Le « traité d’amitié » conclu entre la France et l’Algérie fait place au « Partenariat stratégique »; un concept lancé par le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, initié par le président Sarkozy et répercuté par François Hollande lors de sa récente tournée africaine, affirmant que « le temps de la Françafrique est révolu. Mourad Medelci, ministre des Affaires étrangères, a promis de répondre « incessamment » à son homologue français
Mourad Medelci n’a pas encore répondu aux dernières déclarations du ministre français des Affaires étrangères sur le « Traité d’amitié » entre les deux pays, enjoingnant l’Algérie à un « partenariat stratégique ». Mourad Medelci a en effet promis que sa réponse se ferait « incessamment » dans sa déclaration faite mardi dernier à Alger à l’occasion de la visite de son homologue égyptien M. Mohamed Kamel Amr.
Le « Traité d’amitié » scellé sous le Président Jacques Chirac en visite à Alger en 2003 et auquel les jeunes algérois réclamaient un visa en présence d’Abdelaziz Bouteflika, à Bab El Oued, l’ex-quartier « pied-noir » enseveli par les crues, a été conclu en 2005 au moment même où les relations entre la France et l’Algérie étaient fichées dans le passé, surchargées par le contentieux historique entre l’ancienne puissance coloniale qui ne veut pas entendre Alger exiger d’elle « la repentance » tout en s’évertuant, à glorifier « le colonialisme positif » par la loi du 24 février 2005 qui ne faisait que légaliser cette vision conquérante déjà inscrite dans les programmes scolaires français.
Le « Traité d’amitié » a été ainsi conclu, paradoxalement, dans cette « guerre des mémoires » amplifiée, faut-il le rappeler, à cette période du deuxième mandat d’Abdelaziz Bouteflika, par le spectre de « Hizb França » brandi par le FLN tirant à boulets rouges sur la communauté harkie, tout en faisant les yeux doux aux pieds noirs établis en France depuis 1962 auxquels des voyages touristiques sur la terre natale étaient organisés.
Ce « traité d’amitié fait de la France chirakienne une morale républicaine et de l’Algérie bouteflkienne une terre promise. Cette période est aussi celle des révélations sur la torture de l’armée française en Algérie qui a rempli les manchettes de journaux de témoignages des bourreaux et des victimes. Les aveux d’Aussaresses dont le livre a été importé en Algérie, le livre choc de la moudjahida Louisa Ighilahriz qui raconte pour la première fois les tortures qu’elle a subies, les témoignages recueillis par la journaliste du Monde, Florence Beaugé auprès d’Aussaresses et Bigeard…, feront, contre tout attente, la force ce « Traité d’amitié ».
Abdelaziz Bouteflika semblait se satisfaire de ce Traité qui, relevant plus du « subjectif » et du « passionnel » mais aussi, à certains égards, de mise à distance, permettait de maintenir les relations entre les deux pays sur le mode des « règlements de compte » d’autant que Abdelaziz Bouteflika glorifiait la concorde civile et la « repentance » des groupes armés du terrorisme islamiste. Cette même « repentance » exigée de la France sur son passé colonial qui devient le bouc-émissaire du pouvoir algérien face aux révoltes citoyennes, d’Octobre 88 jusqu’à celles de 2001, encore davantage par le fait qu’elle est déclenchée en Kabylie, n’est, pour Abdelaziz Bouteflika, qu’une opération d’allégeance à l’islamisme politique, orchestrée et planifiée dans un nationalisme ethno-religieux, en prévision de sa campagne électorale pour un troisième mandat.
Soumis ainsi aux fluctuations et aux fantômes de l’histoire coloniale, ce « Traité d’amitié » entre l’Algérie et la France ne sera pas celui signé en 1963 par le général De Gaulle et consacré par François Mitterrand entre la France et l’Allemagne, un accord qui n’a pas tardé à se transformer, entre les deux pays occidentaux, en « partenariat stratégique » dans le cadre de l’union européenne et de la zone euro accroissant davantage l’exclusion des pays émergents, comme l’Algérie, comme revenus à l’ère coloniale: chute des monnaies nationales, phénomène des harragas, sous-traitance économique. Abdelaziz Bouteflika en s’en tenant à ce « traité d’amitié » voulait-il la postérité de De Gaulle?
C’est avec l’arrivée au pouvoir du Président Nicholas Sarkozy que le concept de « partenariat stratégique » fait son apparition.
A l’ »amitié » qui ne donne pas à manger et est source de « passions » sans lendemain, le président Sarkozy préfère les affaires, le rentable. Et, du coup, l’ancienne puissance coloniale se débarrasse de ce vieux cliché » Traité d’amitié » qui rappelle les autres « traités d’amitié » entre les grandes puissances de l’Axe, ceux de l’ex-Union soviétique de l’ère communiste avant son effritement, pour mettre en avant le business qui ne pardonne pas, qui ne s’embarrasse pas de susceptibilités.
Et la France a tout à y gagner. Des marchés sont à prendre en Algérie qui s’enfonce chaque jour davantage dans la tutelle économique. Quatrième partenaire mondial (importateur) de la France, l’Algérie sera-t-elle un acteur de ce « partenariat stratégique »? Tandis que la France semble couper l’herbe sous les pieds à l’Algérie en matière de contentieux historique, par la récente reconnaissance officielle de la répression sanglante du 17 octobre 1961, entamée auparavant par le procès de Maurice Papon, l’Algérie campe dans le slogan passéiste, infructueux, circonstanciel et contradictoire.
Dans son discours de Dakar, lors de sa récente tournée africaine, le président François Hollande a affirmé que « le temps de la Françafrique est révolu » au moment même où la France soutient l’intervention armée africaine au Nord-Mali, mettant ainsi l’Algérie dans un embarras diplomatique. Et, c’est à la veille de la visite du président français en Algérie, que son ministre des Affaires étrangères a avancé ce concept de « partenariat stratégique » au lieu et place du sulfureux « traité d’amitié ». « Le partenariat stratégique est souhaité par Paris dans les domaines économique, éducatif, énergétique, pourquoi pas en matière militaire. » Et d’ajouter : « Nos amis algériens ne souhaitent pas qu’on entre dans ce type d’instrument juridique. Ils veulent un partenariat stratégique avec nous » Et le voyage de François Hollande ne sera pas une remontée au passé des enfumades de Bugeaud pour la mémoire de laquelle l’Algérie n’a rien fait de concret mais une prospection de ce « partenariat stratégique » sous l’enclume d’une démarche tout-à-fait opposée à celle de son homologue algérien en matière de lutte antiterroriste…
R.N