La précarité sociale et économique, le déséquilibre psychique, le manque de confiance en soi, le désespoir, les chagrins d’amour sont, entre autres, les facteurs qui conduisent parfois à l’irréparable. Le nombre de suicides et de tentatives de suicide augmente d’année en année et les observateurs ont déjà tiré la sonnette d’alarme sur ce phénomène social.
Les jeunes chômeurs sont plus enclins à mettre fin à leur vie et les femmes sont plus tentées alors que pour les hommes, le coup est fatal. Ce phénomène social nécessite une prise en charge, selon les sociologues et les médecins légistes. L’écoute est la première mesure à prendre.
Les femmes sont beaucoup plus nombreuses à faire des tentatives de suicide par rapport aux hommes qui passent directement à l’acte. C’est ce qui ressort d’un rapport de la Gendarmerie nationale sur le suicide pour l’année 2012. Le phénomène a enregistré une baisse par rapport à l’année 2011 avec 9 cas en moins, mais les chiffres restent, toutefois, alarmants : 321 personnes sont passées à l’acte en une année dont 86 femmes. Les suicidés sont en majorité âgés de 18 à 30 ans, généralement sans travail. Les causes demeurent souvent mystérieuses ou insondables. Par contre, les méthodes de suicide sont multiples : arme à feu, pendaison, absorption de produits caustiques et immolation par le feu.
Des personnes fragiles…

Une étude effectuée en 2012 par la division de la police judiciaire au niveau du commandement de la Gendarmerie nationale sur le suicide a fait ressortir que les tentatives de suicide ont été beaucoup plus nombreuses que les suicides. En effet, les unités de la GN ont recensé 826 tentatives dont 449 chez les femmes et 377 pour les hommes. Pourquoi les femmes sont-elles plus nombreuses à tenter de se suicider ? Les enquêteurs de la GN expliquent que les tentatives de suicide sont un signe de détresse. « La majorité des femmes n’ont pas une envie réelle de mourir.
Elles font des tentatives pour lancer un appel, un SOS », souligne le rapport. S’agissant du profil des suicidés, le document souligne que ces derniers souffrent d’un manque de confiance en eux-mêmes et présentent des difficultés de contact et de communication au sein de leur milieu familial en premier lieu. « Ils sont fragiles et agissent par violence sur leur propre personne », précise le rapport.
Le plus grand nombre de suicidés a été enregistré chez les célibataires (199 cas) et 561 tentatives mais les personnes mariées, surtout de sexe féminin, ne sont pas à l’abri avec 122 femmes suicidées et 561 tentatives. Concernant la tranche d’âge, le rapport indique que les mineurs sont les plus concernés.
Ainsi, 53 mineurs, dont des élèves, ont mis fin à leur vie, 156 ont tenté de mettre fin à leur vie à cause de conflits au sein de la famille, la maltraitance, la démission des parents et l’échec scolaire. Les jeunes âgés de 18 à 30 ans viennent en tête des suicidés avec 133 cas contre 412 tentatives.
Toutefois, 62 personnes âgées de plus de 45 ans ont mis fin à leurs jours et 54 ont échoué dans leur tentative. Pour ce qui est des raisons menant au suicide, l’étude effectuée par la GN montre que le phénomène touche particulièrement les couches défavorisées. Les maladies mentales sont généralement la cause directe du suicide avec 61 cas. Le rapport enregistre, cependant, 46 cas de suicide dus à des dépressions nerveuses, 56 à des problèmes familiaux, 20 liés aux problèmes sociaux, 10 cas au désespoir et un seul cas en raison d’un problème financier. S’agissant des tentatives de suicide, les problèmes familiaux restent les principales causes avec 370 tentatives, contre 113 tentatives pour des problèmes sociaux, 64 pour dépression nerveuse et 32 dus à des maladies mentales.
Par contre, 16 tentatives ont été constatées à cause de problèmes financiers et 179 pour diverses raisons inconnues d’autant que, dans la plupart des cas, les familles des suicidés préfèrent opter pour le silence. Selon le rapport de la DPJ, les chômeurs arrivent en tête du classement du nombre de suicidés avec 194 cas et 570 tentatives de suicide. Concernant la profession, parmi les suicidés, l’on dénombre 10 fonctionnaires, 17 agriculteurs, 4 commerçants et 3 enseignants alors que 93 autres exercent des professions diverses.
Pour ce qui est des tentatives de suicide, les fonctionnaires viennent après les chômeurs avec 78 cas, suivis de 2 enseignants et 16 fellahs. 10 commerçants aussi ont tenté de mettre fin à leurs jours à cause d’un problème financier. Les gendarmes ont enregistré également 150 tentatives pour des raisons non déterminées.
La Kabylie en tête, aucun suicide au Sud
La répartition géographique des suicides fait ressortir que la Kabylie demeure la région la plus touchée par ce phénomène social. Les chiffres le confirment : 24 cas ont été enregistrés dans la wilaya de Béjaïa durant l’année 2012, suivie de Tizi Ouzou (23 cas) et Bouira (14). Par ailleurs, la wilaya de Batna arrive en première position au niveau de l’est du pays avec 21 cas, suivie de Sétif (16) et Mascara (16).
La capitale a enregistré 4 cas de suicide avec une baisse sensible (les suicidés sont tous de sexe masculin). Le rapport fait également ressortir que les wilayas du Sud restent à l’abri du phénomène, à l’exception de Bechar qui a enregistré 3 tentatives. Pour ce qui est des tentatives de suicide, la wilaya de Mascara est classée première avec 50 cas, suivie de Batna (44), Tébessa et Tiaret avec respectivement 39 et 37 cas. Concernant les modes de suicide, la pendaison vient en premier avec 173 cas, la consommation de produits chimiques (37), coupure des veines (10), saut dans le vide (30), 19 cas par arme à feu. Dans ce contexte, la gendarmerie appelle à multiplier les campagnes de sensibilisation et à élaborer une stratégie avec tous les services de sécurité et les institutions concernées.
Neïla B.