Le secrétaire d’état aux anciens combattants à la commémoration du 8 Mai 1945, En attendant la reconnaissance du crime colonial

Le secrétaire d’état aux anciens combattants à la commémoration du 8 Mai 1945, En attendant la reconnaissance du crime colonial
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Jean-Marc Todeschini

«Le nombre de victimes fait encore débat, soixante-dix ans après les faits», écrit le Conseil de Paris.

Annoncée par l’ambassade de France à Alger dans un communiqué, la visite du secrétaire d’Etat auprès du ministre français de la Défense, chargé des Anciens combattants et de la Mémoire, Jean-Marc Todeschini, est une nouveauté dans les relations entre la France et l’Algérie.

Cette initiative confère au premier déplacement d’un officiel français, une dimension hautement symbolique dans la mesure où ce sera «un geste mémoriel d’un membre du gouvernement français» et ce à Sétif même.

Todeschini qui sera reçu par les autorités algériennes, effectuera une visite au cimetière marin de Mers el Kébir et au cimetière militaire français du Petit-Lac d’Oran ainsi qu’au service des anciens combattants et victimes de guerre d’Alger, situé au Télemly, puis il déposera une gerbe au cimetière de Bologhine. Il achèvera le programme par la remise des insignes de la Légion d’honneur à six vétérans algériens de la Seconde Guerre mondiale.

Quel augure faut-il accorder à une visite aussi impromptue dans ses motivations que dans ses objectifs? Cinquante-trois ans après l’indépendance, l’Algérie attend toujours une condamnation officielle de 132 ans de colonialisme caractérisé par des exactions et des crimes répétés contre des populations entières, les massacres du 8 mai 1945 étant une des pages les plus sinistres.

Or, les signaux qui viennent de l’Elysée, qu’il soit dominé par la droite ou par la gauche, ne vont pas dans ce sens et un discours commence même à s’insérer dans l’inconscient collectif qui tente de convaincre que le devoir de mémoire doit être simultanément construit sur les deux rives de la Méditerranée. Avec le sous-entendu, d’un équilibre dans les reproches et dans les satisfecit.

Les souffrances du peuple algérien, depuis 1830, les enfumades, les ratonnades, les déportations massives dans les Dom Tom, les massacres et les nombreux charniers à travers le territoire national, tout cela n’est rien, pensent-ils, en comparaison de faits qui ont caractérisé les relations tumultueuses de la France avec l’Allemagne ou à l’égard de sa communauté hébraÏque.

Sans doute, l’influence de certaines forces nostalgiques de «l’Algérie française» dont le Front national est le porte-flambeau impacte-t-elle la gestion prudente du dossier par le président François Hollande. Il n’empêche que le Conseil de Paris a joint sa voix, cette semaine, à tous ceux et toutes celles qui exigent de l’Etat français la reconnaissance de ces crimes abominables. Il a interpellé le président Hollande, demandant que l’Etat français reconnaisse sa responsabilité totale dans les massacres intervenus au sortir d’une guerre mondiale à laquelle les soldats algériens avaient versé un lourd tribut.

«La Ville sollicite le secrétaire d’Etat aux Anciens combattants et à la Mémoire, et le président de la République pour la reconnaissance par l’Etat des massacres du 8 mai 1945 à Sétif, Guelma et Kherrata, et l’ouverture de toutes les archives relatives à ces terribles événements», a écrit le Conseil de Paris. «Le nombre de victimes fait encore débat, soixante-dix ans après les faits.

Le gouvernement algérien avance le nombre de 45.000 morts, et les travaux de la très grande majorité des historiens français attestent d’un bilan de dizaines de milliers de victimes arrêtées, torturées et exécutées sommairement», indique cet appel qui intervient quelques jours seulement après l’annonce de la présence à la cérémonie de commémoration, à Sétif, du secrétaire d’Etat français aux Anciens combattants et à la Mémoire, Jean-Marc Todeschini.

Ce dernier a, pour sa part, rappelé le caractère «inexcusable» de ces massacres, arguant qu’«aucune mémoire n’est oubliée, (et qu’) on est dans une mémoire apaisée». Mais l’apaisement ne saurait venir qu’avec la reconnaissance officielle du fait hideux de la colonisation dont l’Algérie a gravement pâti durant 132 ans. Le président Hollande pourra-t-il franchir le pas que Nicolas Sarkozy a refusé avec sarcasme? Il semble qu’on en est encore loin.