On a du pétrole mais pas d’idées pour le tourisme. Une boutade reprise par les responsables et les experts du secteur touristique qui s’accordent à dire qu’il n’y a pas eu de stratégie touristique depuis les années 70, malgré le potentiel énorme de l’Algérie. Avant-hier, M. Smaïl Mimoun, ministre du tourisme et de l’artisanat, a fait un constat critique de la situation du tourisme en Algérie.
Le ministre a en effet reconnu, devant les députés, que le secteur touristique pâtit de l’absence de traditions touristiques, d’une politique touristique. Avant lui, un haut responsable du tourisme avait déclaré que tous les semblants de politique touristique depuis l’indépendance oscillent entre le clair et obscur. Les ministères du tourisme ont toujours évolué en solitaire, dans une insularité criarde, sans aucune intersectorialité.
Enfin, chacun constate impuissamment, professionnels et consommateurs touristes, nationaux et étrangers, que le tourisme reste otage du sous-dimensionnement des mesures prises par les gouvernements successifs. Le ministre a expliqué que «le tourisme en Algérie souffre de plusieurs lacunes sur les plans qualité, prestations, conformité aux normes mondiales en vigueur, de l’hébergement, etc.». Depuis trois décennies, il n’y a eu que des velléités, des tentatives puériles ponctuelles et sporadiques, sans lendemain, selon les spécialistes du secteur. Ceux-ci affirment que depuis 1976, il a été mené une politique désastreuse à travers la Charte nationale, qui a accordé la priorité au tourisme interne privilégiant les nationaux au détriment du tourisme international, pourtant générateur de rentrées en devises. Cette crise du tourisme qui remonte aux années 70, d’après des experts qui sont unanimes à dire que sur le terrain, cela s’est traduite par la médiocrité des services pour les nationaux et la décroissance importante des étrangers qui se sont raréfiés depuis 1976. Donc, bien avant 1991, année du début de la décennie noire
. Les questions orales des parlementaires portaient effectivement sur les insuffisances du secteur. La réponse de Smaïl Mimoun indiquait que «seule la concrétisation d’un pôle touristique attractif et compétitif nécessite des efforts colossaux et soutenus afin de transformer les atouts touristiques, que recèle l’Algérie, en de véritables sites touristiques». A cet effet, il a précisé qu’un diagnostic détaillé a été établi en 2007, pour l’évaluation de l’activité touristique (2007-2010), donnant ainsi lieu à une stratégie de plan d’orientation et de développement touristique adopté par le gouvernement en 2008. D’autres plans d’orientation sont en cours d’élaboration au niveau de l’ensemble des wilayas tenant compte des spécificités touristiques de chacune.
Evoquant les capacités d’hébergement, il a annoncé que son ministère ambitionne d’encourager l’investissement et d’accompagner les investisseurs durant toutes les étapes de réalisation de l’entreprise touristique, rappelant la tenue, il y a deux semaines, d’une rencontre nationale qui a permis, dira-t-il, de recenser les problèmes et difficultés rencontrés par les investisseurs.
Le ministre a soutenu à ce propos, que son département «a donné son accord de principe à 523 projets en cours de réalisation avec une capacité d’accueil de 50 000 lits à un coût de 150 milliards de DA ».
«La formation fera, elle aussi, l’objet d’une révision en vue de la modernisation et de l’amélioration des prestations», a-t-il poursuivi. Quant à la publicité, le ministre du tourisme soulignera «le manque de communication touristique, appelant à la mise au point d’»un plan d’action professionnel» élaboré en fonction des caractéristiques du marché.
Un leurre nommé Tourisme d’affaires !
D’après les spécialistes, seul le tourisme d’affaires génère actuellement, en amont, des rentrées en devises assez appréciables mais qui, malheureusement, ressortent en grande partie en aval. Autrement dit, les entreprises algériennes privées ou étatiques sont importatrices dans leur majorité, d’hommes d’affaires étrangers qui, au cours de leurs visites, dépensent des devises dans les palaces algériens.
Ces dépenses sont évidemment incluses dans le montant des contrats de ventes de fournitures signés. Cela fait partie de ce que les spécialistes appellent les «comptes extérieurs du tourisme». Les autres promoteurs du tourisme privés se sustentent de ce procédé et acquièrent de la sorte une clientèle providentielle. A contrario, les recettes engendrées par les 10.000 touristes étrangers en moyenne reçus par an, en voyages organisés (Sud Algérien) ou dans le cadre du tourisme de mémoire (pieds noirs), sont insignifiants.
Ils ne couvrent même pas le montant des containeurs de bière importés annuellement pour la consommation des touristes. Boissons nécessaires au secteur touristique mais… Quand même ! D’après le ministre, l’Algérie a enregistré 1 million 900 mille touristes étrangers et nationaux résidant à l’étranger pour l’année 2010, dont 500 mille de différentes nationalités. Interrogé sur le premier bilan du tourisme saharien, le ministre a exprimé son optimisme quant au nombre de touristes ayant visité le Sud, et ce, tout en déclarant que ladite saison ne se terminera qu’en mois d’avril, période dans laquelle, a-t-il dit, nous pouvons établir le nombre exact. «Le tourisme réceptif c’est surtout au Sud et pour l’instant ça marche bien. Il faudra attendre le mois de mai pour faire le bilan «, a-t-il ajouté.