L’option d’une intervention armée en Libye se précise. Le sommet de Paris vient d’entériner cette option. « Des frappes aériennes sont prévues juste après le sommet de Paris », avait indiqué auparavant une source diplomatique citée par des agences de presse.
« Ensemble, nous avons décidé d’assurer l’application de la résolution. » Tel est le verdict de la réunion d’urgence tenue hier à Paris, concernant une intervention militaire en Libye, à l’issue de laquelle le président français a exprimé la « totale détermination » de son pays et de ses alliés à « protéger la population civile de la folie meurtrière d’un régime ». Et d’ajouter que « la France est décidée à assumer son rôle devant l’Histoire », tout en annonçant que « nos forces aériennes s’opposeront à toute agression de tous les avions de Kadhafi contre les civils de Benghazi ».
La Belgique, elle, annonce une action militaire « dans les heures qui viennent sans préciser la forme ».
Des avions de chasse « Rafale » de l’armée française survolaient déjà le ciel libyen pour des missions de reconnaissance. Après la résolution de l’ONU de jeudi, prévoyant plusieurs actions de la communauté internationale, le débat pourrait porter aussi sur un éventuel partage de rôles entre la coalition qui est en cours de création pour des raids ciblés, et l’OTAN à qui pourrait revenir l’opération d’exclusion aérienne et le contrôle de l’embargo sur les armes. Le Premier ministre britannique David Cameron a estimé de son côté que « le temps était venu de passer à l’action en Libye », dans une interview à la télévision britannique réalisée à sa sortie du sommet à Paris. « C’est Kadhafi qui l’a voulu. Il a menti à la communauté internationale, il a promis un cessez-le-feu, il a rompu le cessez-le-feu.
Il continue de brutaliser son propre peuple. Il est donc temps de passer à l’action. C’est urgent », a déclaré le Premier ministre conservateur lors d’un bref entretien à la BBC et à SkyNews.
Le jeu trouble de Tripoli
Alors que les combats font rage à Benghazi, où un avion a été abattu hier matin, le régime de Kadhafi affirme respecter le cessez-le-feu.
Les insurgés eux, affirment de leur côté, que les forces fidèles au colonel ont bombardé la ville, faisant même 27 morts et plus de 40 blessés. Auparavant, la Libye a demandé au secrétaire général des Nations unies Ban Ki-moon l’envoi d’observateurs étrangers, après le cessez-le-feu décrété vendredi dernier par les autorités de Tripoli, a indiqué hier le ministre libyen des Affaires étrangères, Moussa Koussa. « Nous avons annoncé un cessez-le-feu, preuve que la Libye a répondu positivement aux décisions de l’ONU », a déclaré M. Moussa lors d’une conférence de presse à Tripoli. « Et pour prouver notre crédibilité, nous avons demandé au secrétaire général de l’ONU l’envoi d’observateurs internationaux », a-t-il ajouté.
« Nous avons aussi souligné notre engagement de respecter la résolution 1973 de l’ONU dans des messages adressés au secrétaire général de l’ONU et aux membres du Conseil de sécurité ». « Ainsi, la Libye a rempli tous ses engagements envers la communauté internationale », a poursuivi M. Koussa.
En parallèle, les forces loyales à Mouammar Kadhafi tirent à l’arme lourde contre des quartiers résidentiels proches de Benghazi, le bastion des rebelles dans l’est de la Libye. Des milices pro-Kadhafi, selon ce témoin contacté par téléphone par l’AFP à Benghazi, tirent à l’arme lourde sur des quartiers résidentiels.
Elles ont l’ordre de tirer indistinctement. Ce qui se passe est un massacre. Un témoin a confirmé que les quartiers ouest de Benghazi « ont été pilonnés par les forces de Kadhafi. Seuls les chars des insurgés sont présents dans le centre de Benghazi, mais les miliciens sont visibles dans plusieurs quartiers ». Selon des sources rebelles, l’artillerie et les chars ont tiré contre les quartiers ouest, et certains des obus ont touché le centre de la ville, principalement la rue principale Gamal Abdel Nasser. De violents accrochages ont eu lieu notamment à Foweihat, à 5 km du centre, entre les insurgés et des forces de Kadhafi « qui tiraient depuis des véhicules et lançaient des grenades ».
Les mises en garde de Kadhafi
La France a convoqué hier un sommet international à Paris pour décider de possibles frappes aériennes. Face à cette brusque accélération diplomatique après des semaines de division et d’atermoiement, Mouammar Kadhafi a lancé une mise en garde, estimant que la résolution de l’ONU, adoptée jeudi soir et exigeant un cessez-le-feu immédiat, était injustifiée et constituait un « colonialisme flagrant ». « Il s’agit d’un colonialisme flagrant. (Cette résolution) est injustifiée.
Il y aura des conséquences importantes en Méditerranée et en Europe », a-t-il déclaré, selon la chaîne de télévision Al Jazeera. La France s’est dit prête vendredi à agir militairement.
La Grande-Bretagne va pour sa part déployer des moyens aériens en vue d’une intervention. L’Italie a proposé que Naples serve de centre de coordination. Quant au Canada, le Danemark et la Norvège, ils envisagent de fournir des avions. Les Emirats arabes unis et le Qatar ont informé la France et la Grande-Bretagne qu’ils participeraient aux opérations. Au lendemain du vote à New-York, Tripoli a annoncé un cessez-le-feu et a demandé à la Chine, l’Allemagne, Malte et la Turquie, d’envoyer des observateurs pour constater son application.
L’Allemagne a aussitôt rejeté cette invitation estimant que seules les Nations unies étaient habilitées à le faire. Malgré l’annonce en milieu de journée, par Tripoli, d’un cessez-le-feu unilatéral, les forces loyales à Kadhafi continuaient de marcher sur Benghazi, fief de l’insurrection dans l’est de la Libye, vendredi soir, selon un membre du Conseil national de sécurité américain.
La présence de forces gouvernementales aux abords de Benghazi ne viole pas les termes du cessez-le-feu et l’armée n’entend pas attaquer la place forte des insurgés, a assuré le vice-ministre libyen des Affaires étrangères.
« Le cessez-le-feu veut dire aucune opération militaire, petite ou grande. L’autre point est que des forces armées sont maintenant devant Benghazi et n’ont pas l’intention d’entrer dans la ville », a déclaré Khaled Kaim.