Le Sahel entre les mains des Anglo-Saxons

Le Sahel entre les mains des Anglo-Saxons

Une enveloppe de 100 millions de dollars a été réservée par les Américains «pour aider les pays en transition, qui ont levé l’état d’urgence et qui veulent bâtir un Etat de droit».

Coprésidée par l’Algérie et le Canada, la première réunion du groupe de travail sur le renforcement des capacités de lutte antiterroriste au Sahel, s’est ouverte hier, au Palais des nations à Alger en présence de quelque 150 experts internationaux. Le groupe de travail a pour objectif de favoriser une «meilleure coordination» de la coopération en matière de lutte contre le terrorisme. Aussi, cette réunion est-elle perçue comme un «cadre de discussions» sur les lacunes et les ressources des capacités régionales. C’est d’ailleurs dans ce sens qu’a abondé le coordinateur de la lutte antiterroriste au département d’État américain et coprésident du Forum global de lutte contre le terrorisme (Fgct), Daniel Benjamin.

«Le Fgct va donner la priorité au renforcement des capacités civiles dans des domaines tels que l’Etat de droit, la gestion des frontières et faire face à l’extrémisme violent», a-t-il déclaré dans une allocution non sans indiquer que son pays a les moyens de sa politique et met la main à la poche.

«Une enveloppe de 100 millions de dollars a été réservée comme première initiative pour aider les pays en transition, qui ont levé l’état d’urgence et qui veulent bâtir un Etat de droit», a t-il annoncé. «Le Fgct va adopter une approche plus stratégique en ce qui concerne les efforts des civils en matière de lutte antiterroriste et aider à augmenter le nombre de pays capables, aussi bien sur le plan technique que pour ce qui est de la capacité et de la détermination à faire face au challenge terroriste». Cette célérité à dégager de l’argent renseigne sur la volonté des Américains à jouer un rôle déterminant dans la région du Sahel.

Curieusement effacés, presque absents, les Français ont laissé un vide aussi béant que le Sahel tombe désormais entre les mains des Anglo-Saxons. Le Canada copréside la réunion, la Grande-Bretagne invité de marque, l’Australie comme nouveau partenaire et les Etats-Unis d’Amérique comme locomotive qui va entraîner et parrainer toutes les initiatives sur des sillons préalablement tracés dans les arcanes du Congrès américain depuis avril dernier. Pour les Américains, le scénario cauchemar qui peut se produire dans les 20 prochaines années, serait l’acquisition des armes de destruction massive, chimiques ou biologiques, par des organisations terroristes. Partant de cette hypothèse, ils ont ciblé des régions propices à ce danger. C’était l’Afrique du Sud où réside une forte diaspora pakistanaise et ensuite la région désertique du Sahel au sud de l’Algérie, le Mali et la Mauritanie.

Dans une déclaration devant une sous-commission de la Chambre des représentants, le 14 avril dernier, Daniel Benjamin a tracé les contours de la politique américaine dans cette région. Il a été ainsi décidé que le département d’État agisse davantage en synergie avec d’autres gouvernements, de manière directe comme dans le cadre de groupes multilatéraux, en vue de «réduire le recrutement et la radicalisation» des populations séduites par les groupes terroristes, de promouvoir la capacité de ces pays à faire face aux menaces terroristes par le biais des organes chargés de l’application de la loi, de contrer l’extrémisme violent et de compliquer les transactions financières et les déplacements des groupes terroristes. «Cela reviendrait à sauvegarder nos intérêts de sécurité tout en faisant avancer nos valeurs, notamment notre soutien des droits de l’homme, de la démocratie et de la primauté du droit», a expliqué M. Benjamin devant les sénateurs américains sept mois avant la réunion tenue hier à Alger. Désormais, la situation dans le Sahel n’est plus l’affaire d’un seul pays. A menace transnationale, solution transnationale. Avec de pareils moyens, une pareille détermination et surtout avec le retrait tactique de la France, l’alibi de la guerre contre le terrorisme dans la région n’est que l’écume d’un ensemble de choses. La vague de fond est entretenue par le vieux contentieux qui oppose les Anglo-Saxons aux Français.