Le temps du monde fini, commence. par : Nacer Boudiaf

Le temps du monde fini, commence. par : Nacer Boudiaf

Les récents événements dans les pays voisins ont provoqué chez la jeunesse de ces pays et la jeunesse algérienne le réflexe d’Adam et d’Eve qui ne se sont rendu compte de leur nudité qu’après avoir croqué dans la pomme qui leur était interdite.

Ce message que Dieu nou…s transmet mérite d’être à la fois bien médité et transposé aux réalités de l’Algérie dont la jeunesse représente l’écrasante majorité.

La jeunesse algérienne a essayé de croquer dans la pomme interdite en octobre 1988, mais malheureusement les bourreaux de la liberté l’ont réprimée dans le sang.

Quatre ans plus tard, en 1992, Mohamed Boudiaf a été rappelé de son paisible exil et la jeunesse algérienne a croqué, avec lui, dans la pomme de l’espoir. Mais les bourreaux de l’espoir ne l’ont pas laissé finir ce qu’il envisageait pour la jeunesse algérienne. Ainsi, j’emprunte à Jean Paul Sartre son cri de colère quand il dit : « Je déteste les victimes quand elles respectent les bourreaux. »

Il me semble que la jeunesse algérienne n’a plus l’intention de respecter les bourreaux de la liberté et de l’espoir. Elle a choisi la date du 19 mars qui rappelle le cessez-le-feu avec le colonialisme, pour sortir et transmettre un message fort signifiant que les limites sont désormais atteintes.

Des changements profonds sont indispensables avant qu’il ne soit trop tard ; car comme le dit pertinemment Edmund Burk : « Un Etat qui n’a pas les moyens d’effectuer des changements, n’a pas les moyens de se maintenir ».

Des profondeurs de l’Inde, Mahatma Gandhi avait averti le colonialisme que : « Dès que quelqu’un comprend qu’il est contraire à sa dignité d’homme d’obéir à des lois injustes, aucune tyrannie ne peut l’asservir ».

De cette sagesse de l’âme de l’Inde, la plus grande démocratie du monde, il convient d’entendre qu’il il est temps, grandement temps, pour ceux qui gouvernent le pays et pas seulement à la présidence, d’admettre que le sang algérien qui a enfanté les Ben M’Hidi, Abbane, Boudiaf, Ben Boulaid, Didouche, Fatma Nsoumer, Hassiba ben Bouali, Malika Gaid et des milliers d’autres hommes et femmes de cette trempe, est un sang qui coule toujours dans les veines de la jeunesse algérienne.

Le temps du monde fini, commence. Telle est la loi de la nature. Une loi que les pions, les cavaliers, les tours, et les fous de la partie d’échecs algérienne font semblant de ne pas connaitre. La jeunesse algérienne a trop longtemps joué dans les cases noires du damier ; si on ne lui ouvre pas les cases blanches, elle renversera le damier.

Le but de la jeunesse algérienne est très clair ; elle voudrait vivre en Algérie avec cette réflexion d’Einstein quand il dit que : «L’Etat est notre serviteur et nous n’avons pas à en être les esclaves ». Nos grands-parents ont vécu l’esclavagisme sous le colonialisme. Nos parents se sont sacrifiés pour le remettre à sa place. Nous devons à notre tour nous sacrifier pour préparer un bien meilleur Etat pour nos enfants et restituer l’indépendance qui a été confisquée au peuple dès le 5 juillet 1962 dont la jeunesse algérienne souhaite fièrement fêter le cinquantième anniversaire en juillet 2012.

Nous avons longtemps entendu dire que l’Algérie n’est pas tel ou tel autre pays mais on évite subrepticement de nous préciser que nos dirigeants ne sont pas des Mandela.

L’indépendance a été confisquée ; l’Amazighité a été écartée ; l’école a été sinistrée, la religion a été travestie ; la famille a explosé ; les richesses ont été pillées ; la corruption a été généralisée voire banalisée ; la jeunesse est déroutée. Elle méconnait son histoire ; elle n’a pas de repère ; elle a pris la mer et abandonné sa terre.

Notre hôpital est un mouroir, notre maison un dortoir, notre enfance une balançoire, notre université un boudoir, notre administration un abattoir, notre rue un crachoir, notre justice un perchoir, l’homme un frottoir et la femme un sautoir ; la jeunesse sortira pour mettre fin à cette histoire.

Abbane victime d’un étranglement isolé, Boudiaf victime d’un acte isolé, les richesses du pays victimes de détournements isolés, l’indépendance confisquée par un Etat-major isolé pour aboutir à une jeunesse profondément désolée.

Non, il n’est pas trop tard. Un nouveau cahier de charge devra être conçu pour de nouveaux et réels Partis politiques afin d’écarter les Partis clé en main. Une commission devra être confiée à l’élite de nos juristes pour une Constitution qui permettra de renouer avec la République Algérienne, celle dont rêve la jeunesse.

Enfin, il me semble opportun de conclure cette modeste contribution par ce paragraphe tiré de la conclusion de : « Où va l’Algérie ? », écrit par mon père en 1963 et qui reste d’une actualité brulante. En effet il dit : « En dénonçant la corruption, et les scandales, en organisant des manifestations autour de mots d’ordre précis, le bouillonnement qui agite les masses algériennes prendra forme, acquerra un sens politique et donnera naissance à un mouvement puissant que n’arrêteront ni les menaces ni la répression que semble préparer le système actuel. » Dont acte .

Nacer Boudiaf

Le 11 mars 2011.

Envoyés Spéciaux Algériens