Le Tassili II a accosté dans la soirée de jeudi le port d’Alger avec à son bord 1300 passagers dont 519 Algériens en provenance de Libye.
Il était 19 h 15 lorsque le car-ferry arrima au port d’Alger. C’est la délivrance pour ces rapatriés de Benghazi et de Tripoli dont 773 Sahraouis, 8 Américains (une mère et ses 7 enfants), 5 Marocains, 6 Libyens et 1 Tunisien. Ils ont regagné l’Algérie après 12 jours de cauchemar. En apercevant la baie, les passagers se sont regroupés sur le pont supérieur du navire en déployant des drapeaux algériens tout en rendant hommage au président de la République et en scandant « One, Two, Three, Viva l’Algérie ».
«On a fait notre devoir », lance sans un brin de fierté le commandant du navire, Djamel Malki. «A Benghazi où nous sommes restés 3 heures, 315 Algériens et 7 Marocains et Tunisiens ont été embarqués. Le reste des passagers a été accueilli à bord au port de Tripoli. Dans ce port, nous n’avons pas rencontré de problèmes et la sécurité a été garantie mais c’était plus compliqué car les passagers ont été plus nombreux», raconte l’officier qui témoigne de la situation déplorable de bon nombre de personnes en quête d’une aide pour quitter la Libye à l’image «des Asiatiques qui dormaient à même le sol».
A leur arrivée, les ressortissants algériens et étrangers ont bénéficié d’aide et assistance de la part des équipes des ministères des Affaires étrangères, de l’Intérieur, de la Santé et de la Solidarité. Mme Belmiloud, directrice de l’action sociale d’Alger (DAS) et son groupe se sont déployés dans le hall d’accueil. «On a programmé des bus pour l’ensemble des passagers du Tassili afin de les acheminer vers leurs régions respectives.
Une équipe a été même dépêchée à la gare routière», précise-t-elle en tendant un cadeau à un enfant venant de descendre du navire. Pour les 773 Sahraouis, en majorité des filles inscrites au niveau des CEM, des lycées et universités libyens, ils seront transportés par train vers Bechar où ils rejoindront ensuite les territoires libérés ou les camps de réfugiés de Tindouf. Du côté des passagers, le sentiment de délivrance est perceptible sur tous les visages. Mme Abassia Benghlima, 40 ans, établie à Tajoura (Tripoli) depuis 6 ans, exerçant dans une clinique privée, a exprimé sa joie de se retrouver au pays. «C’étaient 12 jours de cauchemar. A la maison, on dormait d’un œil tout en ayant à notre portée des bâtons pour nous défendre en cas d’attaque.» Même sentiment chez Arezki Djemmael, mécanicien dans une base pétrolière. «Dans notre base où il y avait 3000 travailleurs, il n’en restait que trois personnes et moi. J’ai alors éteint le groupe électrogène et je suis parti», résume-t-il ému, avant de souffler : «Je suis soulagé de retourner en Algérie».
UNE BATTERIE DE DCA FACE À LA MAISON DE HALIMA
Halima, originaire de Sidi Bel Abbès, qui s’est établie au quartier Zaoui (Tripoli) depuis 16 ans, a vécu la guerre de près. Face à sa maison, les insurgés ont installé une batterie de DCA prête à cracher du feu au cas où l’aviation de Kadhafi survolerait les lieux. Et comme pour attiser ses angoisses, des citoyens en armes ou ethouars, comme on les appelle là-bas, avaient tous des armes en bandoulière. A cela s’ajoute la pénurie. «Il n’y avait pas de pain, les pharmacies avaient fermé. Ma fille de 9 mois se nourrissait de ce qu’on avait à la maison», explique-t-elle. Tout en se demandant se qui adviendra d’elle et de sa famille qui ne «dispose même pas d’une maison ici en Algérie». Derrière elle, Halima a laissé des membres de sa famille qui rentreront au pays «le temps de liquider quelques affaires». Elle se dit reconnaissante pour les efforts consentis par l’Algérie en faveur de ses ressortissants.
4000 ALGÉRIENS ENCORE EN LIBYE
Même scène de guerre et de pénurie évoquée par ce couple avec un enfant de 6 mois en provenance de la ville de Benghazi. «La situation dans cette ville est inquiétante. Les produits alimentaires commençaient à manquer notamment les produits laitiers et les médicaments», dira Mme F., originaire de Batna. «Depuis le début des évènements et la dégradation de la situation sécuritaire, 3800 ressortissants algériens ont été rapatriés à ce jour. On a procédé aussi à l’évacuation de plus de 2200 étrangers de 25 nationalités par voies terrestre, maritime et aérienne. Au total, ce sont 6000 Algériens et étrangers qui ont été évacués», indique le secrétaire d’Etat chargé de la Communauté nationale à l’étranger, Halim Benatallah qui a accueilli les passagers à leur descente du navire. Le Tassili II avait quitté samedi Alger à destination de Benghazi. Une délégation du ministère des Affaires étrangères, une mission médicale, des éléments de la Sûreté nationale et des journalistes étaient également du voyage.
Le coordinateur de la communauté algérienne dans la région Est de Libye, Kamel Derbal, a, de son côté, mis en exergue l’importance de cette initiative qui «est intervenue au bon moment pour faciliter le rapatriement des ressortissants algériens dans ces circonstances difficiles que traverse la Libye». Selon lui, quelque 4000 ressortissants algériens ont préféré rester en Libye et n’ont pas encore décidé de retourner au pays.