Le tabagisme en Algérie représente un “véritable problème de santé publique”

Le tabagisme en Algérie représente un “véritable problème de santé publique”

ALGER – Le tabagisme représente un « véritable problème de santé publique » en Algérie et provoque plus de 15.000 morts par an, soit une moyenne de 45 décès chaque jour, a mis en garde Mme Kaïd Nouara, professeur en économie de la santé et auteure de plusieurs publications sur les effets des fléaux sociaux.

Sur l’ensemble de ces décès, on dénombre environ 7.000 infarctus du myocarde, 4.000 cancers bronchiques et plus de 3.000 insuffisants respiratoires, a détaillé cette experte dans un entretien à l’APS.

« Le taux de prévalence du tabagisme dans la société algérienne était de 7,7% en 1978. En 20 ans, la consommation du tabac a triplé et passe à 20,6% en 1998. Cette augmentation évolue jusqu’à 2004 avec un taux de prévalence de 28,6%, puis passe à 27,2% en 2009. En 2018, l’OMS estime que la prévalence du tabagisme en Algérie a baissé et passe à 20% dans la population totale », a précisé l’experte qui s’apprête à publier un livre sur le tabagisme en Algérie.

Pour situer l’ampleur de ce phénomène, elle a noté qu’avec les changements de mode de vie, notamment le développement des comportements à risque, en l’occurrence le tabagisme chez les jeunes, « les maladies chroniques et non transmissibles occupent une place de plus en plus importante dans le profil épidémiologique et représentent actuellement un problème majeur de santé publique ».

« Ainsi, a-t-elle expliqué, les maladies cardiovasculaires, les cancers, les affections respiratoires chroniques et les maladies métaboliques constituent une cause importante de morbidité, de mortalité et d’invalidité et pèsent lourdement sur le système de santé algérien ».

En 2014, les données du ministère de la Santé indiquaient que 70 % des cancers de la trachée, des bronches et du poumon, 42% des cancers de la bouche et de l’oropharynx, 42 % des cancers de l’£sophage, 28 % des cancers de la vessie et 22% des cancers du pancréas sont liés au tabac. En outre, 90% des cancers du poumon surviennent chez les fumeurs en Algérie, a-t-elle observé.

Le tabagisme, comme facteur seul et/ou associé, est compté parmi les facteurs à l’origine des maladies cardiovasculaires en Algérie. A cause du tabagisme, ces dernières années, ces maladies sont en nette augmentation chez les jeunes en Algérie, a déploré l’experte.

De plus, 500.000 fumeurs passifs sont victimes de pathologies respiratoires chroniques.

Selon une étude réalisée en 2015 et citée par l’experte, le tabagisme « affecte sensiblement la population vulnérable en affaiblissant le pouvoir d’achat des fumeurs et de leurs familles, en amoindrissant leur épargne familiale ou carrément en contribuant à leur paupérisation ».

A cause du tabagisme, des familles ne se permettent pas une meilleure alimentation, dont certains membres sont privés du panier alimentaire de base. D’autres familles auraient pu faire mieux pour protéger la santé de leurs enfants et investir dans leur éducation, nourriture, vêtement, etc.

Par ailleurs, les fumeurs malades supportent des coûts extrêmement élevés dus à leur maladie. Les paiements directs des soins des maladies imputables au tabagisme sont exorbitants pour les malades pauvres et appauvrissent davantage les plus défavorisés, selon le constat établi dans cette étude.

Les employeurs assument également des coûts directs et indirects engendrés par le tabagisme de leurs employés: absentéisme et baisse de productivité à cause de maladie.

Selon la même étude, le traitement du cancer des poumons dû au tabagisme en Algérie coûterait quelque 272 milliards DA pour le système de santé national chaque année.

Consciente des dangers que représente le tabagisme pour la santé publique et de ses répercussions économiques, l’Algérie a ratifié, il y a 12 ans, la Convention-Cadre de Lutte Anti Tabac (CCLAT OMS), à travers laquelle les pays signataires sont tenus d’appliquer, dans la mesure du possible et selon les capacités techniques, humaines et financières, un programme comportant six stratégies.