Le triomphe d’Aminatou Haïder

Le triomphe d’Aminatou Haïder

Mohammed VI capitule face à la condamnation internationale

“C’est un triomphe pour le droit international, les droits de l’Homme et la cause sahraouie”. C’est le cri victorieux poussé par Aminatou Haïder à la sortie de l’hôpital des îles Canaries, avant de s’envoler hier aux aurores, vers son pays, le Sahara occidental.

Victorieuse mais affaiblie, la militante de 42 ans y avait été admise la veille, à sa demande, après de violentes douleurs abdominales et des nausées. Le roi du Maroc a lâché, Aminatou Haïder, la Gandhi sahraouie, est à Al-Ayoune, capitale du Sahara occidental, après un mois de grève de la faim à l’aéroport de l’île espagnole. La militante sahraouie protestait contre le fait d’avoir été refoulée le 14 novembre, anniversaire de l’invasion annexion du Sahara occidental par son voisin du Nord (1975) par les autorités marocaines à l’aéroport de Al-Ayoune, en provenance des États-Unis où elle avait reçu un prix pour son action en faveur des droits de l’Homme. Et pas n’importe quel prix : le prix Robert-Kennedy, tout un symbole qui également implique l’administration américaine.

Ce qui est devenu rapidement “l’affaire Haïder” a donné lieu à un bras de fer entre la frêle sahraouie et le pouvoir marocain tout en s’invitant dans les chancelleries, y compris chez celles qui soutiennent ou tout simplement ont fermé les yeux sur les agissements du Maroc au Sahara occidental. Comme elle a montré la duplicité du gouvernement socialiste espagnol avec la monarchie marocaine. Madrid, aux yeux de l’ONU, toujours puissance administrante de son ancienne colonie le Sahara occidental, avait fui ses responsabilités alors que la gréviste de la faim était sur les Canaries, une autre colonie, Zapatero s’est contenté d’avouer son impuissance !

Heureusement que les autres pays occidentaux plus respectueux des droits de l’Homme ont réagi faisant pression, comme jamais, sur le Maroc. Le Parlement européen allait même mettre à exécution sa menace de voter une résolution condamnant le pays de Mohammed VI qui a obtenu de Bruxelles, voilà quelques années, un statut privilégié, plus élevé que celui d’associé. Le roi du Maroc, le dos au mur, est sauvé par le président français, Nicolas Sarkozy. Dans la nuit de vendredi, l’Élysée a publié un communiqué dans lequel il est fait état que le cas d’Aminatou a été évoqué lors de la rencontre entre Sarkozy et le ministre marocain des AE, Taïb Fassi-Fihri, le 15 décembre dernier, à Paris. Selon ce communiqué, le président français a alors exprimé le vœu que le Maroc remette son passeport à Aminatou Haïder à son arrivée sur le territoire du royaume.

Et, selon ce texte, le roi Mohammed VI s’est exécuté. Sarkozy sauve ainsi la face de son ami le roi qui pourra toujours dire qu’il a rendu service à la France dans le cadre du partenariat d’exception qui unit les deux pays amis, qu’il n’a pas réagi à la pression internationale, laquelle, d’une façon ou d’une autre, exprime bien l’élargissement de l’audience de la cause sahraouie. Le commentaire de la secrétaire d’État américaine, Hillary Clinton, est clair comme l’eau de roche. “J’ai été contente d’apprendre la décision du gouvernement marocain”, a dit Mme Clinton, rappelant que la militante sahraouie avait reçu le prix Robert-Kennedy pour les droits de l’Homme. La chef de la diplomatie américaine a souligné à l’intention des autorités marocaines, “l’urgence à trouver une solution permanente au conflit du Sahara occidental”. Mme Clinton rejoint la position de Ban-Ki-moon, le SG de l’Onu, lequel la semaine dernière avait pris fait et cause pour la militante sahraouie, annonçant une initiative pour reprendre les négociations sur le Sahara occidental.

Ce qui est différent de la position de Sarkozy, qui, lui, ne s’est pas empêché de rappeler son soutien au projet de Mohammed VI : l’autonomie dans la marocanité. Le Maroc considère que le Sahara occidental, ancienne colonie espagnole annexée en 1975, fait partie intégrante du royaume et propose une large autonomie sous sa souveraineté. Le Front Polisario lutte, en revanche, pour son indépendance et réclame un référendum d’autodétermination que l’ONU n’a pas réussi jusqu’ici à organiser.

Djamel Bouatta