Le verdict attendu aujourd’hui

Le verdict attendu aujourd’hui

Les Algériens seront attentifs aujourd’hui à ce qui se passe au tribunal administratif d’Alger, où le président Mohamed Dahmane devrait prononcer son verdict (décision administrative) dans le litige opposant le ministère de la communication au groupe de presse El-Khabar.

La plainte en référé déposée par le ministère de la Communication contre le groupe de presse El-Khabar en vue d’annuler, sinon geler, la transaction commerciale conclue avec la société Ness-Prod, filiale du groupe Cevital, a été examinée la semaine dernière et mise en délibéré par le tribunal administratif de Bir Mourad-Raïs.

En effet, après trois reports successifs à la demande de la partie plaignante, l’audience portant sur l’affaire opposant le ministère de la Communication au groupe de presse El-Khabar, laquelle a fait couler beaucoup d’encre, s’est finalement ouverte. Après les plaidoiries, l’affaire a été mise en délibéré et le président du tribunal, Mohamed Dahmane, a annoncé que le verdict serait rendu le 15 juin.

Le président en charge du dossier a demandé aux deux parties de désigner leurs représentants respectifs pour l’ouverture des plaidoiries.

A la reprise de l’audience mercredi dernier, Me Abdelkrim Feddag, avocat du président du conseil d’administration d’El-Khabar, dans sa réplique aux arguments avancés par la partie plaignante représentée par Me Nadjib Bitam, a battu en brèche l’exposé sur lequel s’est appuyé le ministère pour faire geler la transaction entre des actionnaires d’El-Khabar et la société Ness-Prod.

L’avocat en question a tout d’abord commencé par relever « la célérité avec laquelle le ministère de la Communication a réagi à la conclusion de la transaction pour se retrouver, en fin de parcours, à introduire des requêtes additives pour corriger des erreurs dans son argumentaire ».

Il a relevé ensuite que la plainte en référé visait, au départ, l’annulation de la transaction, avant que le ministère ne se ressaisisse et demande « le gel de la transaction et ses implications ».

Ce qui est, toujours selon l’avocat, un changement de demande qui n’est intervenu qu’après vérification de la nature du repreneur des actions de la SPA El-Khabar. L’avocat s’est appuyé sur l’article 15 dans son chapitre 4 du Code des procédures civile et administrative.

Celui-ci stipule qu’il est obligatoire de faire « mention de la forme, la dénomination et le siège social de la personne morale, ainsi que la qualité de son représentant légal ou conventionnel ».

Une chose que le ministère n’a pas fait à temps dans sa requête introductive d’instance. Il a aussi précisé que la transaction ne s’est pas conclue entre Issad Rebrab, patron de Cevital, et la SPA El-Khabar, mais entre des actionnaires de la SPA El-Khabar et la société Ness-Prod, filiale du groupe Cevital.

La réplique argumentée et didactique de l’avocat d’El-Khabar et de Ness-Prod n’a pas laissé d’issue à la partie plaignante. Tous les arguments avancés ont été vite rejetés, références juridiques à l’appui.

Ainsi, Me Feddag a relevé que le ministère n’est pas fondé pour se constituer dans ce procès et qu’il n’est pas légal que l’Exécutif se substitue à une autorité de régulation. « On ne peut annuler une loi organique avec une ordonnance ou un décret », a-t-il dit concernant « la substitution de l’Autorité de régulation de la presse écrite, prévue pourtant dans la loi organique relative à l’information de janvier 2012 par le ministère de la Communication ».

Il a souligné que la loi énonce clairement qu’une loi organique n’est annulée que par une loi de même nature. Ce que les juristes appellent le parallélisme des formes.

C’est sur l’ordonnance 11-216, qui fixe les attributions du ministère de la Communication, que l’avocat du département de Hamid Grine s’est appuyé pour expliquer le rôle du ministère dans cette affaire. Les avocats du groupe El-Khabar ont réagi, soulignant que la loi organique est venue bien après ce décret, en janvier 2012, ce qui rend ce même décret caduc.

« Le rôle d’un ministère est de proposer des textes d’application et non la substitution à une autorité », a ajouté l’avocat Me Feddag. De son côté, Me Khaled Berghel, qui a pris le relais de Me Feddag, a choisi d’attaquer sur le plan politique.

Il a débuté sa plaidoirie par un rappel du mouvement de soutien et de solidarité qu’expriment des bans entiers de la société à El-Khabar, avant de relever que des institutions de l’Etat « ne savent pas comment présenter des requêtes à la justice ».

« Le chef de l’Etat a institué cette Autorité de régulation pour, justement, protéger la presse des pressions », a-t-il dit, soulignant que ce mécanisme « est là pour empêcher le ministère d’agir de la sorte ».

« Le ministère et le gouvernement ont échoué dans l’application du programme du chef de l’Etat », a encore relevé Me Berghel, précisant que les membres de l’Exécutif doivent plutôt appliquer les lois et non procéder à en confectionner de nouvelles.

L’avocat du groupe de presse El-Khabar et de Ness-Prod n’a pas manqué d’attirer l’attention du juge sur « les approximations » du ministère de la Communication et de sa défense. Il s’est étonné que les avocats de la partie plaignante aient évoqué « une atteinte à l’ordre public » si cette transaction venait à se concrétiser. « Depuis quand une transaction commerciale est-elle une menace à l’ordre public ? », s’est-il interrogé, soulignant que, par ce procédé, « il (le pouvoir, ndlr) cherche à nous faire peur ! ».

Me Berghel n’a pas pris de gants dans sa réplique. Ni le ministre de la Communication et encore moins le Premier ministre n’ont échappé à ses critiques.

L’avocat reproche à Abdelmalek Sellal sa dernière déclaration sur l’affaire lors d’une réunion à l’ONDA, où il a souligné : « Le ministre de la Communication a été chargé par le gouvernement de mettre de l’ordre dans le secteur ».

Me Berghel, qui a ajouté que les dépassements de la part du ministère sont légion, a rappelé que « le premier responsable du secteur de l’information avait fait un parallèle absurde ». Pour l’avocat, « ce parallèle est dangereux et cette déclaration est une honte ».

L’avocat a ensuite mis en garde contre « la justice de la nuit ».

Pour sa part, Me Salim Ben Hamouda, qui s’est constitué au profit d’El-Khabar et de Ness-Prod, a relevé que « la demande du ministère pour geler la transaction et ses implications est un non-sens ».

Enumérant les implications de cette transaction, il a souligné qu’il s’agit de paiement de droits, d’impôts, de changement de responsables… Une chose à laquelle le ministère n’a pas pensé avant de se lancer dans cette bataille.

A relever que le commissaire d’Etat a interpellé, lors des plaidoiries, l’avocat du ministère sur sa demande. Il s’est interrogé sur les visées des différentes demandes du département de Grine. S’agit-il d’une demande d’annulation, de gel ou quoi ?