Le vol et le trafic de véhicules passés au crible

Le vol et le trafic de véhicules passés au crible

Le trafic de véhicules en Algérie est une réalité confimée au quotidien par les rapports et procès-verbaux de la Gendarmerie nationale. C’est l’un des fléaux sociaux vécus par les sociétés modernes et l’un des aspects de la criminalité organisée, engendré par des facteurs socio-économiques connus.

Ce dernier porte atteinte à l’économie par la circulation informelle de fonds véhiculés par les organisations criminelles internationales, note-t-on au niveau de la Gendarmerie nationale qui remarque que le trafic de véhicules engendre une situation de non-sécurité chez les citoyens ciblés par les bandes de voleurs de véhicules, surtout avec la diversité des types de véhicules et leurs prix.

Les multiples enquêtes diligentées par les services de la Gendarmerie nationale révèlent que les réseaux de trafic ciblent certains types de véhicules, selon leur provenance (origine), soit les véhicules anciens pour utiliser leurs documents administratifs et coller la plaque portant le numéro de châssis sur le véhicule qu’on veut trafiquer, les véhicules accidentés et les véhicules provenant de la contrebande à travers les frontières. Les véhicules volés à l’étranger et introduits avec de faux documents et les véhicules volés à l’intérieur du pays y figurent aussi, est-il noté dans une analyse faite par la Gendarmerie nationale.

QUATRE VÉHICULES TOUT-TERRAINS (4X4) VOLÉS EN 2011

Les enquêtes diligentées par les unités de la Gendarmerie nationale démontrent une hausse sensible du nombre de véhicules volés. La recrudescence est enregistrée d’année en année, notamment de 2000 à 2003 pour baisser durant les années 2004 et 2005, mais la hausse reprend de 2006 à 2008, est-il révélé par la même étude.

La moyenne la plus faible, est-il constaté, a été enregistrée en 2009, avec 190 vols alors que l’année 2010 a connu une hausse avec 851 affaires où 640 personnes ont été arrêtées. En 2011, 1385 affaires ont été traitées et 503 personnes impliquées ont été arrêtées. En 2000, la Gendarmerie nationale a traité 321 affaires du genre, 325 affaires en 2001, 376 en 2002, 536 en 2003, 447 en 2004, 283 en 2005, 797 en 2006, 680 en 2007, 671 en 2008, 190 en 2009, 815 en 2010.

La Gendarmerie nationale déduit, à travers l’analyse de ces données, que la moyenne des vols de véhicules en Algérie a augmenté en 2011 par rapport à 2010 de près de 69,94%. Pour ce qui est du nombre de véhicules volés en 2011, les éléments de la Gendarmerie nationale ont constaté le vol de 337 véhicules dont 298 véhicules légers, 4 4×4, 29 poids lourds et 6 motos, est-il rapporté.

Les véhicules tout-terrains sont prisés, rappelle-t-on, par les groupes terroristes qui les utilisent dans leurs déplacements dans le Grand Sud, en direction de pays voisins, et aussi dans la perpétration d’attentats à l’explosif

C’est le cas, par exemple, de l’attentat suicide ayant ciblé, début mars, le siège du groupement de la Gendarmerie nationale de la wilaya de Tamanrasset, rappelle-t-on, sauf que dans cette affaire, la Toyota Station utilisée aurait été volée de l’étranger et introduite avec de faux documents sur le sol algérien. La gendarmerie s’est également penchée sur le vol de véhicules à l’étranger et leur introduction avec de faux documents en Algérie.

LES VÉHICULES VOLÉS VENDUS EN PIÈCES DÉTACHÉES

Les efforts de la Gendarmerie nationale dans la lutte contre ce genre de vol et de trafic, a permis la récupération de nombreux produits. C’est ainsi qu’en 2010, 569 véhicules ont été récupérés. Ce nombre a augmenté en 2011 pour atteindre les 673 récupérés par les gendarmes. Les efforts consentis par les éléments de la Gendarmerie nationale durant les mois de janvier et février 2012 ont permis la récupération de 126 véhicules.

Le nombre global des véhicules récupérés en 2010, en 2011 et durant les deux premiers mois de 2012 a atteint 1368 véhicules de différents types, dans un état intact. En effet, les malfaiteurs procèdent généralement au désossement des véhicules volés avant de les vendre en pièces détachées ou de les repeindre et falsifier la plaque d’immatriculation ou le numéro de châssis pour les revendre.

LES WILAYAS LES PLUS TOUCHÉES

Alger reste la wilaya la plus touchée, avec 180 affaires de vol de véhicules pour l’année 2011 (contre 78 en 2010), suivie d’Oran, avec 135 affaires (contre 107 en 2010), Sétif, avec 52 affaires (contre 31 en 2010), et Ouargla, avec 66 affaires (contre 47 en 2010).

