Le discours islamiste peut déboucher sur des déviations qui ne sont ni dans l’intérêt du projet politique ni dans l’intérêt de la religion qui est en danger”, a-t-il asséné.
Le discours politique à référence islamique est farci d’amalgames et d’imprécisions. C’est là le point de vue défendu bec et ongles par le sociologue Zoubir Arous lors d’une conférence-débat animée avec l’ancien député d’Ennahda, Largab Khodja, et organisé mardi soir par le Front de l’Algérie nouvelle (FAN) au niveau de son siège national à Alger.
Un discours direct qui n’a pas laissé de susciter quelques grincements de dents auprès des militants du FAN, un parti d’obédience islamiste. “Parler de discours islamiste est très dangereux, il faut plutôt parler de discours politique à référent islamiste. Le discours islamiste peut déboucher sur des déviations qui ne sont ni dans l’intérêt du projet politique ni dans l’intérêt de la religion qui est en danger”, assène-t-il. Autre fléchette décochée à l’endroit des islamistes par le sociologue : la confusion faite autour de nombre de concepts comme le scientisme et l’Occident. “A-t-on défini le scientisme ? Non. il est fondé sur la raison. Or l’Islam n’est pas contre la raison”, a-t-il expliqué. “Quand on évoque l’Occident, parle-t-on des idées philosophiques humanistes ou de l’hégémonie de l’impérialisme et des pratiques au nom de certaines valeurs civilisationnelles ?”, s’est-il interrogé. “Parfois on se crée des ennemis sans le savoir”, a-t-il déploré, en rappelant l’engagement de beaucoup d’occidentaux en faveur de la cause palestinienne.
Selon M. Arous, le “discours islamiste” n’est pas porteur d’un projet de politique mais un projet de l’exercice de la politique. Pis, il est exclusiviste. En outre, ce discours ne peut pas dépasser une certaine limite notamment en matière de libertés. Et à M. Arous de citer la liberté de critiquer au sein d’une même religion en citant le lynchage de chiites au Caire par des sunnites.
De son point de vue, la position du discours islamiste vis-à-vis de la deuxième moitié de la société, les femmes, est à revoir en intégrant l’idée de l’égalité des sexes. Le sociologue a aussi trouvé à redire sur la position du “discours islamiste” vis-à-vis de la démocratie qui est, pour les tenants de ce courant, un simple instrument pour la conquête du pouvoir.
“De quelle démocratie parle-t-il ? De la démocratie technique qui lui permet d’arriver au pouvoir ou de la démocratie au sens large dans son acception philosophique ?”, s’est-il interrogé. “Le principe de la démocratie est la liberté totale de l’homme dans sa vie privée, à critiquer les lois et à juger les gouvernants”, a-t-il expliqué. “Le discours politique à référence islamiste doit assimiler qu’il n’est qu’une partie des visions qui travaillent en faveur du projet de l’homme épanoui dans un État de droit”, a-t-il ajouté.
Pour sa part, Largab Khodja, ancien député d’Ennahdha, a axé son intervention sur “la présence du texte religieux dans le discours islamiste dans le passé et aujourd’hui”.
De son étude de 40 textes écrits par les premiers dirigeants politiques musulmans comme Ali Abou Taleb, le gendre du prophète, il a constaté l’absence quasi-totale de références religieuses dans le discours politique. “Par le passé, le discours politique est humaniste et civil qu’aujourd’hui”, a-t-il remarqué. Le recours aux textes religieux dans le discours politique s’explique par trois raisons : nécessité de fortifier l’argument et de galvaniser les foules ; tentatives d’éloigner l’Islam de la vie politique, sociale et culturelle qui appellent des réactions et l’exclusion de courant par les régimes en place. N’empêche, la conviction de M. Khodja est que “dans le débat politique, il ne faut pas utiliser les textes religieux”.
A. C