Le texte fixe la liste des marchandises soumises à autorisation de circuler : Un arrêté provoque des perturbations sur le marché

Le texte fixe la liste des marchandises soumises à autorisation de circuler : Un arrêté provoque des perturbations sur le marché

Ce texte vise en fait à atténuer un tant soit peu le trafic à grande échelle aux frontières mais, a contrario, il a engendré une baisse dans l’approvisionnement des marchés en produits alimentaires de large consommation et une hausse des prix.

L’autorisation préalable de circuler imposée par le gouvernement pour certains produits n’a pas été sans conséquence sur le marché national.

L’Union générale des commerçants et des artisans algériens (Ugcaa), aile de Salah Souileh, estime que l’arrêté ministériel du 31 décembre 2013 fixant la liste des marchandises soumises à autorisation de circuler, publié au Journal

officiel n°35, a provoqué des perturbations dans l’approvisionnement des marchés au niveau des régions frontalières. Ce texte vise à atténuer un tant soit peu le trafic à grande échelle aux frontières.

L’Algérie a voulu durcir la lutte contre la contrebande dans les zones frontalières. Sur cette liste, figurent donc les produits subventionnés comme le lait et ses dérivés, le lait pour enfants, les carburants, la semoule, les médicaments, les pâtes alimentaires, le couscous, les céréales, les huiles de table, le sucre, les légumes secs. L’arrêté soumet également à autorisation de circuler des animaux tels que les chameaux, les ovins et les bovins, les oiseaux, les eaux minérales, les biscuits, les jus de fruits, le tabac blond, le sel de table, les ciments, les pneumatiques, les tapis traditionnels, les cuisinières, les réfrigérateurs, le rond à béton, les plants de palmiers, les oignons…

Le texte signé par l’ex-ministre des Finances, Karim Djoudi, fixe aussi les quantités des marchandises dispensées de l’autorisation de circuler. Sinon, le transporteur doit détenir au préalable une autorisation. L’on peut citer les céréales dont la quantité est fixée à 100 kg, les sucres à 50 kg, les dattes à 25 kg, les jus de fruits à 200 litres, l’oignon à l’état frais ou réfrigéré à 100 kg… Ne sont pas concernés par cet arrêté “Les déplacements de marchandises réalisés à l’intérieur même des agglomérations du lieu de domicile des propriétaires, détenteurs ou revendeurs des marchandises, à l’exception des déplacements effectués dans les localités situées à proximité immédiate de la frontière”, stipule le texte.

Les déplacements des marchandises effectués “par les nomades pour les marchandises dont la nature et les quantités sont fixées par arrêté du wali territorialement compétent”, en sont également épargnés. Or, dès la mise en application de l’article 220 du code des douanes, l’UGCAA a reçu des plaintes de la part de ses structures en activité dans cette bande frontalière. Il y a été constaté ainsi, selon le communiqué de l’union, une “baisse dans l’approvisionnement des marchés en produits alimentaires de large consommation et une hausse des prix pratiqués”. Devant pareille situation, le SG de cette organisation a décidé de prendre attache avec de hauts responsables au sein du gouvernement.

Subventions : une des raisons du trafic aux frontières

Toutes ces préoccupations, le SG les a mentionnées dans une correspondance adressée au Premier ministre, Abdelmalek Sellal. Des missives ont été également envoyées aux ministres de l’Intérieur, des Finances, du Commerce et à la DG des Douanes. L’objectif recherché à travers tous ces contacts est de tenter de convaincre les autorités à réviser le texte en question et à ouvrir un débat “seule manière de donner de la crédibilité et de la force à une telle décision”, lit-on dans le communiqué rendu public par l’union. Si ce texte contribue effectivement dans la lutte contre le trafic frontalier, il ne peut cependant constituer une solution efficace.

Un problème d’une telle envergure ne peut être résolu avec la promulgation d’un simple arrêté. Car, faut-il le souligner, la majorité des produits qui traversent nos frontières de manière frauduleuse, est composée de ceux subventionnés par l’État. Ce sont des produits de première nécessité dont les prix sont intéressants pour les contrebandiers. Ces trafiquants achètent ces produits à un prix en Algérie et les revendent chez les voisins jusqu’à 5 fois plus cher, voire plus.

Un créneau juteux qui profite à tout un réseau bien organisé, installé des deux côtés de la frontière. Ainsi, les subventions des carburants ont, selon le Dr Abderrahmane Mebtoul, expert international en management stratégique, coûté 8,46 milliards de dollars, soit environ 650 milliards de dinars. Elles représentent annuellement, explique-t-il, une moyenne de près de 7% du produit intérieur brut (PIB). “Selon le ministère de l’Énergie et des Mines, le prix réel des carburants devrait osciller entre 60 et 80 DA le litre. Mais, conserver cette politique coûte de plus en plus cher.

En effet, ces dernières années, l’Algérie est devenue importatrice de carburants pour 3,5 milliards de dollars en 2013”, relève-t-il. Ce qui favorise davantage la contrebande aux frontières. La différence du prix à la pompe avec les pays voisins fait que de “grandes quantités de carburants traversent quotidiennement les frontières vers le Maroc et la Tunisie, sans compter les pays riverains du grand Sud”, déplore le Dr Mebtoul. Pour cet expert, la lutte efficace et durable pour limiter les trafics aux frontières “renvoie à l’urgence de remédier aux dysfonctionnements de l’économie algérienne, notamment à la distorsion des taux de changes par rapport aux pays voisins et à l’importance de la sphère informelle qui contrôle 40% de la masse monétaire en circulation et plus de 65% des segments de produits de première nécessité”, affirme-t-il.

L’appréhension d’Abderrahmane Mebtoul est que l’État n’aura pas les moyens de continuer à subventionner certains produits alimentaires au cas où le baril du Brent descendrait en dessous de 90 dollars ! Continuera-t-il à dépenser sans compter pour s’“offrir” une paix sociale grâce aux revenus des hydrocarbures ? Rien n’est moins sûr quand on sait que de nombreux spécialistes très au fait du secteur énergétique prévoient dans leurs différentes analyses, un amenuisement des gisements pétroliers en Algérie d’ici à 20 ou 30 ans et qui coïncidera avec une population algérienne avoisinant les 50 millions d’habitants… Face à une telle problématique, le Dr Mebtoul plaide pour la mise en place d’un organisme qui favorisera des subventions ciblées pour les produits.

B. K.