Le nombre des affaires traitées par les unités de la Gendarmerie nationale a augmenté grâce aux efforts consentis sur le terrain et à travers l’ensemble du territoire national, pour juguler ce phénomène qui a proliféré pour atteindre la majeure partie du pays, bien que les wilayas d’Oran, d’Alger, de Tizi Ouzou, d’Ouargla et de Constantine demeurent les plus touchées par ce phénomène, explique ce corps des forces de sécurité.

LES MOYENS UTILISÉS DIFFÈRENT

Les moyens utilisés dans le vol de véhicules différent d’une bande à l’autre, est-il noté dans l’analyse de la Gendarmerie nationale qui cite, parmi les ruses utilisées, celle d’attirer la victime, notamment les chauffeurs de taxi, les transporteurs clandestins ou les chauffeurs de bus de transport de voyageurs, pour les transporter vers un endroit choisi d’avance en contrepartie d’une somme d’argent alléchante et suivant un plan étudié.

Les victimes sont orientées vers des routes secondaires pour être agressées et dépossédées de leur véhicule. Cette ruse est utilisée lors de déplacement d’une wilaya à une autre, notamment au niveau des gares routières et stations de taxi.

Il est également rapporté dans cette étude que les agresseurs cernent la victime avec des véhicules l’obligeant de s’arrêter, pour ensuite l’agresser et lui prendre son véhicule, ou encore suivre de près le véhicule ciblé et au niveau d’un dos d’âne, le percuter par l’arrière pour obliger le conducteur à s’arrêter, et à sa descente, il est agressé et son véhicule volé.

Une autre ruse citée par la gendarmerie consiste à suivre la victime dans des endroits déserts pour être obligée de s’arrêter avant d’être agressée et son véhicule dérobé. Il y a également le vol du véhicule à l’endroit de son stationnement ou à son arrêt après que la victime eut été suivie.

La ruse consiste à calquer les clés du véhicule et à surveiller le propriétaire après l’obtention du numéro d’inscription. Le véhicule stationné est de cette façon facile à voler. Il suffit de faire croire au propriétaire du véhicule le désir d’achetet et choisir l’endroit de la rencontre. Le lieu connu d’avance, le propriétaire est agressé et le véhicule volé.

ATTIRER LES VICTIMES…PAR DES JEUNES FILLES

Attirer la victime en utilisant des jeunes filles qui fixent des rendez-vous en s’entendant avec le reste de la bande est une autre ruse citée par la Gendarmerie nationale dans son étude. Les victimes sont délestées de tous leurs biens.

Une autre méthode de vol consiste en l’entente entre les propriétaires et les bandes de voleurs pour escroquer les sociétés d’assurance, note par ailleurs l’étude. «Les propriétaires désossent leurs véhicules vendus sous forme de pièces détachées, puis avisent les sociétés d’assurance pour signaler le vol et obtenir des dédommagements», est-il expliqué. Les outils utilisés par ces bandes lors de ces agressions sont généralement les aérosols lacrymogènes, les armes blanches et parfois les armes à feu.

L’agression qui se fait par coups et blessures volontaires se termine parfois par la mort de la personne agressée. La falsification des documents des nouveaux véhicules (dont les dossiers de crédits bancaires) est une autre ruse utilisée dans le vol et le trafic de véhicules.

Les pièces détachées finissent chez les commerçants de déchets ferreux. Les réseaux de vol et trafic de véhicules ont deux objectifs, selon la Gendarmerie nationale.

Il s’agit d’inonder le marché par des pièces détachées récupérées, d’autant que les véhicules ciblés par les voleurs sont ceux dont les pièces détachées sont introuvables. Ils sont désossés dans des ateliers clandestins et leurs pièces vendues chèrement sur le marché. Mais il arrive aussi que les pièces détachées soient vendues à des prix bas aux commerçants de déchets ferreux, comme il ressort de l’étude de la GN.

UN TRAFIC À DEUX OPTIONS

Il existe en la matière deux sortes de trafic. Le premier concerne les documents et le deuxième est technique. Le trafic technique consiste à enlever la plaque d’immatriculation, couper, recouper et souder.

Cela concerne surtout les véhicules volés et destinés à la contrebande. Ainsi, effacer le numéro du châssis, inscrire à la place des numéros d’autres véhicules usagés et changer l’aile portant le numéro en question avant de la remonter minutieusement est un procédé utilisé dans le trafic technique. Introduire des changements techniques et mécaniques sans l’obtention d’une autorisation de la part des autorités concernées est un procédé opéré par les trafiquants, selon la gendarmerie.

