Comment évoluera Al Qaïda
Le directeur du Renseignement national américain (NDI), James Clapper, prévoit une transition critique de la menace terroriste durant les trois prochaines années. Auditionné par la Commission du renseignement du Sénat américain, le patron du NDI prédit également une décentralisation du leadership d’Al Qaïda, conséquence de la diminution de l’importance opérationnelle de son noyau basé au Pakistan.
L’auteur de cette prévision, que la presse américaine surnomme «le parrain du renseignement humain», fonde son analyse prospective sur l’affaiblissement de l’organisation Al Qaïda après l’élimination, au Pakistan, de son chef et fondateur Oussama Ben Laden. Pour ce spécialiste du renseignement, depuis son étêtement, Al Qaïda s’est retrouvée contrainte de s’appuyer sur ses trois principales ramifications régionales, en l’occurrence l’Aqmi en Afrique du Nord, l’Aqap dans la péninsule Arabique (notamment le Yémen) et Al-Chabab en Somalie. James Clapper estime, ce disant, que ces trois groupes restent très attachés à l’idéologie de la mouvance mère.
«Chacun de ces groupes cherchera les opportunités pour frapper des cibles occidentales dans sa zone respective», soutient-il, précisant que «l’intensité et la capacité de chacun de ces groupes à mener des attaques transnationales varie largement. » Plus clairement, James Clapper explique que «le devenir de chacun de ces groupes et son rôle dans le mouvement djihadiste dépendront du rythme et de l’efficacité des opérations de contreterrorisme, ainsi que de la concurrence entre djihadistes à mener des opérations terroristes qu’ils prévoient à l’échelle locale et internationale». Le spécialiste américain du renseignement pense, en effet, que la réduction de la capacité de nuisance de la matrice d’Al Qaïda basée au Pakistan peut induire une planification et le lancement d’attaques terroristes par les groupes affiliés à la mouvance ainsi qu’une multiplication des parties pour, dit-il, inspirer le mouvement. James Clapper considère, sinon, que seule une coopération approfondie et soutenue dans la lutte contre le terrorisme est à même de pousser cette décentralisation vers une fragmentation du mouvement.
La démocratie, meilleur rempart contre Al Qaïda
Le devenir d’Al Qaïda et de ses ramifications régionales est, pour le patron du NDI, quelque part lié à la réussite ou l’échec des révolutions arabes. En ce sens que, pour lui, avec l’instauration de la démocratie, la mouvance connaîtra un revers stratégique. «Si les gouvernements arabes prennent des mesures concrètes permettant à leurs populations de participer dans la vie politique et dans les institutions démocratiques, tout en poursuivant leurs efforts de lutte contre le terrorisme, le noyau d’Al Qaïda et le mouvement djihadiste mondial connaîtra un revers stratégique », atteste James Clapper, qui enjoint un avertissement de ce que les lenteurs dans les réformes ou la tenue des promesses faites pour s’épargner les vents de révoltes populaires revigorerait Al Qaïda. Cette dernière et ses ramifications régionales trouveront dans cette situation, dit-il, autant d’opportunités pour exploiter les frustrations générées. Devant la Commission de renseignement du Sénat américain, James Clapper a également soutenu que «le monde arabe est dans une période de bouleversements et de changements qui mettront au défi la capacité des Etats-Unis d’influencer les événements au Moyen-Orient». Pour lui, les transitions politiques dans le monde arabe risquent d’être complexes et prolongées, du fait que les forces motrices du changement sont confrontées aux élites dirigeantes, au manque d’expérience en matière de démocratie, à la dépendance des richesses en ressources naturelles et aux rivalités des puissances régionales.
S. A. I.