiqué pour cela mais il fallait attendre et patienter.

Les enfants pleuraient dans une voiture qui était devant moi. Un peu plus loin devant, une femme descendit de voiture pour marcher. Dans l’obscurité de la nuit, seul le ronflement de certains camions brisait le silence.

Finalement, juste avant d’aborder la montée de Mansourah, la circulation devint normale. Seul dérangement: les camions qui prenaient la troisième voie.

Au bout de la montée, la sortie d’El Achir apparut vers 22h25. Je la pris comme beaucoup d’autres. Le reste, des taxis, des bus, des véhicules privés, des camions… poursuivirent leur route.

L’autoroute, ce que d’autres ont surnommé à tort «projet du siècle» n’est finalement qu’un enfer pour ceux qui la prennent en été. Avec ce que cela nous a coûté, on aurait pu avoir aussi la Nord-Sud et de meilleure qualité. Il me restait encore trois heures à tirer. Comme je quittai le restaurant à 23h passées, je préférai passer la nuit à Bordj Bou Arréridj, chose que je ne regrettai pas puisque j’y découvris, avec beaucoup de bonheur, un bijou d’hôtel: le Béni Hammad. Mais cela c’est déjà une autre histoire.