Le secrétaire général du mouvement Ennahda est en colère. Et ce ne sont pas les raisons qui manquent, lui qui évoque une véritable campagne de dénigrement, un «complot » mené par des cercles loin d’être occultes via des médias qui leur sont «inféodés».
Une campagne qui ne vise pas que son propre mouvement, puisque elle cible la mouvance islamiste dans son ensemble, notamment son porte-étendard, l’Alliance de l’Algérie Verte. C’est ce qu’a affirmé Fateh Rebaï, hier vendredi, dans son allocution d’ouverture d’une session ordinaire du conseil consultatif du mouvement, lui qui a parlé d’une volonté de faire passer le courant islamiste dans sa globalité pour un courant d’obédience intégriste ou, plus grave encore, terroriste. Pour l’orateur, le dernier acte en date de cette stratégie diabolique, orchestrée via des médias bien précis, n’est autre que cette «accusation dénuée de tout fondement » quant à une prétendue candidature comme tête de liste du triumvirat islamiste à l’occasion des législatives du 10 mai dernier dans la wilaya d’Illizi, du cerveau du dernier attentat terroriste ayant ciblé le commandement régional de la Gendarmerie nationale à Ouargla. Et de relater sa version : «Le concerné, un certain Mohamed Azeoui qui devait d’ailleurs prendre part à la session du conseil consultatif du mouvement, qui est issu d’une famille bien connue et au militantisme au sein du mouvement tout aussi bien avéré, n’a jamais fait l’objet d’un quelconque rejet de la part de l’administration. » Le comble, dira-t-il, est que ni le journal en question ni la chaîne satellitaire éponyme n’ont daigné faire cas de la mise au point qui leur a été adressée, se réservant le droit d’ester en justice les deux supports médiatiques puisque, pour une fois, estimera-t-il, «nous ne nous contenterons pas de la simple condamnation de ce comportement médiatique extrémiste». Et parce que le pays vit au rythme de la célébration du 50e anniversaire du recouvrement de son indépendance, Rebaï n’a pas manqué de dresser le bilan, le sien, de ces 50 ans qui, s’il dira reconnaître des réalisations et bien d’autres acquis, désapprouvera néanmoins le mode d’emploi de ces festivités chèrement payées avec l’argent du contribuable. Ainsi, s’il trouve raisonnables les diverses facettes de célébration et de reconnaissance aux martyrs et autres moudjahidine pour leurs sacrifices, le SG d’Ennahda dénoncera et le caractère budgétivore des festivités et la nature de ces dernières faites, selon lui, de coûteux concerts de chants et de danses. Pour lui, «il aurait été beaucoup plus intéressant d’injecter ces faramineux budgets dans des actions de bienfaisance à l’endroit des franges pauvres et démunies de la société ou de financer des films qui transmettront aux futures générations les mémorables épopées de leurs aieux à même de leur inculquer le sens du sacrifice dont elles ont besoin pour construire leur avenir ». Un avenir qui, selon Rebaï, ne saurait se concevoir sans un bilan sans détour ni passion de ces 50 années d’indépendance. Et de lancer dans ce sillage des interrogations, de fausses interrogations car aux réponses négatives évidentes, pour lui, bien entendu. Le rêve des martyrs d’une République algérienne démocratique et sociale dans le cadre des principes islamiques, comme mentionné dans la déclaration du 1er Novembre 1954, s’est-il réalisé ? L’Algérie fait-elle partie du lot des pays développés comme ceux ayant acquis leur indépendnace en même temps ou au contraire à la traîne du peloton ? Comment est notre économie ? Qu’en est-il des libertés ? Vivons-nous dans la diversité et la démocratie ou au contraire subissons- nous une simple démocratie de façade ? Est-ce que la génération «tab djnanha» est prête à transmettre le flambeau aux générations post-indépendance, conformément à ce qu’a quièrent le multipartisme, la démocratie et l’alternance pacifique au pouvoir ? Et parce que ce sont de fausses questions, Rebaï a aussitôt entamé d’y répondre négativement. L’occasion pour lui de parler d’abord d’une économie fragile en proie à des secousses à tout instant, dépendante qu’elle est de la seule rente pétrolière, la corruption financière et administrative au point de menacer l’économie et les richesses nationales comme jamais auparavant. Ceci avant qu’il ne fasse le bilan politique de ces 50 ans d’indépendance, un bilan dont la halte du 10 mai dernier semble constituer pour lui le baromètre suffisant en ce sens que cette «mascarade », comme il qualifie les législatives de ce jour-là, continue à peser de tout son poids sur le double plan officiel et populaire. Et mettre le retard accusé dans la composition d’un nouveau gouvernement sur le compte d’«un caffouillage au sein des plus hauts centres de décision» et d’y voir «une perte de boussole en matière de maîtrise des événements». Poursuivant son réquisitoire, le SG d’Ennahda relèvera aussi la perte de confiance du citoyen en les institutions de l’Etat du fait, selon lui, du glissement dangereux vers l’illégitimité. D’où la nécessité pour lui de retrouver la légitimité populaire, inévitable, qui ne saurait se faire sans une nouvelle Constitution, la révision de la loi électorale et celle sur les partis avant l’organisation de véritables élections libres et transparentes.
M. K.