Le Sahel, du havre de paix à la bombe à retardement, L’Algérie face à son destin sécuritaire

Le Sahel, du havre de paix à la bombe à retardement, L’Algérie face à son destin sécuritaire

De par sa situation géographique, son poids diplomatique, et son expérience antiterroriste, l’Algérie est concernée par les dangers que peuvent constituer les défis sécuritaires, politiques, économiques et stratégiques pour sa sécurité intérieure.

Et si elle a engagé, à l’échelle local, une opération d’envergure contre le terrorisme et toutes ses autres manifestations, il n’en demeure pas moins que sur le plan extérieur, la crise des otages au nord du Mali, et la circulation des armes au sud de la Libye, est venu conforter le bien-fondé de sa démarche à lancer des initiatives en vue d’une action commune et concertée à l’échelle internationale pour combattre ce phénomène et qui s’articule principalement autour de deux volets : Tout d’abord, l’unification des méthodes de lutte contre le terrorisme en présentant des propositions concernant le rejet de la criminalisation du paiement des rançons en contrepartie de la libération des otages détenus par les groupes terroristes qui constituent pour ces groupes une importante source de financement de leurs activités criminelles. Le second volet consiste en le rejet de toute proposition conditionnant la libération d’otages en contrepartie de celle de terroristes faits prisonniers dans certains pays de la région. Toutefois, et jusqu’à présent, l’initiative algérienne n’a pas trouvé d’écho auprès de son homologue français, du moment où ce pays continue à payer des rançons aux groupes terroristes affiliés à Al Qaïda mère, dont la France est un très bon exemple. La libération de Pierre Camatte, en 2008, par Al Qaïda au Maghreb, puis celle des deux journalistes français, relâchés par les talibans, en Afghanistan, au début de cette année, après le paiement des rançons, reflète bien l’implication des autorités françaises dans le renforcement du terrorisme dans ces pays. Cependant, l’Algérie a eu l’aval de la communauté internationale : le projet présenté par l’Algérie a été soutenu par la Grande-Bretagne, le Canada, la Russie et les Etats-Unis, ainsi que la Chine, et ce, au Conseil de sécurité de l’ONU, le 17 décembre 2009, ce qui a donné lieu à l’adoption de la résolution 1373 relative à la lutte contre les sources de financement des activités des groupes terroristes (sans oublier de rappeler que l’Algérie a réussi à convaincre l’Union africaine à adhérer et à soutenir cette initiative lors du Sommet de Syrte, en Libye, en juillet 2009). Toutefois, et malgré cette réussite, cette démarche algérienne a connu un échec à son premier examen, dans sa mise en application effective. Cela pour des motifs relevant d’intérêts étriqués et de calculs profitant à des parties étrangères à la région. Ces parties pratiquent, souvent, des pressions et des chantages sur les pays de la région du Sahel pour arriver à leurs fins, c’est pour cette raison que la résolution n’a toujours pas connue de vrai départ. On peut rappeler dans ce sens le chantage exercé par la France contre le Mali, avec l’acceptation par ce dernier du versement d’une rançon et de la libération de quatre terroristes dangereux appartenant au groupe d’Al Qaïda au Maghreb emprisonnés au Mali, en échange d’un otage français détenu par le groupe terroriste d’Abou Zeid. Parmi les terroristes libérés, figurait un ressortissant algérien condamné par la justice algérienne et qui attendait son rapatriement et sa remise aux autorités algériennes suite au protocole judiciaire signé avec les autorités maliennes. Pis, la circulation des armes lourdes en Libye est un autre danger qui vient s’ajouter dans la région. Cette nouvelle situation menace toute la région, y compris l’Algérie, qui se voit dans l’obligation de réunir ses alliés du champ pour se protéger devant ces armes lourdes menaçant la sécurité et la stabilité du pays. Face à ces défis et enjeux dans la région, l’Algérie est appelée, pour préserver sa sécurité intérieure, à agir sur plusieurs fronts. Car si l’Europe voit dans la sécurisation de la rive sud de la Méditerranée la garantie d’une sécurisation du flanc Sud de l’espace européen, qu’elle considère comme partie intégrante de sa sécurité intérieure et son prolongement, il n’est pas de même pour ce qui concerne la sécurité intérieure de l’Algérie. En effet, la sécurisation de la région du Sahel représente un des volets de la sécurité intérieure de l’Algérie, d’autant que sur le plan géopolitique elle fait partie de cet espace et constitue son prolongement naturel, contrairement aux deux rives de la Méditerranée qui sont séparées par la mer. Une mer où a été installé le Commandement sud de l’Otan et qui est sillonnée par les navires de la VIe flotte américaine alors que le Sahel est une vaste mer de sable au climat rigoureux et sec dont la traversée est parsemée de dangers et qui échappe au contrôle des pays qui le bordent parce qu’ils ne disposent pas de moyens et équipements nécessaires à cet effet. Dans ce contexte de défis divers et dans sa quête légitime de sécuriser son environnement externe et de préserver sa souveraineté, le souci de l’Algérie est d’œuvrer avec détermination afin d’éviter l’internationalisation de la crise du Sahel et de veiller avec force à ce que cette dernière ne sorte pas de son cadre régional quel que soit le degré de gravité de la crise tant du point de vue de la perception du problème que de son traitement et des solutions proposées, mais également sans rejeter ni négliger la possibilité d’un recours à l’aide étrangère ou à une coordination avec les organismes, forces ou organisations internationales et autres groupements régionaux. Cependant, cela doit rester dans le cadre du soutien à la lutte contre le terrorisme transnational, sans que cela ne s’accompagne, par exemple, de l’installation de bases militaires étrangères dans la région ou sur le territoire de l’un de ces pays sous quelque prétexte que ce soit.

Par Sofiane Abi