Dans le trafic de véhicules, les services de la GN ont traité en 2010 plus de 484 affaires qui se sont soldées par l’arrestation de 817 personnes. En 2011, ce sont 505 affaires de trafic de véhicules qui furent traitées et 714 personnes impliquées ont été arrêtées, est-il noté. Le plus grand nombre d’affaires de trafic de documents a été enregistré en 2010 dans la wilaya de Tébessa, suivie d’El Tarf, Aïn Defla, Batna et Sidi Bel Abbès.

QUELLES MESURES DE LUTTE ?

Dans son analyse, la Gendarmerie nationale relève que les causes de la hausse du trafic de véhicules en Algérie et dans le monde s’explique par «la hausse de la criminalité organisée sous toutes ses formes dans le monde et en Algérie», et le «développement des moyens techniques utilisés avec l’apparition de réseaux spécialisés dans le trafic de véhicules.

Pour ce faire, la Gendarmerie nationale a pris certaines mesures pour lutter contre ce fléau, inspirée des procédés utilisés par les trafiquants et de l’expérience gagnée sur le terrain. Ainsi, pour réduire cette forme de criminalité organisée, les unités de la Gendarmerie nationale ont pris des mesures rigoureuses au niveau du territoire national pour mettre hors d’état de nuire des bandes spécialisées dans le vol de véhicules, en axant sur des études «annalistiques», qui ont conduit à préparer des fiches analytiques portant les points et endroits où sont commis les vols sur le réseau routier.

Il a été également décidé de mettre en place des services spéciaux dans le cadre de la police de la route et la surveillance du territoire suivant les données en exploitant la carte criminelle, exploiter rapidement les renseignements obtenus et coordonner efficacement avec les différentes unités et services concernés, le vaste déploiement des unités, de la Gendarmerie nationale à travers le territoire national pour lui permettre de jouer un rôle déterminant dans la répression du trafic de véhicules en identifiant les véhicules suspects qui entrent sur le territoire et suivre de manière permanente le parc automobile relevant du territoire de compétence pour s’assurer de leur régularité et de l’authenticité de leurs documents appuyés dans cette opération par les unités de la sécurité routière qui contrôlent, au quotidien, les véhicules lors des patrouilles.

De leur côté, les unités des gardes-frontières effectuent des patrouilles le long du tracé frontalier en vue d’intercepter les véhicules issus de la contrebande ou utilisés dans la contrebande.

Dans ce contexte, les services de la GN se sont déjà dotés de deux départements à l’Institut national de criminalité et de criminalistique (département de contrôle des véhicules et département des documents), chargés du contrôle des véhicules douteux qui se fait par des gendarmes techniciens, spécialistes. Ce département se charge du contrôle minutieux du véhicule avec toutes ses caractéristiques, internes et externes, comme première étape.

La deuxième étape consiste en un contrôle minutieux de la plaque du fabricant, du numéro de châssis et du moteur, en utilisant des analyses chimiques et en s’appuyant sur la banque de données en ce qui concerne tous les types de véhicules pour situer ce qui a été trafiqué dessus.

Le département du contrôle des documents se charge du contrôle minutieux des documents. La comparaison des documents trafiqués avec les documents initiaux permet de déterminer la méthode utilisée par les trafiquants. Ces mesures et analyses entreprises par ces deux départements permettent aux spécialistes d’établir un rapport technique d’évaluation scientifique sur le trafic utilisé.

SITUER LES ENDROITS ET LES MAGASINS DE VENTE DE PIÈCES DE RECHANGE ET LES ATELIERS MÉCANIQUES

La coordination se fait avec les administrations concernées pour faciliter l’opération entreprise et pour s’assurer des documents trafiqués. Aviser et lancer les recherches rapidement en cas de vol de documents et cachets administratifs est une autre option choisie par la GN dans la lutte contre le vol et le trafic de véhicules.

De même, intensifier le contrôle sur les vendeurs des pièces détachées d’occasion, où qu’ils se situent, tout comme les magasins et ateliers de mécanique. Renforcer le contrôle sur les marchés de vente de véhicules et les véhicules exposés à la vente, est également une décision prise par la gendarmerie.

Enfin, multiplier les patrouilles sur les axes routiers qui peuvent être empruntés par les criminels, dresser des barrages mobiles sur les axes routiers, renforcer le contrôle sur les magasins de fabrication et de reproduction de clés (chaque personne qui veut reproduire une clé doit présenter une carte grise), déclencher un plan de recherche urgent lorsqu’un vol se produit, par un contrôle permanent et un suivi minutieux des véhicules et leurs documents, coordonner l’action de recherche et d’enquête entre les unités de la Gendarmerie nationale et échanger les renseignements avec les autres organismes de sécurité.

Mounir Abi