Le spectre de l’abstention rameute la clientèle traditionnelle du régime appelée à la rescousse pour tenter de sauver les meubles. Mais cette clientèle s’y prend tellement mal que cela risque de provoquer le contraire de l’effet escompté par le gouvernement.
Le contexte économico-social difficile dans lequel interviennent les prochaines élections législatives renvoie, de nouveau, sur le devant de la scène la problématique de l’abstention, qui semble devenir de plus en plus une hantise des gouvernants et d’une partie de la classe politique.
Déjà en temps normal, le scrutin législatif a toujours été marqué par des taux d’abstention record comme ce fut le cas en 2007, où la participation n’avait pas excédé les 35% avec en prime un million de votants ayant déposé des bulletins nuls, ou en 2012 (42,9% de participation). L’engrenage de la crise financière dans lequel le pays commence peu à peu à s’engouffrer avec tout ce que cela charrie comme mesures impopulaires, un taux d’inflation pesant et une augmentation généralisée des prix suscite, à l’évidence, une peur bleue chez les autorités qui redoutent une désaffection des électeurs pour ce rendez-vous électoral. Et c’est, vraisemblablement, ce spectre de l’abstention qui rameute la clientèle traditionnelle du régime appelée à la rescousse pour tenter de sauver les meubles.
Mais comme à l’accoutumée, cette clientèle s’y prend tellement mal que cela risque de provoquer le contraire de l’effet escompté par le gouvernement. Les sorties médiatiques de certains personnages connus pour toujours caresser dans le sens du poil ont donné lieu à des écarts inacceptables surtout venant d’hommes politiques ou de personnalités nationales. Ainsi, le secrétaire général de l’Alliance nationale républicaine (ANR), Belkacem Sahli, est allé, dans une déclaration pour le moins surprenante, jusqu’à faire l’éloge de la fraude électorale en estimant qu’“il vaut mieux avoir une assemblée élue par la fraude ou une assemblée de coiffeuses que de ne pas en avoir du tout”.
Autrement dit, tous les moyens sont bons pour garder la main sur une Assemblée que l’on sait domptable à souhait, quitte à recourir aux moyens les plus condamnables sur le plan réglementaire et éthique. Avant lui, le président du Mouvement populaire algérien (MPA), Amara Benyounès, avait poussé le bouchon jusqu’à demander de rendre le vote obligatoire pour tenter de contrer l’abstention lors des rendez-vous électoraux. C’est dire que la question commence sérieusement à affoler les tenants du pouvoir.
Zahia Benarous, l’ancienne journaliste de la télévision et ex-sénatrice du tiers présidentiel, actuellement cadre du parti d’Amar Ghoul, Taj, dénie, dans une déclaration rapportée par un journal arabophone, à tout citoyen le droit de s’abstenir de voter, estimant que cela diminuait de leur citoyenneté.
Le responsable d’un microparti, totalement inconnu sur la scène politique jusque-là, a, lui, décidé de faire complètement dans la surenchère populiste, espérant, peut-être, à travers cette offre de service, tirer des dividendes à l’occasion des prochaines législatives.
À Bouira où il a animé le week-end dernier une rencontre avec quelques-uns de ses partisans, le SG du Parti de la voie authentique (PVA), Abderrahmane Sellam, pour ne pas le nommer, a qualifié, pince sans rire, l’appel au boycott lancé par certains partis politiques, de “trahison envers la nation et le peuple algérien”.
Incapable donc de développer un argumentaire pouvant convaincre sereinement les citoyens d’aller voter le 4 mai prochain, la masse de courtisans redouble d’imagination. Craignant sans doute, lui aussi, une désaffection des urnes, Hassan Aribi, le député du Front de la justice et du développement (FJD), candidat pour un autre mandat parlementaire, s’est, également, senti contraint d’abonder dans le même sens. En effet, selon le quotidien arabophone El Hayat, il aurait accusé tous ceux qui boycotteront les législatives du 4 mai de mécréants et d’intrus et serait même allé jusqu’à les qualifier de “semence sioniste et gaulliste dont la mission est de parasiter la mémoire du peuple”.
Et si son incursion ressemblait à un cheveu sur la soupe, la dernière sortie du ministre de la Communication, Hamid Grine, qui a adressé aux organes de presse deux circulaires relatives à la couverture médiatique des élections, a été interprétée par les observateurs comme un signe qui ne trompe pas sur cette hantise qui habite le pouvoir quant à une probable bouderie des électeurs à l’occasion de ce scrutin. Le ministre veut, en effet, tout simplement interdire aux médias de donner la parole aux partis boycotteurs des élections.
Mais pourquoi et au nom de quelle logique voudrait-on empêcher ces partis d’user de la parole publique pour exprimer, eux aussi, leur point de vue, si ce n’est cette conviction que les arguments de ces derniers passent mieux que ceux qui appellent à une participation massive à ce vote ?