Le Salon d’Alger reporté : L’industrie automobile «made in bladi» rattrapée par la crise politique

Le Salon d’Alger reporté : L’industrie automobile «made in bladi» rattrapée par la crise politique

Juba Rachid

Après trois années d’absence, le Salon de l’automobile d’Alger devait effectuer son retour cette année, du 24 avril au 5 mai. Mais ce retour n’aura pas lieu, l’organisateur de cette manifestation, en l’occurrence la Safex, ayant fini par annoncer son report officiel, mercredi. Les événements que traverse le pays depuis plusieurs semaines rendant ce

type de rendez-vous inopportun.

«Comme suite à la demande des exposants au Salon international de l’automobile, prévu initialement du 24 avril au 5 mai 2019 au Palais des expositions des Pins-Maritimes d’Alger, la Safex annonce le report officiel de la 20e édition du Salon Auto Expo Algeria à une date ultérieure», a écrit la Safex sur son site web pour justifier ce report.

Cette décision était déjà dans l’air dès les premiers jours du mouvement de mobilisation populaire, partant du principe qu’en pareille situation de manque de visibilité, un salon automobile perd systématiquement sa raison d’être et risque de voir les stratégies marketing mises en place par les exposants butter sur un désintérêt du public qui n’a pas l’esprit à ce type d’événement.

Mais, bien plus que ces raisons d’ordre commercial et, éventuellement, sécuritaire, le retour du Salon de l’automobile d’Alger est devenu un projet réellement impossible à réaliser à partir de la semaine dernière avec l’ouverture, par le Parquet, d’enquêtes sur plusieurs hommes d’affaires, parmi lesquels se trouvent, justement, des responsables d’entreprises activant dans l’assemblage automobile et dont les marques devaient être présentes au Palais des expositions de la Safex.

Ces responsables seraient dans le viseur de la justice pour des privilèges dont ils auraient bénéficié dans différents projets d’affaires, à l’exemple des usines d’assemblage automobile qu’ils ont pu réaliser et faire démarrer sans grands obstacles après avoir reçu l’agrément du gouvernement, alors que des opérateurs économiques ayant déposé leurs dossiers de projets dans le même secteur attendent désespérément ce fameux document depuis près de trois années.

Selon des observateurs, il n’est pas exclu que les enquêtes judiciaires mènent aux véritables raisons qui ont fait que les autorités en place aient décider de limiter la liste des opérateurs autorisés à activer dans le secteur automobile, avec tous les privilèges dont profitent ces derniers à travers les exonérations de la TVA et autres taxes douanières sans contrepartie visible sur les prix des véhicules.

Bien au contraire, les véhicules assemblés en Algérie, importés en CKD-SKD, coûtent, tous segments confondus, plusieurs centaines de milliers de dinars plus chers que les mêmes modèles importés en produit fini.

Il n’est pas exclu également que les enquêtes ouvertes puissent toucher l’industrie automobile en Algérie dans sa globalité et renseigner sur la démarche de substitution la production nationale aux importations, qui n’a pas tardé à montrer ses limites, voire a échoué, par manque d’expérience et de clairvoyance chez ses initiateurs. Trop de choses ont, en effet, été dites sur les process d’assemblage automobile en mode CKD-SKD plus coûteux pour le pays que le véhicule fini et importé à son prix réel, mais trop de choses restent aussi à dire sur les véritables motifs qui laissent encore l’importation déguisée poursuivre son chemin dans le secteur automobile alors qu’elle a été dénoncée, preuve à l’appui, à plusieurs reprises.

Les enquêtes de la justice iront-elles jusqu’à apporter les éclaircissements nécessaires. Si c’est le cas, beaucoup de changements pourraient toucher le secteur, dont peut-être celui qui verrait les importations reprendre leur droit dans un marché livré à une poignée d’opérateurs. En attendant, c’est toute l’industrie automobile naissante qui se trouve dans la tourmente. Et l’annulation du Salon d’Alger en est la preuve édifiante.