Un contingent de 430 accusés défilera devant les juges d’instruction
Après les scandales Khalifa Bank, BCIA, BNA…c’est au tour d’une autre défunte banque privée de passer à la barre, à savoir Union Bank. La 7e Chambre d’instruction du tribunal de Sidi Mhamed, relevant de la Cour d’Alger, aura du pain sur la planche.
Une pile d’une vingtaine de dossiers volumineux a atterri sur le bureau du juge d’instruction de cette instance, soit le fruit de 18 mois d’un travail de fourmi mené par la Section de recherche de la Gendarmerie nationale d’Alger.
Une pléiade de magistrat instructeurs spécialement formés devront éplucher, décortiquer, disséquer, compulser des centaines, voire des milliers de documents avec comme finalité reconstituer les puzzles d’une intrigue machiavélique qui a pompé plusieurs milliards de dinars de la tirelire des fonds publics de l’Algérie. L’information judiciaire ne fait que commencer.
Et le magistrat instructeur aura dans le même temps à auditionner 430 accusés, dont dix personnalités, révèle-t-on de source proche de ce dossier, qui précise que le président de la République Abdelaziz Bouteflika -veille personnellement- sur le déroulement de cette affaire, dans le sillage des grandes actions enclenchées par l’Etat pour la lutte contre la corruption, la fuite de capitaux et le blanchiment d’argent.
Les enquêteurs estiment que l’affaire d’Union Bank dépasserait de loin celle de Khalifa Bank en termes de préjudice financier. Ainsi, l’affaire de la première banque privée algérienne alors présidée par Brahim Hadjas, par ailleurs dissoute en 2004 sur instruction d’Ahmed Ouyahia, revient à la surface avec son lot de révélations, sachant que le nom de Hadjas avait déjà été cité dans le cadre de l’enquête du détournement du foncier à Bouchaoui.
Un dossier classé, certes, mais qui revient dans la chronologie des événements ayant émaillé la vie de cette institution financière.
Toutes les filiales de cette banque, au nombre de onze, sont concernées, en l’occurrence : Union Santé, Union Immobilier, Union Industrie, Union China-Trading, Union Aviation et Union Air Fret Service. Mais les enquêteurs focalisent sur Union Pêche. Cette dernière, censée importer du matériel de pêche, exerçait une toute autre activité.
Les enquêteurs, une fois arrivés au port de Mostaganem, ont découvert des métaux ferreux à la place du matériel déclaré comme étant celui de la pêche avant de pister les instigateurs sur une affaire qui s’apparente, désormais, à une vaste opération de blanchiment d’argent qui ne dit pas son nom.
Officiellement, et selon le dossier entre les mains du magistrat instructeur, ce sont 10 personnalités influentes qui sont directement impliquées, dont Brahim Hadjas, actuellement en fuite.
Selon les éléments de l’enquête, les autres individus ne sont pas encore convoqués par la justice tant que les enquêteurs explorent le maximum de renseignements et d’informations pour établir leur culpabilité avant de les mettre en cause. Et ce n’est pas fini ! Entre-temps, ce sont également 430 personnes qui seront, dans un futur proche, convoquées et auditionnées par la justice.
Ces individus sont, entre autres, mis en cause dans des opérations bancaires douteuses. Parmi eux, figurent ceux qui avaient bénéficié de crédits alors que le statut de ladite banque ne l’autorise pas, et ceux qui avaient fait des placements illégaux. Il y aussi le cas de ceux qui avaient contracté des crédits sans garantie et sans dossiers légaux. Selon nos sources, plus de 200 personnes sont impliquées dans ce seul chapitre.
Aussi, dévoile-t-on de même source, des dépôts ont été illégalement transférés dans des banques arabes établies à Paris, en France. La justice aura recours à des experts financiers pour évaluer le préjudice financier. Tant des sommes colossales et inestimables ont été placées, transférées et blanchies en outrepassant toutes les réglementations du marché de la monnaie.
Après El Khalifa Bank, avec un trou de 1,3 milliard de dollars, a été suivie, quelques mois plus tard, par celle de la Banque commerciale et industrielle d’Algérie (BCIA). On avait alors frisé la crise systémique. Fort de ses 98% de parts de marché, le secteur public n’a pas manifesté de solidarité à l’égard des jeunes banques privées.
Il a même aggravé leur situation en refusant de payer les chèques qu’elles émettaient et en rejetant leurs demandes de crédits. Résultat : crise de confiance chez les épargnants, retraits massifs d’argent et fermetures de comptes.
L’Union Bank, une banque d’affaires algérienne, créée en 1995, la doyenne des banques privées en Algérie, n’a pas pu échapper au séisme qui a secoué la place financière algérienne et dont les répliques se font de plus en plus sentir. A son tour, celle-ci a fait l’objet d’une décision judiciaire de liquidation.
La Banque d’Algérie avait adressé une note à plusieurs entreprises nationales publiques et privées- les avertissant- que l’Union Bank ne pouvait plus effectuer d’opérations de compensation.
Sonelgaz fut la première compagnie publique à instruire ses structures de ne plus accepter les chèques des clients domiciliés au niveau de l’Union Bank. Brahim Hadjas, lui-même, a reconnu alors que sa banque a été touchée par ce mouvement de désaffection de la clientèle.
Auparavant, Brahim Hadjas avait proposé une sortie de crise s’étalant sur neuf mois assortie d’un prêt auprès de la Banque d’Algérie pour rembourser ses clients et regagner leur confiance. Il avait demandé un prêt de 5 milliards de dinars. En contrepartie, il a engagé comme hypothèque les actifs du groupe pour le remboursement dudit prêt. Ce plan, semble-t-il, n’a pas eu de suite.
Première conséquence, la section commerciale du tribunal de sidi M’hamed prononce, le 14 octobre 2003, le règlement judiciaire de la banque. Un jugement qui fut rectifié le 18 novembre 2003, en autorisant la poursuite de l’exploitation de la banque avec la nomination d’un syndic-administrateur judiciaire.
Le même tribunal a autorisé, en février 2004, la prorogation de délai de la déclaration des créances et une date limite, le 14 mars à minuit. C’était là le premier pas vers la liquidation judiciaire.
Zaki Raouf