Le report du procès en appel de l’affaire Khalifa laisse beaucoup de zones d’ombre et met la justice dans une situation fort embarrassante.
Même s’il était prévu que le procès soit reporté, sa programmation, en cette période précise posait beaucoup de problèmes. Au moment où le pays est secoué par des scandales de corruption de grande ampleur, impliquant des personnalités de haut rang, le procès de l’affaire Khalifa ne pouvait qu’avoir une dimension éminemment politique.
La multiplication d’affaires de corruption, portées devant l’opinion publique, a fait sortir le premier magistrat du pays de son silence. Le président Bouteflika a affirmé que l’État ne pouvait passer sous silence ces graves affaires et a promis que la justice irait jusqu’au bout. Le département de la Justice est allé dans le même sens, affirmant que toutes les personnes impliquées, quel que soit leur statut, devraient répondre de leurs actes devant la justice.
Entre ces réactions officielles et la réalité, il y un grand fossé que le travail de la justice n’arrive pas à combler.
En programmant l’affaire Khalifa, en pleine tempête, la justice savait qu’elle risquait gros, à commencer par sa propre crédibilité. A-t-elle, en effet, les moyens de sa politique ? Ceux lui permettant d’aller jusqu’au bout dans ce méga-scandale ? Ce procès en appel ne devrait pas constituer l’arbre qui cache la forêt. Qu’en est-il, en effet, du reste des affaires qui ont défrayé la chronique ? Celui de l’autoroute Est-Ouest, ou ceux de Sonatrach, pour ne citer que celles-là ? Il est clair que la justice, avec toute la bonne volonté du monde, ne peut aller au-delà de ses moyens. Dans un pays où le système judiciaire n’a pas les coudées franches, il serait naïf d’attendre des miracles de sa part. De même qu’il ne faudrait pas sous-estimer les capacités de résistance du système qui a permis la prolifération et l’enracinement de la corruption.
L’on a eu, ces derniers jours, des illustrations du climat très difficile voire hostile dans lequel évolue la justice, avec la sortie fortement médiatisée de Chakib Khelil, à partir de l’aéroport d’Oran, ou encore l’abracadabrante histoire de vol à la cour d’Alger. La lutte contre la corruption ne sera pas une partie de plaisir, tout comme elle ne pourrait se suffire de déclarations de bonnes intentions.
Mission impossible pour la justice algérienne ? Au regard de la conjoncture politique actuelle, l’on est tenté de répondre par l’affirmative, sachant qu’en prévision de la présidentielle de 2014, qui reste indécise, tous les coups bas semblent être permis.
Mais, non, ce n’est pas une mission impossible si la justice joue pleinement son rôle tel que défini par la Constitution et les lois de la République, si elle décide de s’affranchir des tutelles officieuses, habituées à donner des instructions orales, sans jamais se mouiller.
Ce serait, certes, une mission à hauts risques, dont le plus gros serait de voir la justice, encore une fois, et malgré elle, instrumentalisée à des fins de règlement de comptes, en vue de peser dans le rapport de forces d’ici avril 2014.
A B