Jeudi 5 juillet 2012 est un jour particulier pour l’Algérie qui célébrera les cinquante ans d’indépendance après une longue nuit coloniale ponctuée de violences, d’exactions, d’humiliations et achevée par sept années d’une guerre qui a lissé pas moins de 1,5 millions de morts.
Un tel événement qui ne se produit qu’une seule fois dans l’histoire d’une nation mérite une célébration retentissante, histoire au moins de réveiller chez les algériens ces ressorts patriotiques distendus par les désillusions de l’indépendance.
Mais force est de constater (hélas !) et on ne sait pas pourquoi, les autorités ont décidé de faire dans la sobriété. Pas de parade militaire sur le front de mer comme autrefois. Pas non plus de gestes politiques forts. Tout juste des concerts de musique à travers tout le pays pour marquer cet anniversaire qui vaut bien plus que des opérettes de circonstances.
Mais la célébration, qu’elle qu’en soit le format choisi, ne doit pas nous empêcher d’avoir un regard dans le rétroviseur. Il est vrai qu’à l’échelle de l’histoire, 50 ans pour une nation, c’est « une goutte d’eau dans un océan » pour reprendre la métaphore de l’historien Mohamed El Korso. Mais 50 ans c’est assez suffisant pour un regard rétrospectif, voire un examen de conscience afin de mesurer le chemin parcouru avec ses hauts et ses bas, ses ombres et ses lumières, ses acquis et ses actes manqués.
La démesure serait de dire que rien n’a été fait au bout de cinquante ans. Ce serait dans ce cas faire preuve de nihilisme. Et les citoyens qui ont vécu la période coloniale, les seuls habilités à faire la comparaison, sont unanimes à dire qu’en cinquante ans la vie de l’Algérien a connu un changement qualitatif indiscutable. Pendant la colonisation, l’Algérien était un indigène, un citoyen du deuxième collège taillable et corvéable à merci.
Objectivement, « il n’y a pas photo » par rapport à la situation présente. Il ne s’agit pas de faire le listing exhaustif de tout ce qui a été entrepris depuis 1962 dans le sens d’un développement mais de noter à titre indicatif les efforts dans la scolarisation, la santé, le logment, l’emploi.
En revanche, tous les algériens convergent à dire que tout ce qui a été entrepris est loin d’être à la hauteur des ambitions portées par la Révolution et des espoirs nourris par l’indépendance. En 1970, l’Algérie était sensiblement au même niveau de développement que l’Espagne franquiste. Aujourd’hui, le décalage est tel qu’il serait même mal venu de faire une comparaison entre l’Algérie et l’Espagne, quand bien même ce pays est en proie à une grave crise financière.
A travers cette comparaison, c’est en fait le procès des modes de gouvernances et des hommes qui se sont succédés aux commandes du pays qui est fait. Car avec un autre système politique conjugué aux atouts du pays, le visage de l’Algérie de 2012 aurait été certainement beaucoup plus radieux que les mines renfrognées de nos jeunes qui ne pensent aujourd’hui qu’à mettre les voiles.
L’Algérie a été indépendante, mais les algériens ne sont pas libres ou pas assez, car confrontés depuis 50 ans à un autre genre de « colon » : le système politique qui s’est accaparé du pouvoir en 1962 à la suite d’un coup de force contre l’autorité légale de l’époque le GPRA. La légitimité révolutionnaire sur laquelle le pouvoir a fondé sa main mise sans partage est aujourd’hui parvenue à sa limite objective.
Il est temps pour ceux qui nous ont gouvernés de passer la main. L’Algérie de 2012, qu’ils ont certes contribué à libérer ne se reconnait plus en eux. Les deux tiers des jeunes qui constituent la population algérienne ont besoin de dirigeants qui leur ressemblent, qui partagent avec eux les mêmes repères. Place aux jeunes. Exit la légitimité révolutionnaire. Vivement la légitimité démocratique !