Plusieurs entrepreneurs et opérateurs spécialisés dans le secteur du bâtiment et des travaux publics, que nous avons rencontrés, nous ont fait part de leur difficulté à trouver de la main-d’œuvre qualifiée dans presque l’ensemble des corps d’état et plus particulièrement les maçons, carreleurs et plâtriers.
Pourtant, selon les données qui existent, le secteur de la formation professionnelle, depuis quelques années, a fait beaucoup d’effort en produisant sur le marché local beaucoup de jeunes qualifiés au secteur du bâtiment.
Il est vrai que le bâtiment a explosé ces dernières années, ce qui en gran de partie justifie le déficit engendré en matière de main-d’œuvre, mais même ces jeunes éléments qui ont décroché une formation de maçonnerie, une fois le diplôme en poche, continuent d’être désintéressés par ce secteur, grand demandeur de main-d’œuvre qualifiée.
Parmi ces nouveaux maçons, carreleurs, plâtriers, coffreurs, ferrailleurs, etc.. fraîchement arrivés sur le marché du travail, que nous avons questionnés sur ce manque d’attirance vers les chantiers du bâtiment, figure en première ligne, le fait qu’ils sont mal payés et surtout, exerçant au noir.

«Je n’ai pas envie de travailler pour des prunes, car j’ai déjà tenté l’expérience et j’en garde un amer souvenir et ce, tant qu’il y aura des patrons qui nous sous-payent et qui ne nous déclarent pas à la sécurité sociale», dira M. Hamid, 29 ans, maçon confirmé, qui travaille depuis à son propre compte en effectuant des petits travaux chez des particuliers.
Des métiers qui rapportent gros
D’autres disent préférer travailler chez les particuliers où ils gagnent mieux, à l’exemple d’un maçon ou carreleur qui pourrait facilement, disent-ils, gagner entre 1.500 et 2.500 DA par jour au lieu de 800 DA, en moyenne, dans un chantier BTP.
Alors que des milliers de jeunes algériens sont au chômage, beaucoup d’entreprises du bâtiment vivent une réelle pénurie de main-d’œuvre qualifiée, à tel point, que certaines n’hésitent à recourir à des ouvriers étrangers. Il faut savoir que le secteur du BTP emploie un peu plus de 15% de la population active en Algérie et que cela n’est pas une mince affaire pour combler cette défaillance, sachant que les métiers du bâtiment attirent peu de jeunes qui les trouvent pénibles et peu valorisants.
Pourtant, à la lumière de nos investigations menées sur le terrain, notamment chez des particuliers, ces métiers-là, côté rémunération, sont bien meilleurs que d’autres à l’exemple de ceux de la fonction publique à titre d’exemple. Un maçon peut toucher en moyenne entre 40.000 et 50.000 DA, par mois et c’est également valable pour le carreleur et autre plâtrier.
B. Brahim 58 ans, entrepreneur en bâtiment, fera la déclaration suivante : «Moi, j’ai commencé comme manœuvre il y a plus de trente ans et le métier je l’ai appris sur le tas. Aujourd’hui, j’ai une petite entreprise en bâtiment et pour ma part je n’ai pas de problème de main-d’œuvre qualifiée car je travaille avec la même équipe depuis plusieurs années déjà.
Je pense sincèrement que c’est la rétribution qu’on leur donne au niveau des nombreux chantiers qui poussent comme des champignons qui les font fuir. Ils sont bas par rapport à ce qu’ils peuvent toucher dans des chantiers de particuliers. Sinon, il est vrai que le travail de chantier est pénible, mais, il n’est pas moins valorisant qu’un autre métier».
Un marché de l’emploi qui reste à organiser
Pour B. Boualem, 72 ans, ancien artisan maçon, aujourd’hui à la retraite et qui active comme conseiller chez un promoteur immobilier, trouver de la main-d’œuvre qualifiée n’est pas chose aisée. «Je suis chargé d’effectuer les recrutements d’ouvriers et chaque matin par exemple des ouvriers se regroupent sur l’artère principale située entre Sidi Hasni et M’dina J’dida, attendant la venue d’un éventuel employeur.
La majorité de ces ouvriers, vient des régions rurales de l’intérieur du pays, car, à Oran il faut reconnaître que très peu de citadins effectuent ce boulot. Je leur explique les tâches qu’ils ont à faire et surtout la rémunération journalière. Une fois que l’on s’est entendu, je les embarque dans un camion pour les diriger sur chantiers».
Concernant K. Abdelkader, 46 ans, propriétaire d’une maison en construction, il fera la déclaration qui suit : «J’ai construit ma maison tout seul. Après les gros œuvres qui m’ont été réalisés par un artisan maçon qui a beaucoup d’expérience, j’ai entrepris d’effectuer les travaux de maçonnerie et de finition tout seul en confiant chaque lot à des maçons occasionnels.
Il faut dire que j’ai eu beaucoup de problèmes avec les nombreux maçons qui se sont succédé chez moi, au début, car je ne savais pas grand-chose à la construction. Mais, depuis deux années, j’ai appris un peu les ficelles du métier et en ce moment, j’emploie un maçon, un carreleur et un plâtrier que je paie au mètre carré.
Exemple, pour les travaux de maçonnerie (murs, etc…) je paie entre 120 et 150 DA le M2, pour la pose de dalles de sol (carreaux de sol en faïence), c’est entre 400 et 600 DA, selon la nature de la matière tout comme la faïence sur mur qui oscille entre 450 et 600 DA le M2.
Concernant le plâtre, le revêtement d’un mur tourne autour de 150 DA et 200 DA, alors que celui du plafond avoisine les 250 DA. Tout cela, je l’ai appris au fur et à mesure de l’avancement des travaux et je suis gagnant».
Quant à R. Abed, 38 ans, photographe habitant à Chteïbo, il a une tout autre idée sur ce métier et à ce propos, il dira : «Lorsque j’ai hérité de mes parents, que Dieu ait leur âme, j’ai entrepris de construire une petite maison sur le terrain que j’avais eu à Chteïbo.
J’ai rencontré tellement de difficultés avec les maçons et autres coffreurs et ferrailleurs, issus de la main-d’œuvre locale. J’ai alors décidé de faire appel à des maçons marocains. Il faut reconnaître que je ne l’ai pas regretté, car en plus du fait qu’ils travaillent très bien, ils ne rechignent jamais, une fois que vous vous êtes mis d’accord le premier jour.
Avec les précédents ouvriers, j’avais tout le temps des problèmes car, ils abandonnaient très souvent le chantier en réapparaissant comme bon leur semble. J’ai appris par la suite, qu’ils tenaient plusieurs chantiers en même temps et c’est pour cette raison qu’ils sautaient d’un endroit à un autre.
Quant à la qualité des travaux, il vaut mieux ne pas en parler». Pourtant, de par les alternatives qu’il possède en matière d’offres d’emploi, le secteur du bâtiment pourrait résorber une bonne partie du chômage des jeunes.
Malheureusement, pour l’instant ce n’est pas encore le cas et il faudrait espérer une meilleure prise de conscience de la part de ces milliers de jeunes qui ont une fausse idée de ces métiers que renferme le bâtiment.
B.B.Ahmed