Le silence troublant des “Forces du changement”

Le silence troublant des “Forces du changement”

Le fait n’a certainement pas échappé aux observateurs : les partis et personnalités regroupés au sein du conglomérat baptisé Forces du changement en faveur du choix du peuple se sont confinés dans un silence assourdissant face à l’affaire de l’emblème amazigh. Pas un traître mot de désapprobation quant à l’interdit qui vient de frapper un élément constitutif de l’identité algérienne pourtant reconnu officiellement par la Constitution algérienne.

Pas même une timide dénonciation de la mise sous mandat de dépôt de 19 jeunes dont le seul tort est d’avoir déployé l’emblème amazigh lors de la marche du vendredi 21 juin. Les juristes sont pourtant unanimes à dire que déployer un emblème autre que le drapeau national n’est en rien une infraction à la loi, encore moins “une atteinte à l’intégrité du territoire”. Pis encore, nombre d’acteurs ont vu dans cet interdit une énième tentative de semer les germes de la division dans la Révolution du sourire qui a frappé les esprits par sa longévité et l’unité de ses rangs.

Une tentative de division du mouvement d’ailleurs fortement dénoncée par les Algériens, pas seulement de Kabylie mais aussi à Alger et dans plusieurs autres villes du pays (Oran, Constantine, Annaba, Sétif, El-Oued, Naâma, Tamanrasset, Djelfa, Ouargla, Laghouat, etc.) en exprimant haut et fort leur rejet du régionalisme. Aussi, d’aucuns s’interrogent sur l’attitude inexplicable de personnalités politiques qui, depuis le 22 février, n’ont de cesse de réitérer leur soutien au hirak et à ses revendications tout en réclamant un changement démocratique en Algérie et une rupture avec les pratiques du passé. Un manque de cohérence entre la parole et l’action, de nature à les discréditer et à décrédibiliser leur démarche. Car, l’on ne peut pas, objectivement, se réclamer de la démocratie et se taire devant une quelconque atteinte aux libertés publiques et démocratiques.

Pourtant, les principales figures de ce conglomérat politique, que sont les “Forces du changement en faveur du choix du peuple”, Ali Benflis de Talaie El-Houriat (Avant-garde des libertés) et Abdallah Djaballah du Front de la justice et du développement (FJD) ou encore l’ancien diplomate Abdelaziz Rahabi, ont eu à s’exprimer dans la presse juste au lendemain de la marche du vendredi 21 juin en commentant l’actualité politique algérienne, notamment ce qu’il y aurait lieu de faire pour dépasser l’impasse actuelle, sans faire la moindre allusion à l’interdiction de l’emblème amazigh et à l’arrestation de manifestants. Un fait mineur, à leurs yeux ?

Un acquiescement non assumé à un déni identitaire qui ne dit pas son nom ? Si des acteurs de la mouvance islamiste comme Abdallah Djaballah et Abderrezak Makri, de par leur culture politique et leur filiation idéologique, peuvent être soupçonnés d’opposition même latente à tamazight, comme langue et culture, ce n’est pas le cas de l’ancien chef de gouvernement, Ali Benflis, ou de l’ancien ministre de la Communication, Abdelaziz Rahabi, qui ont toujours pris fait et cause pour une Algérie plurielle, et dont les convictions démocratiques ne sont pas, jusqu’ici du moins, prises en défaut.

Par quoi s’expliquerait alors leur silence ? S’agit-il, pour eux, de ne pas courroucer ou gêner le chef d’état-major de l’ANP, Ahmed Gaïd Salah, duquel, soupçonne-t-on, çà et là, ils se seraient rapprochés depuis quelque temps ? Une chose est sûre, les Algériens sont en droit d’attendre une explication de la part des “Forces du changement”, de certains de ses membres du moins.

Arab Chih