Sur l’anodin itinéraire de la ligne du bus venaient se greffer des séquences qui en faisaient un parcours.
Très souvent ces séquences coïncidaient avec les arrêts de la ligne. Elles frappaient surtout par leur typographie élégante qui en faisaient de belles enseignes toutes différentes les unes des autres. Il y en avait presque partout et elles battaient le tempo de la vie urbaine.
Les enseignes des cinémas de la ville, celle d’antan.
De Kouba au Champ de Manœuvres (1e Mai), ce qui était la périphérie Est du centreville d’Alger, le bus s’immobilisait successivement, dans ce quartier si vivant de Belcourt, à hauteur des belles enseignes des cinémas.
Le Roxy avec sa façade style art-déco, flanquée d’un néon en lettres cursives d’une élégante inspiration, ses encadrements géants des affiches de films et ses bois avec des oculus circulaires. Parfois dans le bouillonnement des cinéphiles en début de matinées retentissait une sonnerie. C’était le plus grand du quartier et le plus connu.
Plus loin, collé à la célèbre boulangerie l’Oiseau Bleu (Mme Ferrat), le MUSSET faisait l’angle de la rue traversante. Puis en face, le CAMERA et finalement, encore plus loin, le MONDIAL avec son imposant auvent parcouru d’une enfilade de tubes néons qui marquaient un bel écriteau en caractères d’imprimerie, aussi de néons éclairés avec son intérieur recouvert d’un feutre sombre étoilé.
J’y ai vu un certain « Un été 42 » en 1974. Une évasion pour l’adolescent que j’étais.
Des lieux où s’était constituée la mémoire culturelle d’une ville que l’usager du bus, voyant les saisissantes images défiler sous ses yeux, transportait en lui.